Le Tour de France a ciselé sa neuvième étape au coupe-choux. Une boucle – fait rarissime – partant et arrivant à Troyes (Aube), empruntant les chemins blancs de Champagne, ce qui promet un peloton perforant les vignes dans une fumée blanche, quelques crevaisons, peut-être des favoris défaillants… Bref, un bon storytelling pour un dimanche après-midi pas somnolent, et des retombées médiatiques pour une course qui compagnonne désormais avec Netflix.
Mais l’annonce dimanche par Emmanuel Macron de législatives anticipées relègue la course cycliste au second plan. Déjà pris en sandwich par l’Euro de football et les Jeux olympiques, l’édition 2024 de la Grande Boucle voit les élections lui tomber dessus. Si le premier tour, le 30 juin, ne sera pas affecté par le passage de l’épreuve puisque le peloton se trouvera en Italien après un grand départ donné la veille à Florence, y a-t-il un sujet démocratique pour le 7 juillet et l’étape troyenne ? Quand le Tour de France déboule dans les villes et les bourgs, les routes se ferment à la circulation quelques heures, avant le passage de la caravane publicitaire. Certains centres-villes sont scindés par des barrières, rendant la traversée pour les piétons interdite.
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Ce n’est pas la première fois que le Tour de France coïncide avec une élection. En 2021, les régionales se tenaient au moment du départ de l’épreuve en Bretagne. Nombre d’électeurs s’étaient alors rendus dans leur bureau de vote le matin avant ou le soir après le passage de la caravane et des coureurs. Certains bureaux avaient été déplacés, le tracé empêchant la majorité des électeurs y étant rattachés de pouvoir y glisser facilement un bulletin.
C’est ce qu’envisage la mairie de Saint-Parres-aux-Tertres le 7 juillet, dont la commune sera traversée non pas une mais deux fois par le Tour, occasionnant la fermeture de la circulation de 6 heures à 18 heures. Dans l’Est-Républicain, Rémy Marty, maire de Montaulin, une autre commune traversée, se montre préoccupé : «Plus de la moitié du village va être bloquée. On vote dans la salle annexe derrière la mairie, au centre du village dans la Grande-Rue. Je n’ai pas de solution de repli. Il y a bien des chemins et des rues accessibles mais je n’ai pas de bâtiment sauf à organiser le vote chez un particulier.»
«Rassurer tout le monde»
Mardi soir, une réunion à la préfecture de l’Aube s’est tenue entre la préfète, les maires concernés par le passage du Tour, les forces de l’ordre et l’organisation de l’épreuve. «Une réunion de travail pour rassurer tout le monde et identifier les bureaux de vote qui pourraient être perturbés», précise le directeur adjoint de la course, Pierre-Yves Thouault, à Libération. Aucune modification du parcours n’est prévue, mais plutôt des inflexions à ce qu’il appelle la «bulle privative complètement hermétique» du Tour, avec la mise en place de «points de cisaillement» pour traverser la route, même après le passage de la caravane publicitaire.
En plus de cette piste, Barthélémy Champanhet, sous-préfet de Bar-sur-Aube, précise qu’une augmentation de l’amplitude horaire de l’ouverture des bureaux de vote (avant 8 heures ou après 18 heures) est à l’étude pour les 34 communes concernées, ainsi que le déplacement de quelques bureaux de vote si nécessaire, une décision qui doit être prise avant lundi et le début de la campagne officielle.
Le maire de Landreville, 350 électeurs, décrivait, lui, ce mardi dans l’Est-Républicain, un «coup de massue» à l’annonce de la tenue de législatives anticipées : «C’est compliqué de concilier [l’élection et le Tour]. Il faut tenir les bureaux de vote alors que tout le monde aura envie de voir passer le Tour de France. Il va falloir trouver des bénévoles. On doit aussi bloquer les routes. Je vais inciter les gens à venir voter le matin.» L’élu donnait aussi son espoir. «Ça serait bien qu’il n’y ait qu’un tour» des élections législatives, c’est-à-dire que le député soit élu dès le 30 juin au soir. Espoir lugubre. Dans son village, Jordan Bardella caracolait à 44 % des suffrages aux européennes dimanche soir.