Qu’ils sont dévoués, ces députés attalistes. Lancés dans une course folle pour tenter de sauver leur siège aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, ils trouvent tout de même le temps, selon nos informations, de phosphorer sur un projet de tribune pour soutenir le Premier ministre et souhaiter la prolongation de son bail à Matignon après le second tour. A moins que, assommés par la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre sans préavis l’Assemblée nationale, épouvantés par le risque d’être balayés de l’hémicycle, ils s’accrochent à leur dernière bouée de sauvetage.
«Stabilité et clarté de notre projet»
C’est la députée sortante des Yvelines Nadia Hai, proche de Gabriel Attal, qui a lancé l’idée en début de semaine. «Face au marasme du paysage politique qui a lieu sous nos yeux en ce moment même, avec des collègues nous vous proposons de signer cette tribune pour marquer la stabilité et la clarté de notre projet et notre soutien à celui qui l’incarne», a suggéré l’ancienne ministre déléguée à la Ville, dans la boucle Telegram des députés Renaissance : «Le Rassemblement national va personnaliser à fond sa campagne sur Bardella à Matignon. Il faut qu’on garde aussi une offre claire. Et on a vu dans le sondage envoyé par plusieurs d’entre vous sur cette boucle que Gabriel est celui dans notre majorité qui fait le meilleur score face à Bardella chez les Français.»
Déjà vendu, à sa nomination, comme une «arme anti-Bardella» – avec le succès que l’on sait, aux européennes –, Attal est vu comme le plus efficace pour batailler contre le président du RN et contre Jean-Luc Mélenchon ou tout autre prétendant issu du Nouveau Front populaire, qui voudraient le déloger. «Qui voulons-nous ? Jordan Bardella, le leader de l’extrême droite, profiteur cynique des colères, entre mensonges et insuffisances ? Qui voulons-nous ? Jean-Luc Mélenchon, le leader de la nouvelle Nupes ? Lui qui n’a qu’injures et outrances à la bouche», est-il écrit dans ce projet de texte. «Je n’ai pas trop relancé les signatures car je suis à fond dans ma campagne», explique Nadia Hai, qui dit avoir rassemblé une quarantaine de paraphes. Une initiative personnelle, assure-t-elle. «Je n’ai pas sollicité Matignon, on ne m’a dit ni oui ni non.» L’entourage de Gabriel Attal précise que la tribune n’a pas été écrite avec l’accord de Matignon.
Populaire dans les sondages
«Des députés Renaissance qui signent une tribune pour dire que Gabriel doit rester Premier ministre, c’est logique, en fait», ironise un élu qui n’a pas souhaité ajouter un petit «pouce» au message de Nadia Hai pour parapher le texte. Le projet de tribune aurait tout de l’évidence… si la position d’Attal était assurée. Ce qui n’est plus le cas, vu le traitement que lui a réservé Emmanuel Macron dimanche en le prévenant au dernier moment de sa décision de dissoudre l’Assemblée, alors que Matignon défendait une stratégie pour naviguer tout l’automne en espérant échapper à une motion de censure. La tribune peut donc être vue comme un moyen de forcer la main à Emmanuel Macron en le poussant, en cas de victoire, à conserver Attal, désormais plus populaire dans les sondages et auprès des députés de base. Ou inviter le président de la République à la mettre en sourdine jusqu’à la fin de la campagne.
L’initiative a malgré tout une dimension légèrement absurde, tant l’hypothèse pour les macronistes d’obtenir une majorité de sièges aux législatives anticipées semble hors de portée selon toutes les études d’opinion publiées depuis la dissolution.