Les grandes manœuvres commencent à gauche. Après le succès du Nouveau Front populaire arrivé en tête ce dimanche des élections législatives avec 178 sièges, les tractations post-électorales sont lancées pour former un gouvernement. «Il va falloir laisser quelques jours à l’Assemblée nationale pour s’organiser», a ainsi assuré dès ce lundi 8 juillet Yannick Jadot, tout en déclarant toutefois que le NFP proposerait «un gouvernement cette semaine». «Le plus dur commence ce matin» pour le Nouveau Front populaire, dont les leaders ont déjà «commencé à travailler» cette nuit, a enchaîné le sénateur écologiste.
Le Nouveau Front populaire doit présenter «une candidature» au poste de Premier ministre, abonde également Olivier Faure. Jugeant qu’il ne fallait pas donner «le sentiment que nous ne sommes pas capables de gouverner», le premier secrétaire du PS a assuré que le choix se ferait rapidement, «soit par consensus», «soit [par] un vote» entre les différentes formations du Nouveau Front populaire, «dans la semaine». L’écologiste Sandrine Rousseau a confirmé ce délai sur BFMTV.
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Emmanuel Macron «devrait appeler aujourd’hui officiellement le Nouveau Front populaire à lui transmettre un nom de Premier ministre», estime de son côté la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier. Une question brûle alors toutes les lèvres : quel visage pour incarner l’alliance de gauche à Matignon, alors que les rapports de force entre les groupes politiques du NFP se sont rééquilibrés ? En effet, parmi les 178 sièges au Palais Bourbon dont disposent les députés élus sous la bannière du Nouveau Front populaire, 71 seront occupés par la France insoumise, tandis que 61 seront dévolus aux députés du PS. En troisième position dans la coalition, les écologistes disposeront de 33 sièges et les communistes de 9. Les insoumis demeurent donc pour l’heure le principal groupe à gauche. Un détail pourtant : Clémentine Autain et François Ruffin figurent toujours au sein de ces 71 députés LFI, alors que ces deux «frondeurs» ont annoncé leur volonté de ne plus siéger avec leurs anciens collègues. Les chiffres pourraient donc être révisés.
Mélenchon, «pas disqualifié» ou «trop clivant»?
S’appuyant sur les chiffres qui placent son parti en tête de la gauche, le député insoumis Manuel Bompard a rappelé que, conformément à l’usage républicain, le nom du Premier ministre doit être issu de la «formation politique de la coalition qui dispose du plus grand nombre de députés». Jean-Luc Mélenchon «n’est absolument pas disqualifié» pour Matignon, a renchéri la députée LFI du Val-de-Marne Mathilde Panot. Et d’asséner : «Jean-Luc Mélenchon est celui qui a réappris à la gauche à gagner, celui qui a redonné de l’espoir à des millions de personnes en faisant 22 % à l’élection présidentielle, celui grâce à qui a pu exister non seulement la Nupes mais aujourd’hui le Nouveau Front populaire».
Un discours qui entre en contradiction avec celui de Marine Tondelier, qui ne cesse de vouloir éloigner le leader insoumis du poste de chef du gouvernement. Comme avant le scrutin, elle souligne qu’«un bon Premier ministre doit apaiser le pays [et] fédérer dans son propre camp» et que, par conséquent, ce n’était «pas parti pour être Jean-Luc Mélenchon». «Jean-Luc Mélenchon n’est pas le leader du [Nouveau] Front populaire, il veut peser sur la situation politique, c’est normal, mais l’équilibre du NFP fait que nous avons besoin d’un profil consensuel», a lui aussi répété Yannick Jadot.
Portrait robot du futur ou de la future Premier ministre ⤵️
— Marine Tondelier (@marinetondelier) July 8, 2024
1⃣ Être aligné avec notre programme
2⃣ Une figure qui doit apaiser et réparer le pays
3⃣ Faire consensus
4⃣ Compétence et expérience
Beaucoup de monde coche ces critères au sein du #NouveauFrontPopulaire pic.twitter.com/BmD4bN4aeI
La France insoumise reste toutefois incontournable au sein du Palais Bourbon : «Ceux qui nous expliquent qu’ils vont faire une majorité sans LFI n’ont pas eu les mêmes profs de maths que moi. […] Je ne vois pas comment c’est possible», avance la patronne des Ecologistes. Marine Tondelier précise alors que le futur chef du gouvernement «peut être quelqu’un de LFI, du Parti socialiste, du Parti communiste, des Verts. Ça peut même être quelqu’un qui soit au-delà de tout ça», n’excluant pas une personnalité de la société civile. Olivier Faure est sur la même ligne, qui ne veut «exclure personne» mais plaide pour un «tisserand» à même de recoudre un tissu social déchiré, capable d’«apaiser» et de «dialoguer» : «Jean-Luc Mélenchon n’a pas ce profil, car il est le plus clivant au sein du Nouveau Front populaire», conclut le socialiste.
Le PS, première force à gauche ?
En parallèle, Clémentine Autain rechigne elle aussi à l’idée de choisir nécessairement un candidat issu de la France insoumise. La députée souligne que le décompte des voix étant encore en cours, il n’est «pas absolument certain» que LFI, talonné par le PS, arrive en première position au sein du NFP. Dans un tacle à coup sûr adressé à Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain annonce «[souhaiter] appartenir à un nouveau groupe politique» au sein de l’hémicycle, qui serait cadre de «démocratie», de «pluralisme» et pas de «caporalisme». Et n’a pas exclu sa candidature pour Matignon, ni celles de Marine Tondelier ou de François Ruffin, en appelant au consensus.
Il est encore «possible» que le Parti socialiste devienne le premier groupe de l’alliance de gauche à l’issue du second tour des législatives, a lui aussi mis en avant Olivier Faure. «On va voir les affiliations, les ultramarins…» a-t-il énuméré, mentionnant également, après avoir été interpellé sur le cas de François Ruffin qui a acté durant la campagne sa rupture avec la France insoumise, qu’il était «possible que d’autres ne siègent pas avec LFI».
Les discussions au sein du NFP, entamées dimanche soir, se poursuivront ce lundi pour tenter d’accoucher du nom du futur locataire de Matignon. En attendant le nom de sa ou son successeur, Gabriel Attal, qui a remis sa démission au président de la République lundi en fin de matinée, continue d’assurer ses fonctions «aussi longtemps que le devoir l’exigera».