Ils dénoncent la décision de l’Etat de maintenir «la troisième et ultime consultation référendaire» de l’accord de Nouméa (1998) «coûte que coûte». Les indépendantistes kanaks ont appelé jeudi à la «non-participation» au référendum sur l’indépendance du 12 décembre, demandant son report à l’après-présidentielle à cause de l’épidémie de Covid-19. Les loyalistes ont riposté en annonçant une reprise de leur campagne.
Deux précédents référendums ont eu lieu les 4 novembre 2018 et 4 octobre 2020 et ont été remportés par les partisans du maintien de l’archipel dans la France avec 56,7 % puis 53,3 %. «Le gouvernement s’entête à vouloir faire primer la campagne présidentielle dans le seul but de solder l’accord de Nouméa sous son quinquennat», a affirmé le Bureau Politique de la coalition indépendantiste.
«La campagne ne sera pas équitable»
Cette prise de position intervient au lendemain de la visite en Nouvelle-Calédonie du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, au cours de laquelle les leaders indépendantistes avaient demandé le report du vote, au regard de la situation épidémique ces dernières semaines, qui a fait 245 morts depuis début septembre et nécessite des mesures de confinement. «La campagne ne sera pas équitable. Les débats se focalisent sur le soutien de la France dans cette crise covid et nous, on ne pourra pas faire campagne parce que nos populations sont en deuil», a justifié Jean Creugnet, porte-parole du FLNKS.
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Le mouvement historique de la lutte kanak s’inquiète en outre «des lendemains d’une consultation qui, si elle est contestée, n’apportera pas la sérénité nécessaire pour la poursuite de discussions consensuelles sur l’avenir institutionnel du pays». Elle prône un report «après les échéances électorales nationales de 2022».
Favorable au maintien de la date du 12 décembre, «pour libérer l’horizon des Calédoniens», le groupe «Les voix du NON», qui agrège les principaux partis loyalistes, a accusé le FLNKS «d’instrumentaliser la situation (sanitaire)». «La seule réaction qu’on a, c’est qu’on reprend la campagne. (La décision des indépendantistes) traduit une crainte de leur part du résultat du référendum», a fustigé sur Nouvelle-Calédonie la 1ère, Christopher Gygès, directeur de campagne. Ce dernier précise que son mouvement «allait accélérer la campagne digitale» et organiser des réunions «d’ultra-proximité dans le respect des gestes barrière», tout en soulignant «l’amélioration des indicateurs sanitaires».
De son côté, le parti de centre droit Calédonie Ensemble (CE), dirigé par les députés (UDI) Philippe Gomés et Philippe Dunoyer, a qualifié la décision du FLNKS de «mensongère, inacceptable et irresponsable». Un «boycott passif» est la pire des situations pour «clore le cycle de ces trente dernières années. […] L’après accord de Nouméa doit commencer, il ne saurait être congelé pour des raisons davantage politiques que sanitaires», a indiqué CE dans un communiqué.
«Internationalisation»
Lors de son déplacement, Sébastien Lecornu avait estimé que la situation sanitaire était «tendue mais tenue» alors que l’épidémie de Covid est en recul et que la tension a baissé dans les services hospitaliers. Le ministre des Outre-mer avait déclaré que «seule une épidémie hors de contrôle» pourrait conduire à un report du troisième et dernier référendum de l’accord de Nouméa (1998), processus de décolonisation progressif.
Mercredi devant la Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation de l’ONU, l’ambassadeur de Papouasie Nouvelle-Guinée aux Nations-Unies, Max Hufanen Rai, avait, au nom du groupe du Fer de Lance Mélanésien (GFLM), lui aussi préconisé un décalage dans le temps du référendum. Max Hufanen Rai avait jugé que les circonstances actuelles en Nouvelle-Calédonie «ne présentent pas un environnement propice à un déroulement équitable, juste, crédible, transparent et pacifique» du scrutin dont «l’intégrité et la crédibilité sont sérieusement en jeu».
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Sur radio Djiido, Victor Tutugoro, signataire de l’accord de Nouméa, au rang des ténors indépendantistes, abonde : «Cette intervention vise à internationaliser la position du Front. C’est important car nous faisons partie des 17 territoires non-autonomes du monde, qui bénéficient du soutien de l’ONU pour leur accession à la pleine souveraineté.»
La Nouvelle-Calédonie est inscrite depuis 1986 sur la liste des pays et territoires à décoloniser des Nations Unies dont des experts étaient présents lors du déroulement des deux premières consultations sur l’accession à la pleine souveraineté.