Michel Barnier a été nommé Premier ministre ce jeudi 5 septembre, et voilà que ressortent les prises de position passées de l’homme de 73 ans, le plus vieux à entrer à Matignon sous la Ve République. Et s’il est un vote qui attire à l’ancien commissaire européen les foudres de la gauche, c’est celui du 20 décembre 1981. Ce jour-là, quelques mois après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, l’Assemblée nationale débat d’une proposition de loi sur la dépénalisation de l’homosexualité portée par la figure féministe Gisèle Halimi, aux côtés du ministre de la Justice, Robert Badinter. Promesse de campagne du nouveau président de gauche, le texte proposait concrètement d’abroger le deuxième alinéa de l’article 331 du code pénal qui réprimait les «actes impudiques ou contre nature avec un mineur du même sexe âgé de plus de 15 ans».
Il s’agissait donc de mettre fin à la discrimination qui donnait la majorité sexuelle (l’autorisation d’entretenir un rapport sexuel avec un majeur sans que celui-ci commette une infraction pénalement réprimée) dès 15 ans aux hétérosexuels et à 18 ans pour les homosexuels, et ainsi de dépénaliser de fait les relations gays et lesbiennes. Pour Gisèle Halimi, cet alinéa que la majorité voulait abroger instaurait «une double majorité pénale», avec «une majorité hétérosexuelle [qui] serait acquise à 15 ans et la majorité homosexuelle [qui] ne serait atteinte qu’à l’âge de 18 ans». «Il n’est pas possible […] de prévoir des solutions différentes pour les hétérosexuels et les homosexuels, car cette discrimination repose en vérité, qu’on le dissimule ou non sous des arguments politiques ou de droit constitutionnel, sur un jugement moral implicite ou explicite : l’homosexualité est l’anormalité», avait souligné l’avocate, devenue députée de l’Isère en 1981.
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Mais Michel Barnier, qui était alors un jeune député de 30 ans, siégeant sur les bancs du Rassemblement pour la République (RPR), avait voté contre la proposition de loi, comme d’autres futures figures de la droite – François Fillon, Jacques Toubon, Philippe Séguin… En dépit de cette opposition, la fin de cette discrimination avait été adoptée par l’Assemblée nationale, par 327 voix, notamment socialistes et communistes, contre 155.
Interview
«Quel étrange message adressé à un pays qui cherche par tous les moyens les voies de son rassemblement que de désigner quelqu’un qui a voté contre la décriminalisation de l’homosexualité. Quel est le sens d’un tel message ?» a lancé le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, peu après la désignation de Michel Barnier. D’autres députés de son camp ont vite embrayé, tels Claire Lejeune ou Louis Boyard, qui a décrit un homme «obsédé par l’immigration, [qui] a voté contre la dépénalisation de l’homosexualité».
En dehors de la classe politique, l’Inter-LGBT, qui regroupe plusieurs dizaines d’associations de défense de la communauté LGBT et organise notamment la Marche des fiertés, s’est dite «consternée», voyant dans cette nomination «un signe plus que jamais clair que le gouvernement sera hostile à nos droits et existences». Un an plus tard, en décembre 1982, Michel Barnier allait de nouveau se distinguer en votant, avec son camp, contre la loi Roudy qui instaurait le remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale.
Mise à jour : Le titre de notre article a été modifié pour mieux refléter le contenu de la proposition de loi contre laquelle Michel Barnier a voté en1981. Celle-ci a mis fin à la discrimination qui donnait la majorité sexuelle dès 15 ans aux hétérosexuels et à 21 ans pour les homosexuels. La dépénalisation de l’homosexualité intervient avant en France. Lire à ce sujet l’article de CheckNews.