Sur les cartes des résultats du premier tour majoritairement dominées par l’orange macronien et le bleu Marine, quelques points rouges, plus ou moins agglutinés, subsistent. Ces rares communes où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête des votes, en Ile-de-France, dans le Sud-Ouest, les territoires d’outre-mer. Mais un département fait mieux que les autres : en dehors de la région parisienne, l’Ariège est le seul de France métropolitaine à avoir mis le candidat de La France insoumise à la première place. Avec un score bien supérieur à sa moyenne nationale : 26,07% (contre 21,95% dans l’ensemble du pays). Marine Le Pen y arrive deuxième (23,94%) et Macron troisième (19,71%). Au pied du podium, figure le rural Jean Lassalle (8,21%).
Ces scores ariégeois sont loin d’être une anomalie compte tenu de l’histoire politique locale. En 2017, Mélenchon y arrivait déjà en tête (comme en Dordogne et en Seine-Saint-Denis). Et cinq ans avant, François Hollande et Mélenchon avaient obtenu à eux deux plus de la majorité des voix au premier tour.
Mélenchon à plus de 50% par endroits
Les dernières élections entérinent en revanche une bascule du parti de gauche dominant dans le département. De 1958 à 2012, le PS est systématiquement arrivé en tête, hormis en 1969 où Pompidou avait dominé Jacques Duclos (PCF). En 1974, François Mitterrand, pourtant perdant face à Valéry Giscard d’Estaing, avait même raflé près des deux tiers des voix au second tour, faisant de l’Ariège le département qui avait le plus voté pour le candidat PS.
Reportage
Avant de laisser la place au leader insoumis, qui a tout de même perdu un petit millier de voix ce dimanche par rapport en 2017. Pourtant, quinze villages rouges ont voté cette année à 50% ou plus pour Mélenchon, avec un record pour Loubaut. Dans ce hameau, situé à 1 kilomètre d’un village nommé… Castex, 18 des 25 habitants inscrits sur les listes électorales ont voté pour La France insoumise, une seule pour Marine Le Pen et aucun pour Emmanuel Macron. Même tarif dans les communes de Bestiac et Appy, qui ont totalement ignoré le président sortant et placé LFI à plus de 60%.
Département en «anti-start-up nation»
Réduire l’Ariège à une simple terre de gauche uniforme serait en revanche trahir une sociologie politique plus complexe. Le département est divisé en deux, avec un grand ouest et des villages de montagne qui votent majoritairement Mélenchon, face à l’est ainsi que le nord, qui ont la plupart du temps mis Le Pen en tête, malgré quelques poches insoumises. La candidate d’extrême droite a d’ailleurs progressé en cinq ans.
Ces chiffres traduisent des pratiques sociales qui peuvent paraître en décalage de celles des grandes villes. Il y a trois ans, les Echos peignaient d’ailleurs le département en «anti-start-up nation», expliquant que ce «paradis pyrénéen des randonneurs est l’enfer des entrepreneurs macronistes» et le lieu de «communautés alternatives perchées dans les montagnes». Au deuxième tour, le barrage républicain avait malgré tout fonctionné et Macron avait fait 63% des voix, avec une progression qui avait un peu augmenté. Les résultats dans deux semaines permettront de déterminer s’il tient toujours.