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Union ?

Législatives : ces circonscriptions où la gauche part divisée

Elections législatives 2024dossier
Malgré l’accord du Nouveau Front populaire, les électeurs devront trancher entre plusieurs candidats de gauche dans certains départements. «Libé» fait le point sur ces circonscriptions où l’union n’est pas de mise.
Avant la conférence de presse du Nouveau Front populaire, à Paris le 14 juin. (Cha Gonzalez/Cha Gonzalez)
publié le 18 juin 2024 à 17h52

La course contre la montre a commencé. Après une longue semaine de négociations, la gauche rentre est entrée lundi dans la campagne des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Officiellement, la France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), Les Ecologistes, et le Parti communiste français (PCF), unis sous la bannière du Nouveau Front populaire, proposent un «candidat unique» dans la quasi-totalité des 577 circonscriptions – LFI en a obtenu 229, le PS 175, les écolos 92 et le PCF 50. Dans certains bureaux de vote, les électeurs auront pourtant face à eux des bulletins de plusieurs candidats de gauche. Libé fait le point sur ces circonscriptions concernées.

Les insoumis à LFI

A peine nouée, l’alliance du Nouveau Front populaire a tangué vendredi soir après une «purge» mélenchoniste au sein de LFI selon les mots de l’insoumise Clémentine Autain. La liste de candidats du parti écarte en effet plusieurs députés sortants identifiés comme critiques de la direction. Ni Raquel Garrido du côté de Bobigny et Drancy en Seine-Saint-Denis ni son mari Alexis Corbière, élu de Montreuil-Bagnolet, ne font partie des candidats investis par le mouvement. Idem pour Danielle Simonnet à Paris, Hendrik Davi, député sortant de Marseille, ou encore Frédéric Mathieu, élu en Ille-et-Vilaine.

Alexis Corbière, qui voit dans ce revirement de situation «une volonté de Jean-Luc Mélenchon», a toutefois décidé de maintenir sa candidature dans la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis. Il y sera opposé à Sabrina Ali Benali, médecin urgentiste de 38 ans. Lundi soir, à Montreuil, François Ruffin a tenu à apporter son soutien à l’ancien député LFI de la circonscription et désormais candidat dissident. «Puisque nous sommes à Montreuil et, ici, ce que vous appelez une élection est en fait une primaire de la gauche, ironise-t-il, je veux dire mon plein soutien à mon camarade et ami Alexis Corbière.» Sous les applaudissements de la foule.

La situation est la même pour Raquel Garrido qui fera face à Aly Diouara, employé à la mairie de Drancy, dans la 5e circonscription de Seine-Saint-Denis. Interrogé lundi matin au micro de franceinfo, le patron du parti socialiste Olivier Faure a déclaré soutenir sans «aucune espèce d’hésitation» la candidature de Raquel Garrido.

Danielle Simonnet (15e circonscription de Paris), elle aussi membre de la garde rapprochée qui a accompagné Jean-Luc Mélenchon hors du Parti socialiste 2008 pour fonder le Parti de gauche, ancêtre de La France insoumise, devra quant à elle faire face à la dirigeante de la CGT, Céline Verzeletti. A Marseille, dans la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône, c’est Allan Popelard, un éditeur contributeur régulier du Monde diplomatique et agrégé de géographie, qui est investi à la place de Hendrik Davi, proche de Clémentine Autain. Dans la 1re circonscription d’Ille-et-Vilaine, la Brestoise Marie Semeur représentera le Front populaire à la place de Frédéric Mathieu qui a finalement décidé de jeter l’éponge, «faute de suppléant», explique son directeur de campagne.

En Seine-Saint-Denis, LFI règle ses comptes avec les communistes

Les électeurs de gauche de la 4e circonscription de Seine-Saint-Denis devront également choisir entre deux candidats pour ces législatives. Dimanche soir tard, LFI a annoncé présenter Mohamed Awad sans le sceau du Nouveau Front populaire face à la députée PCF sortante Soumya Bourouaha. L’accord entre les différents partis de gauche stipule pourtant que cette circonscription, celle où étaient élue l’ancienne secrétaire nationale, Marie-George Buffet, est censée revenir aux communistes. Mais comme le maire communiste de Bobigny, Abdel Sadi, a apporté son soutien à la candidature de la dissidente LFI Raquel Garrido, en devenant son suppléant, LFI a décidé de changer ses plans. «Nous n’avons eu de cesse de demander au PCF de respecter le principe de candidature unique. En vain. Leur choix de division en Seine-Saint-Denis nous contraint à cette décision, que nous aurions souhaité ne pas avoir eu à prendre», indique à l’AFP le député sortant Paul Vannier, membre de la direction de LFI, précisant que le parti est «prêt à retirer cette candidature si le PCF renonce à soutenir les dissidents au Nouveau Front populaire en Seine-Saint-Denis».

En Essonne, Jérôme Guedj fait face à son ancienne suppléante Hella Kribi-Romdhane

Le socialiste Jérôme Guedj, candidat à sa réélection dans la 6e circonscription de l’Essonne sous les couleurs du PS – mais pas celles du Nouveau Front populaire –, sera opposé à son ancienne suppléante, la candidate Générations Hella Kribi-Romdhane. Cette dernière a annoncé se présenter «au nom du Nouveau Front populaire» avec un suppléant de LFI, en raison du refus du socialiste de rejoindre la bannière de l’union de la gauche. Cible des attaques de La France insoumise durant la campagne des européennes, Jérôme Guedj refuse catégoriquement d’être associé au parti de Jean-Luc Mélenchon, dont il fut pourtant très proche au PS jusqu’en 2008. Pour Olivier Faure, les candidats faisant face à lui «n’ont pas le soutien du Front populaire, ils se sont mis d’eux-mêmes en dissidence». Selon l’accord passé entre les partis de la nouvelle alliance de gauche, cette circonscription revient bien au PS. «Nous avons porté avec Jérôme Guedj au sein de la commission des affaires sociales, les combats, comme avec tous les députés sortants, PS, LFI, écologistes, PC, G.s sur les retraites, le chômage, le budget… Une candidature #Frontpopulaire face à lui est indigne», fustige l’écologiste Sandrine Rousseau sur X. De son côté, Raphaël Glucksmann a assuré qu’il offrait son «plein soutien» au député, et qu’il était à ses «côtés, aujourd’hui et demain». Yannick Jadot, lui, s’est contenté de partager le tweet de Jérôme Guedj, y ajoutant un sobre «Soutien !»

Dans le Nord, la confusion de l’après Quatennens

La bataille continue à gauche dans la première circonscription du Nord après le feuilleton de la candidature d’Adrien Quatennens – réinvesti par LFI en dépit de sa condamnation à quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour violences conjugales sur son ex-femme, l’élu a finalement renoncé a briguer un nouveau mandat de député. Dimanche, LFI a annoncé l’investiture d’Aurélien Le Coq, coanimateur national des Jeunes insoumis et directeur de campagne d’Adrien Quatennens en 2022, qui a déjà reçu l’appui des Ecologistes. Il sera opposé à la militante féministe Amy Bah, 27 ans, membre du collectif NousToutes, qui s’est portée candidate au nom des «valeurs» de la coalition de gauche et compte parmi ses soutiens la maire PS de Lille Martine Aubry.

Quiproquo en Béarn

Sans attendre d’investiture, le maire de Billère, Jean-Yves Lalanne, avait annoncé sa candidature dès le mercredi 12 juin sous la bannière de l’union des gauches dans la première circonscription des Pyrénées-Atlantiques. Mais LFI en a décidé autrement, investissant finalement un jeune militant du parti, Jean Sanroman, originaire de Horgues (Hautes-Pyrénées) et Palois d’adoption. Samedi 15 juin, le maire de Billère avait décidé de maintenir sa candidature. Si les deux candidats disent regretter que la gauche parte finalement désunie sur la circonscription béarnaise, ils appellent à demi-mot à une alliance locale entre eux, selon Francebleu Béarn Bigorre. Et Jean-Yves Lalanne de préciser qu’il y aura des «discussions» durant la campagne.

Dans le Vaucluse, LFI contre tous

Dans la première circonscription du Vaucluse, qui couvre notamment Avignon – où la gauche a fait de bons scores aux européennes –, LFI a investi un militant de la Jeune garde antifasciste, mouvement assumant une stratégie musclée et contestée contre l’extrême droite. Raphaël Arnault, éducateur lyonnais de 29 ans, est fiché «S» dans le registre policier recensant les individus potentiellement dangereux pour la sécurité nationale, a confirmé à l’AFP une source proche du dossier. «Il a un profil trop extrémiste, c’est pourquoi l’arc de gauche humaniste, social-démocrate, dont je fais partie ainsi que la maire d’Avignon Cécile Helle, a décidé de soutenir Philippe Pascal, ancien inspecteur du travail, bien connu sur le territoire des travailleurs et gens en difficulté», a expliqué à la presse le sénateur socialiste du Vaucluse, Lucien Stanzione. Militant local, ex-inspecteur de l’Urssaf et bénévole humanitaire, Philippe Pascal, Avignonnais de 67 ans membre de la Gauche démocratique et sociale, le mouvement de Gérard Filoche, est donc candidat dissident face à Raphaël Arnault dans une circonscription remportée par le candidat du RN Joris Hébrard en 2022, depuis remplacé par Catherine Jaouen.

Dans l’Aude, Poutou pas tout seul

Investi par le Nouveau Front populaire, Philippe Poutou devra faire face à un autre candidat de gauche dans la première circonscription de l’Aude. Aurélien Turchetto, vice-président de Carcassonne Agglo, se présente en effet pour incarner «une gauche républicaine, sociale, européenne, écologique et laïque». Le candidat, sans étiquette, est soutenu par plusieurs cadres du PS audois, rapporte l’Indépendant.