Sur les quais bordelais, quelques minutes avant l’annonce des résultats, l’ambiance était à la fête dans la soirée dimanche 30 juin pour la Fête du vin, où des milliers de touristes se mêlent chaque année aux locaux. Le long de la Garonne, on a croisé une bande de potes, des verres de vins à la main. Des familles s’extasiaient devant des navires de légende. Sur le miroir d’eau, vitrine touristique, des enfants barbotaient en toute insouciance au soleil, on se prenait en selfie, on commençait à déboucher les bouteilles et à couper le saucisson. Pour beaucoup, à 20 heures, la politique était bien loin des conversations.
Il a fallu déambuler un long moment pour trouver enfin un groupe dans l’attente des résultats. A l’ombre de grands platanes, une bande de copines, la vingtaine, électrices du Nouveau Front populaire, a choisi la Fête du vin comme «repli stratégique» après avoir voté. «Pour noyer notre chagrin dans l’alcool», explique Olivia, en rigolant, à moitié sérieuse. A côté, Othilie scrolle nerveusement sur son portable. Quand les premiers résultats tombent, moue collective. De la déception et de la colère aussi. «34 % pour le RN quand même !» lâche, amère, Olivia. «Je pensais vraiment que le Nouveau Front populaire allait faire beaucoup plus», regrette Virginie. «On est dans notre bulle ; dans notre entourage il y a beaucoup de gens de gauche», rebondit Maya. Une partie d’entre elles ira manifester «dès demain s’il le faut» pour faire pencher la balance. L’autre estime qu’il faudra surtout «tout faire pour convaincre les électeurs de Macron» de reporter «intelligemment» leur vote. «Pas gagné», soupire Virginie.
Dans leurs circonscriptions pourtant, la gauche ne risque «pas grand-chose», estiment-elles. Lors des européennes, Bordeaux et quelques communes limitrophes ont résisté à la vague brune et privilégié la liste de Raphaël Glucksmann (21,97 %). «Ailleurs, en Gironde, c’est une autre affaire», soupire Virginie. Le 9 juin, le parti de Jordan Bardella a triomphé en arrivant en tête dans 97,6 % des communes, une première dans l’histoire du département.