«Ah non, j’ai voté, indique mi-désolée mi-fière une jeune femme croisée à côté du centre Pompidou, avant de tourner les talons. Je fais partie des exceptions.» A en croire la majorité des personnes rencontrées ce lundi matin dans Paris, tout le monde se serait déplacé dimanche pour glisser une enveloppe dans les urnes du premier tour des régionales. La réalité, c’est que l’abstention a atteint un niveau record pour les régionales : 69,15 % des inscrits sur les listes électorales ont choisi de ne pas s’exprimer. Selon une étude de l’Ifop, chez les 18-35 ans, le taux d’abstention s’est envolé à près de 82 %. Pourtant, les responsables politiques de tout bord avaient mis le paquet pour faire de ces élections locales un dernier test avant la présidentielle de 2022. Un échec.
Nassira, qui attend son café dans le quartier Alésia (XIVe arrondissement) n’est pas allée voter. «Je suis un peu déçue par tous les partis», confie-t-elle. Agée de 43 ans, elle raconte les avoir presque tous essayés, mais «c’est dur de faire confiance de nouveau, surtout quand les idées proposées se ressemblent toutes». «Et quand les partis proposent de nouvelles choses, elles ne sont pas adaptées», estime l’ancienne salariée d’une chaîne de fast-food spécialisée dans les burgers au poulet. D’autant plus que, pour elle, les Français n’ont pas la tête à ça à cause de la crise sanitaire. «Il faudrait pouvoir voter dans une situation normale. Je n’aurais pas eu un vote serein.»
«On sort d’une période compliquée d’un an»
Même sentiment pour Anne. «On sort d’une période compliquée d’un an», avance la quadragénaire. Son week-end, elle a préféré le passer avec ses enfants, à l’extérieur après une année de confinement intermittent. Celle qui travaille dans le bien-être ressent tout de même un peu de culpabilité «en voyant qu’il y a eu beaucoup d’abstention». Alors au second tour, elle ira voter.
Attablées à la terrasse d’une célèbre chaîne de café près des Halles, Maëva, Helena et Jeanne, toutes trois étudiantes de 22 ans, ne ressentent, elles, aucune culpabilité à ne pas s’être rendues dans un bureau de vote. «Je ne m’intéresse pas du tout à la politique», déclare Maëva dans un grand rire. Pour la jeune Parisienne, si un scrutin «ne change rien dans ma vie, je ne vote pas». Et dimanche prochain, elle ne participera «pas non plus» au second tour. Son amie Jeanne, «qui était dans le train» pour un week-end organisé de longue date et n’avait pas fait de procuration, est moins catégorique. Quand on lui demande si elle compte participer au second tour, elle répond par un grand «oui». Cependant, comme lui rappelle Helena, après avoir demandé quand aura lieu le second tour, les trois copines ne seront pas dans la capitale le week-end prochain. La raison ? L’anniversaire d’une amie. «On n’est pas assez investies pour que le vote passe avant nos plans», avoue la troisième jeune femme.
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«J’ai demandé à mes parents mais ils ne savaient rien sur les élections», indique Sarah, 21 ans, en roulant sa cigarette au milieu des joggers, des yoguistes ou des adeptes des siestes sur l’herbe du parc des Buttes-Chaumont. Résultat, l’étudiante, qui vient d’obtenir son BTS, fait partie des nombreux jeunes abstentionnistes. «Je ne connaissais même pas le programme des candidats.» C’est le matin même du vote qu’elle a appris par une de ses copines que des élections avaient lieu. D’ailleurs, selon la jeune femme, dans son groupe d’amis, une seule est allée glisser un bulletin dans l’urne. «Je ne pense pas voter dimanche et je ne culpabilise pas», conclut-elle.
Robert, lui, le promet : il ira voter pour le second tour. Originaire de Grande-Bretagne mais naturalisé français, il a voté pour la première fois en France lors des municipales. Mais dimanche, le cinquantenaire s’est abstenu. Travaillant dans le secteur du transport aérien, il explique ne pas s’y connaître assez sur les régionales. Voter au second tour sera, selon lui, plus simple parce qu’«il y aura moins de candidats». Plus loin, deux retraitées en balade dans le parc ont bel et bien voté. Pourtant, elles sont tout de même remontées contre le gouvernement. En cause, la distribution partielle des professions de foi des candidats aux régionales. L’une d’elles affirme ne pas avoir reçu l’enveloppe dans sa boîte aux lettres. «Heureusement que je suis bien informée.»