Pendant l’aller-retour d’Emmanuel Macron à Washington, mercredi et jeudi, ses troupes ont fait du surplace. La lettre du Président aux Français, demandant aux partis de «bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle» est restée sans effet : le Nouveau Front populaire (NFP) continue de lui réclamer Matignon. Pire, ce qui reste de l’ex-majorité s’est tiré la bourre en l’absence du chef de l’Etat, avec une guerre larvée entre Gabriel Attal et Gérald Darmanin pour prendre la présidence du groupe Renaissance à l’Assemblée. Un «spectacle désastreux», a tonné Emmanuel Macron devant les dirigeants de son camp convoqués à l’Elysée ce vendredi matin.
C’est surtout le Premier ministre qui semble visé par la colère présidentielle. Alors qu’Elisabeth Borne et Gérald Darmanin, encore reçu en tête à tête par le Président ce matin, plaidaient pour une direction collégiale provisoire à la tête du groupe, Attal préférait un vote rapide. Très soutenu par les députés rescapés de la dissolution, son scénario s’est imposé. Le groupe votera dès ce samedi matin et Attal est le seul candidat déclaré. «On va avoir Gabriel Premier ministre et président de groupe jusqu’à fin août, ce qui est lunaire tout de même, regrette l’un des participants. Quand tu es fort, tu rassembles. Tu ne tords pas le bras.»
Retour à la diabolisation de Mélenchon
En remportant cette guerre éclair, Attal joue l’émancipation face au Président qui ne l’avait pas consulté avant de dissoudre l’Assemblée. Pendant trois jours, les troupes du Premier ministre ont flatté l’indépendance des députés et accusé le ministre de l’Intérieur de chercher ses ordres à l’Elysée. Ce que Darmanin lui rendait bien en laissant ses proches critiquer la politique de désistement prônée par Attal face au RN dans l’entre-deux tours, dont des candidats LFI ont profité. Un repoussoir pour l’aile droite de la macronie. Dans sa profession de foi envoyée aux députés Renaissance ce vendredi matin, Attal a tenté de parer aux critiques en promettant de «protéger» les Français d’un gouvernement incluant des ministres RN ou LFI, un retour à la diabolisation de Jean-Luc Mélenchon et de son parti.
Emmanuel Macron, qui devrait accepter la démission du gouvernement mardi, a appelé chacun à privilégier «la Nation plutôt que les ambitions prématurées». Un vœu pieux. A la mi-journée, Darmanin a adressé à ses collègues députés un message au ton aigre : «Les élections au sein du groupe ne règlent cependant en aucun cas les deux problèmes majeurs qui sont les nôtres : notre ligne politique, notre projet pour les Français et l’examen critique de notre action, de notre méthode et de notre bilan.» Une de ses collègues ministres préfère en rire : «Je m’attendais presque à pire.» Entre Attal et Darmanin, le match retour pourrait se jouer au prochain congrès de Renaissance. «Gérald joue l’unité, mais il fait aussi entendre sa voix. Il veut un changement radical, notamment au parti, et prend date», prévient une source parlementaire proche du ministre de l’Intérieur.
Dans l’attente du président de l’Assemblée
Emmanuel Macron et les dirigeants de son camp se voyaient surtout pour phosphorer sur leur projet de coalition. La ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, a plaidé pour préciser publiquement ce que le bloc central serait prêt à concéder pour conclure une alliance. Le chef de l’Etat attend l’élection du président de l’Assemblée jeudi prochain, selon lui «une clarification réelle» sur les rapports de force et les éventuelles alliances au Palais-Bourbon. La présidente sortante, Yaël Braun-Pivet, croit encore en ses chances au gré d’un accord avec la droite. «Si on s’amuse à faire ce braquage-là on perdra tout le reste», avertit un ministre convaincu qu’il faut au contraire laisser le perchoir au NFP pour faire preuve d’humilité devant les Français. Il faudra aussi trouver une ligne sur la répartition des postes clés à l’Assemblée, l’ex-majorité restant très divisée sur la tentation d’en exclure d’office le RN. De quoi agacer Emmanuel Macron avec de nouvelles divisions.