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Libération
Reportage

Législatives : à Nice, dans les pas de Virgile Vanier-Guérin, le candidat LR «caillou dans la chaussure» d’Eric Ciotti

Elections législatives 2024dossier
S’il n’a pas encore reçu tracts et affiches de campagne, le candidat investi par Les Républicains (canal historique) dans la première circonscription des Alpes-Maritimes arpente les rues pour se faire connaître. Et porter la voix des électeurs de droite révulsés par l’alliance avec le RN prônée par le président du parti.
Virgile Vanier-Guérin, lors de sa première sortie de campagne, quartier Saint-Roch, dimanche à Nice. (Laurent CARRE/Libération)
par Mathilde Frénois, correspondante à Nice
publié le 24 juin 2024 à 10h59

Les mains sur les hanches, le nez au vent. Quand on fait campagne pour la première fois, il y a forcément un moment de flottement. Surtout que Virgile Vanier-Guérin n’a pas encore reçu sa propagande électorale. Pas d’affiche, pas de tract. C’est avec ses seuls arguments et sa remplaçante Claire Lopetrone qu’il milite place Saint-Roch, à Nice, dimanche matin. «Les gens font leur marché, on ne va pas les déranger, dit-il. Je les laisse tranquilles.» Virgile Vanier-Guérin est le candidat Les Républicains dans la première circonscription des Alpes-Maritimes. Une candidature spontanée et surprise. Lui dit «kamikaze». Le parti a investi Virgile Vanier-Guérin face à Eric Ciotti, encore président de LR malgré la division interne consécutive à l’annonce de son alliance avec le Rassemblement national. «C’est rock’n’roll», lui lance Corinne, croisée à un café, qui reconnaît un certain «courage». Virgile a le cran de concurrencer Eric Ciotti sur son camp.

Virgile Vanier-Guérin a trouvé Richard, retraité, sous des parasols. «Je suis le candidat Les Républicains qui se présente contre Ciotti», expose d’emblée le prétendant, dans sa chemise rose. Mince : Richard est ciottiste convaincu. «En tant que chef du parti Les Républicains, il ne peut pas retourner sa veste et aller vers le RN, argumente le nouveau candidat. Il a bafoué les règles.» Richard liste l’insécurité, le «fada Mélenchon», «toute cette racaille» : «Ciotti a raison», assure-t-il. Au café, Alexandre aussi choisit Ciotti : «Il faut faire un bloc large à droite.» Le député sortant sera difficile à déboulonner. Il tient le siège depuis 2007.

«Si personne ne veut se lancer, je présente ma candidature»

Quatre jours plus tôt, Virgile Vanier-Guérin lançait sa campagne. Il réunissait la presse dans le restaurant de sa remplaçante, sur le port de Nice, à moins de 100 mètres de la permanence d’Eric Ciotti. Petite provoc. «Je suis lourdingue», dit Virgile Vanier au bout de douze minutes de présentation. Il venait de répéter neuf fois le nom d’Eric Ciotti – on a compté. Pour évoquer l’alliance avec le RN, Virgile Vanier-Guérin a parlé de «prise d’otage» et de «volte-face». Ciotti serait «indigne d’un homme politique», «quelqu’un qui a laissé tomber, qui a bafoué».

Inconnu du grand public et novice en politique, Virgile Vanier-Guérin a d’abord déroulé son CV. Ce père de famille de 43 ans a mené une carrière de sommelier avant de devenir directeur commercial pour une société de transport qu’il est en train de redresser. Il est fier d’expliquer qu’il est administrateur de l’Œuvre des crèches de Nice et qu’il était réserviste opérationnel de l’armée pendant son chômage. Il sait «sortir de la zone de confort» : il a connu un licenciement et un divorce.

Comment lui est venue cette idée folle ? Lui qui n’a jamais été encarté LR – «avant je suivais le parti radical». Lui qui n’a jamais croisé Eric Ciotti – «on se connaît indirectement sur LinkedIn». Le jour de l’alliance avec le RN, il se dit : «Putain fait chier.» Il «accuse le coup». Il prend son ordinateur, tape www.republicains.fr et envoie un mail à la fédération. «Bonjour Madame, Monsieur» , commence-t-il. Et de proposer : «Si personne ne veut se lancer dans la première circonscription, je présente ma candidature.» Virgile Vanier-Guérin s’entretient par téléphone avec le bureau d’investiture national. C’est fait. Il est candidat. «Je reprends le flambeau des Républicains pour tous ces électeurs qui ont fait confiance au parti, énonce-t-il. Je ne pouvais pas les laisser sur le carreau.»

Numéro écrit au stylo derrière cartes de visite

Après la conférence de presse, Virgile Vanier-Guérin et Claire Lopetrone ont posé devant un iPhone pour la photo officielle. Ils ont repéré une faute de frappe sur l’affiche et les tracts – d’où le retard à l’envoi. Financée par LR, la campagne bénéficie d’un «petit pécule». Mais c’est bien Virgile Vanier-Guérin qui gère sa propre communication auprès des journalistes. Il n’a pas accès aux fichiers téléphoniques : il envoie des SMS de mobilisation en cherchant les numéros «sur les pages blanches».

Sur le marché dimanche matin, Virgile Vanier-Guérin coince son carnet sous le bras. A l’intérieur : «Les dix propositions pour redresser la France» des Républicains. «On défend le pouvoir d’achat des Français. C’est notre leitmotiv. Et aussi la sécurité, la réindustrialisation, l’immigration contrôlée, énumérait-il en conférence de presse. On n’a rien inventé, on reprend le programme initial défendu par Eric Ciotti.»

Le nouveau duo tombe sur des amis à l’apéro. Eux veulent «faire barrage aux extrêmes». Ils ont l’air séduit par le discours de Virgile Vanier-Guérin, dont ils découvrent la candidature. Pas de tracts ? Claire Lopetrone distribue les cartes de visite de sa boutique de vêtements, en écrivant le nom du candidat au stylo au verso. Pas de slogan ? Elle invente «Virgile, le V de la victoire». Claire Lopetrone est à la tête de deux restaurants et d’un magasin. Ancienne assistante parlementaire RPR, elle militait pour Eric Ciotti depuis trente ans. Elle en parle désormais au passé. «On était avec Ciotti, il nous a laissés sur le bord du terrain, regrette-t-elle. On va être le caillou dans sa chaussure. Je n’ai pas d’autre prétention. Il ne fallait pas laisser cette place libre chez LR. On a une carte à jouer.» Eric Ciotti est passé devant sa boutique. Il lui a souhaité «bonne chance» : «C’était ironique», sourit-elle.

Virgile Vanier-Guérin recroise Richard. «Toujours RN ? Toujours Ciotti ?» C’est oui. «Au moins, vous, vous savez ce qu’est la fidélité.» Le retraité ne se laisse pas démonter.