Fidèle à son sens du timing, Marion Maréchal a choisi le premier anniversaire du massacre du 7 Octobre pour annoncer la création de son mouvement politique. Approprié. Les nombreux militants identitaires de sa bande ont sans doute plutôt pensé à l’anniversaire de la bataille de Lépante, qui a opposé le même jour de 1571 une coalition de nations chrétiennes, mais pas la France, à l’empire Ottoman. Vieille marotte du choc des civilisations que le précédent parti de la nièce de Marine Le Pen, Reconquête, agitait déjà. Et médiatisation garantie, à la veille, par ailleurs, du vote de la motion de censure de la gauche à l’Assemblée nationale.
Dans un entretien au Figaro, lundi après-midi, la députée européenne dévoile donc le nom de son parti : Identité-Libertés (IDL), dont la mission sera de «porter la voix d’une droite civilisationnelle qui soit à la fois antiwoke, antiassistanat et antiracket fiscal en rompant avec le «socialisme mental» qui guide depuis trop longtemps les comptes publics».
Soit peu ou prou le même créneau que l’Union des droites pour la République, la structure d’Eric Ciotti qui promeut, comme son nom l’indique – et tout pareil que Maréchal – l’union des droites, à laquelle Marine Le Pen répète obstinément ne pas adhérer. Pour justifier de son utilité dans l’attelage de sa tante, la nouvelle patronne de parti sort donc de sa poche une métaphore : «Nous serons plus forts à trois qu’à deux et la Bretonne que je suis vous dit qu’un trimaran est plus rapide qu’un catamaran, surtout quand on a le vent de face !»
Fibre catho versaillaise
Le nom n’est pas de la première fraîcheur. «Identité-Libertés» rappelle de façon assez transparente le parti Souveraineté, identité et libertés, lancé par Paul-Marie Coûteaux en 2011 pour tenter de donner un peu de réalité au «Rassemblement bleu Marine», conçu à l’époque comme un élargissement du Front national. L’aventure s’était rapidement terminée par des grincements de dents et Coûteaux était retourné barboter dans le marigot de la «droite hors les murs», avant de soutenir Eric Zemmour en 2022. En fait, de nom, Marion Maréchal n’avait pas beaucoup de choix puisque son slogan des européennes, «La France fière», par ailleurs déjà chipé à un «think tank patriote» créé en 2016, avait été déposé en douce à Institut national de la propriété industrielle par un cadre zemmourien, en juin, au moment où l’ancien polémiste et la nouvelle députée européenne se tiraient les cheveux. Inutilisable.
Tel le coucou, Maréchal et sa traîne d’identitaires ont donc élu domicile au Mouvement conservateur de Laurence Trochu, élue députée européenne en juin sur la liste Reconquête, et présidente depuis six ans de ce petit parti issu de l’association Sens Commun, créée en 2013 lors des manifestations contre le mariage pour tous. Dans un mail aux adhérents envoyé lundi soir et consulté par Libé, Trochu annonce avoir «proposé à nos instances de confier la présidence de notre parti à Marion Maréchal». IDL reprend d’ailleurs le logo du mouvement – un coq – et son adresse, rue de Lourmel, dans le XVe arrondissement de Paris.
Dans sa petite structure, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen devrait cultiver la fibre catho versaillaise qui avait fait le succès relatif de Zemmour à la présidentielle. Elle défendra «le refus de l’islamisation ou encore l’affirmation de notre héritage chrétien», loin du paravent laïc de sa tante qui prétend lutter contre «l’idéologie islamiste» plutôt que la religion musulmane. De laïcité, il ne devrait pas être trop question à Identité-Libertés, où Maréchal aura à cœur de «défendre une plus grande place accordée au privé à côté du public […] alors qu’on assiste à une offensive contre l’enseignement privé catholique».
Discipline de vote
Ce programme, inédit comme l’Ancien régime, notre eurodéputée devrait avoir quelque peine à le faire exister aux côtés de sa tante et de son allié niçois. Car en sus de ses trois députés européens, qui siègent au sein d’ECR, le groupe concurrent de celui du Rassemblement national à Bruxelles, les trois députés nationaux qui devraient rejoindre IDL siègent au sein du groupe frontiste, comme apparentés. Et Marine Le Pen a bien dit et répété que si Ciotti était respecté comme un partenaire et non un affidé, la plus stricte discipline de vote s’appliqueraient aux parlementaires marionistes… y compris sur l’abrogation de la réforme des retraites, proposée en tête de sa niche parlementaire par le RN, le 31 octobre.
Aussi Maréchal se met-elle à louvoyer méchamment sur le sujet. «Ma position personnelle ne vous surprendra pas : j’ai soutenu un allongement de l’âge légal, je souhaite une réforme du régime de la fonction publique et je considère qu’il faut ouvrir une part de capitalisation. Il faudra voir exactement comment ce texte évolue, comment il est amendé. Le but étant évidemment, toujours, de travailler en bonne intelligence», finasse-t-elle. A la fin du mois, ses trois députés devraient bien voter l’abrogation, à la différence des troupes d’Eric Ciotti. Une première couleuvre à avaler pour espérer survivre à bord du catamaran. Pardon, du trimaran.
Mise à jour mardi 8 octobre à 12h26 avec de nouvelles informations sur le Mouvement conservateur.