Allait-il y couper ? Bien sûr que non : le débat des candidats à la primaire de LR courait depuis une heure et demie, dimanche soir sur CNews, quand l’embarrassant litige du «moratoire migratoire» s’est de nouveau posé à Michel Barnier. Pour réduire l’immigration, «moi, je ne veux pas attendre trois à cinq ans, il y a urgence, déclarait alors Xavier Bertrand. C’est tout de suite qu’il faut le faire». En cas d’élection, a poursuivi le président du conseil régional des Hauts-de-France, «je présenterai le texte pour passer à un système de quotas migratoires […] dans les semaines qui suivront ma prise de fonction».
«C’est n’est pas l’immigration zéro»
Les premiers mots faisaient référence à l’une des principales promesses de son concurrent Barnier. Celui-ci veut, après son élection, instaurer un «moratoire» de trois à cinq ans sur l’immigration. Par ce terme, l’ancien négociateur du Brexit désigne un ensemble de mesures – limites à l’immigration familiale, quotas professionnels, lutte contre la fraude sociale – censées empêcher les entrées illégales sur le territoire, et fortement restreindre les entrées légales.
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Dans une primaire que trancheront les exigeants adhérents de LR, la mesure devait valoir à Barnier ses galons d’homme à poigne. Mais depuis le premier débat télévisé, le 8 novembre sur LCI, elle est devenue un fil à la patte de son auteur, plus souvent occupé à la défendre qu’à la faire valoir.
«Je viens de comprendre que le moratoire, ce n’est pas du tout l’immigration zéro», avait alors fait mine de s’étonner Valérie Pécresse. La candidate prenait le mot à son sens strict : «accord sur la suspension d’une activité», selon l’une des définitions proposées par le Robert. «Moi je ne veux pas attendre trois à cinq ans pour régler le problème», avait déjà embrayé Bertrand. Ces remarques avaient déstabilisé et agacé Barnier : ses adversaires font «semblant de ne pas comprendre», avait regretté le candidat. «Tu as toujours raison, Valérie», avait-il même sifflé à l’endroit de sa concurrente.
«Version la plus allégée»
«Quand on dit que Pécresse s’est bien sortie [des deux premiers débats], c’est uniquement parce qu’elle a mis le poison lent du moratoire du Barnier, à très juste titre, commentait quelques jours plus tard un soutien de Bertrand. C’est finement joué, car ça fait deux débats qu’il ne s’en dépatouille pas. Il n’y a même plus besoin d’amener le sujet car les journalistes maintenant posent eux-mêmes la question : c’est pas un moratoire votre bidule. […] En fait, parmi tous les candidats, c’est la version la plus allégée de la réduction des flux migratoires.»
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Rebelote dimanche soir sur CNews, dans les mêmes termes et, de nouveau, pour le plus grand agacement de l’ancien négociateur du Brexit. Attendre trois à cinq ans pour réduire l’immigration ? «Je n’ai jamais dit cela, a-t-il rétorqué. Xavier Bertrand, pour les besoins du débat, pour la deuxième ou troisième fois, fait semblant de ne pas comprendre.»
– Je veux aller vite, moi, il y a urgence, a répondu le président de la région Hauts-de-France
– Pour moi aussi, il y a urgence. […] Ce que j’ai simplement voulu dire, c’est que ces trois à cinq ans, on en a besoin pour tout remettre à plat. […] Xavier, j’espère que je n’aurai pas besoin de te le dire une troisième fois.
– Je n’ai pas forcément fait les grandes écoles qui permettent de comprendre la première fois !»
Valérie Pécresse portait alors le dernier coup : «On a compris que le moratoire, ce n’est pas l’immigration zéro.» Barnier : «C’est toi qui l’as dit, moi je ne l’ai jamais dit.»
Joint aux sous-entendus sur le manque d’«énergie» de Barnier, ce travail de sape doit semer le doute dans l’esprit des adhérents LR, au sujet de celui qui a souvent été désigné comme le favori du scrutin. Il aura une dernière occasion de s’en défendre, lors du quatrième débat prévu le 30 novembre sur France 2 et France Inter.