Avachi sur un banc, Joël, 52 ans, profite du soleil. En cette fin de matinée, dans le parc des Docks à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le grand gaillard qui dépasse le mètre quatre-vingt-dix discute avec Nathalie, sa voisine de quartier. Il a la blague facile et dégage un air narquois. On le sent apaisé, tranquille. En bref, tout le contraire de la veille.
Dimanche, même heure, même lieu, les deux voisins s’étaient déjà retrouvés pour taper la discute. Second tour oblige, ils avaient parlé politique. Nathalie avait déjà prévu de voter – «sans mettre le nom de personne dans l’enveloppe», explique-t-elle. Joël s’était, lui, promis de faire l’impasse, pas satisfait de l’affiche du second tour, après avoir choisi Jean-Luc Mélenchon au premier. «Mais à 17 heures, quand j’ai vu que le taux d’abstention était de 30%, je me suis dit qu’il fallait que je me bouge, retrace-t-il. Alors j’y suis allé. Ouais, j’étais quand même un peu inquiet.»
Le quinquagénaire raconte avoir eu peur «du syndrome Trump» – comprendre que l’extrême droite arrive au pouvoir en dépit des sondages –, et avoir fait en sorte «que la femme ne soit pas élue». Impossible pour autant de lui faire dire le nom du candidat pour qui il a voté. Comme si reconnaître qu’il avait glissé un bulletin Macron dans l’urne lui coûtait, et que, tel Voldemort dans la saga littéraire Harry Potter, prononcer son patronyme risquait de lui porter malheur. Alors Joël s’en tien