Le chiffre a fait du bruit depuis dimanche 30 juin à l’issue du premier tour des élections législatives 2024. Au total, 10,8 millions de voix sont allées à l’extrême droite : 9,3 millions pour le Rassemblement national, 1,2 million pour ses alliés de LR emmenés par Eric Ciotti et 239 000 pour Reconquête, le parti d’Eric Zemmour.
Par rapport au résultat du premier tour des législatives de 2022, c’est une percée. A l’époque, le RN n’avait attiré que 4,2 millions d’électeurs et son allié Reconquête à peine un million. Mais si l’on compare au premier tour de la présidentielle 2022, le résultat est bien moins surprenant. Il y a deux ans, Marine Le Pen avait séduit 8,1 millions de personnes et Eric Zemmour, 2,4 millions. Soit un total de 10,5 millions très proche du résultat de dimanche dernier. Evidemment ce différentiel s’explique aussi par la participation de 72 % à la dernière présidentielle, 46,5 % aux législatives de 2022 et 65 % aux dernières élections.
En nombre de voix brutes, les résultats les plus surprenants ne sont pas là où on les attend. Le parti Les Républicains, malgré ses divisions, a fait presque le même score dimanche qu’aux législatives de 2022 : 2,1 millions contre 2,3 millions il y a deux ans. «Là encore, il ne faut pas surinterpréter cette apparente stabilité. Ce ne sont pas forcément les mêmes personnes qui ont voté LR aux européennes et aux législatives», analyse pour Libé le maître de conférences en science politique à Sciences-Po Grenoble, Florent Gougou. Et ce dernier de citer l’exemple de «la quatorzième circonscription de Paris, qui recouvre une partie du XVIe arrondissement, lieu de vie des élites économiques, était acquise à Ensemble en 2022. Aux européennes, elle a largement voté LR. Mais dimanche, elle a revoté Ensemble. Comme si la stratégie du gouvernement de polariser sur les extrêmes avait réussi à mobiliser son électorat».
D’ailleurs, la macronie ne connaît pas l’effondrement complet qui est parfois décrit à la vue de son score en recul. Il reste autour des 6,5 millions de voix malgré une participation en forte hausse (46,46 % en 2022 contre 64,88 en 2024). «Le bloc central s’est rétracté sur son noyau électoral, mais il n’est pas effacé de la carte. L’espace politique construit par Emmanuel Macron ne s’est pas effondré, même si ce ne sera plus au Président de l’incarner en 2027», décrypte Florent Gougou.
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Et la gauche dans tout ça ? Elle peine à améliorer son score. L’ensemble des candidats à la présidentielle de 2022 avaient réuni plus de 11 millions d’électeurs. Au premier tour des législatives de 2024, il n’en reste plus que 8,9 millions et l’impression d’en avoir perdu 2 millions en cours de route. Florent Gougou, lui non plus, «ne voit pas de dynamique» chez une gauche stagnant autour de 30 %.
«Attention, l’analyse en nombre de votants est parfois utilisée pour minimiser la portée d’un score, prévient toutefois, Florent Gougou. C’est bien le pourcentage des bulletins exprimés qui définit le rapport de force politique.» En l’occurrence, le RN et ses alliés font un score de 33,15 % aux législatives 2024 contre 18,68 % au même scrutin deux ans plus tôt, et 23,15 % en faveur de Marine Le Pen à la présidentielle de 2022.