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En résumé

Législatives : les dix moments à retenir de la soirée sur France 2 avec Bardella, Glucksmann, Attal, Lisnard et Guetté

Jordan Bardella qui minimise la présence de candidats racistes dans ses rangs, Raphaël Glucksmann qui ne voit pas la gauche gagner dimanche alors que Clémence Guetté oui, Gabriel Attal qui entretient le flou sur l’assurance chômage… Retour sur «l’Evénement» de ce jeudi 4 juillet.
Le plateau de Caroline Roux, jeudi 4 juillet. (Bertrand Guay /AFP)
publié le 4 juillet 2024 à 23h25

J-4 avant le deuxième tour des élections législatives. Ce jeudi 4 juillet, France 2 proposait une émission spéciale, L’Evénement, qui a vu se succéder quatre représentants, et une seule représentante ajoutée à la dernière minute, des grandes forces en présence dans ce scrutin. Soit un format similaire à celui proposé la veille par BFM TV. Qu’en retenir ? De notre côté, ces quelques morceaux choisis.

1) La défense abracadabrantesque de Jordan Bardella sur les candidats racistes et complotistes du RN

D’entrée de jeu, le président du RN, Jordan Bardella, est attaqué par la journaliste Caroline Roux sur les quelque 80 candidats racistes, antisémites et complotistes du Rassemblement national qui ont été recensés à ce jour par plusieurs médias, dont Libération. Bardella ne se démonte pas. «Il y a eu quatre ou cinq candidats […] dont on s’est aperçu qu’ils avaient eu sur leurs réseaux sociaux […] des propos inadmissibles», admet-il seulement, promettant qu’ils ne siégeront pas à l’Assemblée. Et de se mettre à philosopher, tout en minimisation : «Dans toute organisation humaine, il peut y avoir des erreurs de casting.» Cerise sur la séquence : il prétend avoir été «le premier à dénoncer» les candidats concernés.

2) Jordan Bardella croit-il que Macron est derrière un tweet de soutien de la Russie au RN ?

Attention, c’est un peu tordu, mais c’est tout de même ce qu’on comprend. Jordan Bardella est interrogé sur un tweet publié mercredi par le ministère russe des Affaires étrangères, qui apporte un soutien sans ambiguïté au Rassemblement national en expliquant que «le peuple français recherche une politique étrangère souveraine qui serve ses intérêts nationaux et une rupture avec le diktat de Washington et de Bruxelles». «La Russie est une menace multidimensionnelle qui menace la France», rétorque le président du RN, assurant qu’il «ne laissera pas l’Ukraine se faire aspirer par l’impérialisme russe». Puis il avance une explication à ce tweet : il s’agirait d’une tentative d’ingérence «faite manifestement pour le compte d’Emmanuel Macron.» Oui oui, «cette manipulation est faite pour que vous me posiez la question ce soir», assure le leader frontiste, visiblement sûr de la logique de son argument.

3) Sur la préférence nationale, Bardella renvoie à un référendum

Comment Bardella compte-t-il respecter la Constitution alors que le programme du RN est bourré de mesures inconstitutionnelles, en premier lieu la «préférence nationale» ? Le président du RN renvoie à un futur référendum, qui serait postérieur à la prochaine présidentielle, la révision constitutionnelle qui lui permettra de mettre en œuvre son programme xénophobe. «La Cour suprême en démocratie c’est le peuple, et si demain le peuple a envie de se protéger de vagues migratoires qui n’en sont qu’au début du commencement […] et qu’il faut mettre des textes dans la Constitution, je le ferai et par référendum.»

4) Glucksmann attaque Bardella sur la Russie

Caroline Roux interroge Raphaël Glucksmann sur les plus de 10 millions d’électeurs qui ont voté pour le RN et ses alliés au premier tour : comment les convaincre ? «J’entends cette colère, cette frustration, j’ai sillonné le pays», répond le leader de Place publique, avant d’attaquer le RN sur la réponse donnée par Jordan Bardella quelques minutes plus tôt au sujet des ingérences russes. «Jordan Bardella qui vous explique qu’il a toujours eu une position claire […] a refusé de condamner les milices Wagner qui prenaient pour cible nos soldats en Afrique», cite-t-il parmi d’autres exemples. Avant d’affirmer que «depuis 10 ans, le RN comme l’ensemble des extrêmes droites agissent comme une cinquième colonne européenne» en faveur «d’une tyrannie étrangère qui est en guerre contre nos démocraties, celle de Vladimir Poutine».

5) «Ni Jupiter, ni Robespierre»

D’abord une question sur l’alliance avec LFI, puis une sur l’alliance avec LFI, puis encore une sur l’«attelage» avec LFI, une autre enfin sur Jean-Luc Mélenchon… Caroline Roux a décidé de consacrer une bonne part de l’interview de Raphaël Glucksmann à le questionner sur le leader insoumis et son mouvement, présentés comme des épouvantails. «Il n’y aura pas de majorité absolue de gauche», ni centriste, ni de droite, assure et rassure Glucksmann, en répétant une millième fois qu’«il n’y aura pas de Jean-Luc Mélenchon Premier ministre». Alors, quoi ? «S’il n’y a pas de majorité absolue au Parlement, ce sera comme au Parlement européen», donc un vrai parlementarisme, jure l’eurodéputé, en affirmant : «C’est fini Jupiter et Robespierre, on peut devenir adultes.»

6) Attal concède que la majorité sortante n’a pas empêché la montée du RN

Confronté à la question d’un téléspectateur l’interpelle sur la responsabilité de la majorité sortante dans la montée du RN, le Premier ministre Gabriel Attal concède timidement : «On doit continuer à agir pour essayer de l’empêcher, on n’a pas réussi à endiguer cette vague». Relancé, il admet : «On doit en tenir compte et on doit agir», mais ressasse des arguments entendus mille fois, en vantant son bilan… dont la question suggérait justement qu’il n’a en rien permis de stopper la montée RN. Ça tourne en rond cette histoire.

7) Attal entretient le flou sur l’assurance chômage

La réforme de l’assurance chômage, tant vantée lors de sa présentation fin mai, est suspendue depuis le résultat catastrophique pour la majorité sortante de dimanche soir. Signe qu’en fait, en plus d’être brutale pour les demandeurs d’emploi, elle était inutile ?, demande la journaliste Fanny Guinochet. Nenni, répond Gabriel Attal, mais «J’ai considéré que si je publiais le décret à ce moment-là, ça serait comme une forme de passage en force», explique-t-il. Qu’en est-il alors des futures discussions auxquelles il semblait soudain ouvert sur ce projet ? «Je souhaite qu’il puisse y avoir des concertations relancées autour de cette réforme avec les partenaires sociaux et les forces politiques représentées au Parlement», répond évasivement le Premier ministre, expliquant que la réforme «peut être enrichie» sur le volet seniors.

8) David Lisnard et la théorie du barrage

Après une pause consacrée à la diffusion de clips de campagne, l’émission reprend. Et voilà enfin l’invité le plus attendu de la soirée, David Lisnard, le maire LR de Cannes, président de l’association des maires de France. Toujours aussi ben peigné, l’homme explique que LR incarne la «voix de la sagesse», mais refuse de se rendre à l’évidence, énoncée par Caroline Roux : son parti ne sera dorénavant qu’une «force d’appoint». «Ce qu’il faut, c’est des idées fortes», assène-t-il encore, assurant que «dans ce spectacle, l’offre qui est restée digne, c’est celle de cette droite indépendante». En passant, il ressort sa meilleure punchline : «Le barrage, c’est ce qui fait monter le niveau [de l’eau]», pour expliquer qu’il ne veut pas dire aux électeurs LR quoi faire dans les seconds tours où le RN est présent.

9) Les regrets de Clémence Guetté

Dernière invitée, la représentante insoumise Clémence Guetté arrive bardée de «deux regrets» : le premier, «c’est que ce ne soit pas un débat», explique la députée du Val-de-Marne, pointant «Monsieur Bardella [qui] n’a pas envie de débattre de son projet, je le comprends parce qu’il est vraiment pas solide». Le deuxième, «c’est que j’ai un peu le sentiment que les féministes se sont chargées de vous rappeler qu’en 2024 on n’invite pas que des hommes dans une soirée avec des interviews successives». Référence au fait qu’elle a été ajoutée à la dernière minute, après la mise sous pression de France 2. Caroline Roux assure qu’elle aussi tente de se battre à son niveau pour féminiser son émission.

10) Glucksmann ne croit pas à la victoire ? Guetté, oui

Clémence Guetté a aussi un sérieux désaccord avec Raphaël Glucksmann, qui l’a précédée sur le plateau, et qui a affirmé que la gauche n’aurait pas la majorité absolue. «Il a dit que nous allions perdre, alors que moi je pense l’inverse. Je pense que c’est possible, et on fait de la politique pour ça. Soit Monsieur Glucksmann a des capacités de divination que je n’ai pas, soit il fait d’autres calculs.» Elle ne veut pas exclure que les 16 millions d’abstentionnistes du premier tour se rendent aux urnes au deuxième pour donner une majorité absolue à la coalition du Nouveau Front populaire. Et de reprocher aussi à Raphaël Glucksmann de n’avoir pas «exactement compris ce projet extrêmement ambitieux» que porte le NFP : «Les quinze premiers jours vont changer la vie des gens». Questionnée quelques minutes plus tard sur l’hypothèse d’une large coalition avec la droite, elle tranche : «Nous ne participerons pas à quelque chose de baroque, de bricolé, où les Français ne comprendraient plus rien.»