Réforme constitutionnelle, démocratie directe, extension du droit de vote, transparence et lutte contre la concentration des médias... pour réinsuffler un souffle de vie à une démocratie qui n’en finit pas de suffoquer, en tout cas dans les urnes, candidats et candidates à la présidentielle ont rivalisé de positions tout au long de la campagne. Des propositions qui pourraient permettre de faire revenir dans les bureaux de vote un électorat qui s’apprête à bouder le scrutin présidentiel comme jamais ?
Du «RIC» à toutes les sauces chez les candidats
Le référendum d’initiative citoyenne fut l’une des revendications-phare du mouvement des gilets jaunes, corollaire institutionnel d’un ras-le-bol de la vie chère qui traduisait une volonté de meilleure prise en compte dans la décision collective. Il y avait le référendum d’initiative partagée, dont les différentes tentatives d’application allèrent d’échec en échec, tant réunir un cinquième des parlementaires puis 10% du corps électoral relevait de la gageure. Il y aura désormais le RIC, bien parti pour être la tarte à la crème de toute campagne électorale digne de ce nom. 2017 en fut un premier exemple, avec des propositions de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. 2022 consacre la popularité du concept, puisqu’Anne Hidalgo et Yannick Jadot rejoignent les partisans du RIC. Sans préciser les seuils, tant il paraît plus facile de promettre plus de pouvoir au peuple que de détailler concrètement comment il pourrait en user.
Médias: la gauche mène la bataille anti-concentration
Les candidats écologiste, insoumis, socialiste et communiste promettent tous plus de régulation de l’Etat dans le secteur audiovisuel et des droits supplémentaires pour les rédactions. Yannick Jadot veut limiter le nombre de titres qu’une même entité peut contrôler et renforcer le pouvoir de contrôle des journalistes sur la venue de nouveaux actionnaires. Jean-Luc Mélenchon veut réformer l’aide à la presse en la réservant «aux seuls médias d’information». Comme Fabien Roussel, il entend instaurer une instance supérieure indépendante veillant au respect de la déontologie. Anne Hidalgo, elle, jette son dévolu sur l’audiovisuel public pour lutter contre la concentration des médias. A rebours de la droite et de l’extrême droite, qui militent tous pour sa privatisation ou la fragilisation de ses financements.
Les candidats rêvent leur réforme constitutionnelle
Elles sont rarement mises en œuvre, mais elles ne coûtent pas cher. Pour appliquer leur programme à l’Elysée, les principaux candidats proposent de toiletter, voire de dynamiter la Constitution. C’est ce qu’il faudrait pour mettre en le droit de vote des étrangers aux élections locales ou restreindre le recours à l’article 49.3, comme le souhaite Anne Hidalgo. Ou pour diminuer le nombre de parlementaires comme le voulait Emmanuel Macron ou instaurer des quotas d’immigrés. Mais ces promesses se heurtent au verrou du Sénat, 3/5e des parlementaires étant nécessaires à leur validation. Seul Jean-Luc Mélenchon envisage le recours à l’article 11 de la Constitution, qui permet au Président de soumettre à référendum «tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoir publics». Soit le même article utilisé par le général de Gaulle en 1962 pour la réforme du scrutin présidentiel.
Cabinets de conseil: insoumis et communistes en guerre contre le privé dans le public
Recourir aux cabinets de conseil plutôt qu’à la haute fonction publique pour déterminer la bonne marche de l’Etat et de l’action publique ? La pratique, pas spécialement nouvelle, a pris une dimension supplémentaire avec la crise sanitaire et la campagne vaccinale. A 50 000 euros la journée, Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel et, dans une moindre mesure, Anne Hidalgo et Yannick Jadot, estiment que ce coût élevé ne se justifie pas, d’autant plus que les compétences pour les mettre en œuvre sont déjà présentes au plus haut sommet de l’Etat. Plus généralement, c’est la collusion entre les intérêts privés et les décisionnaires, néfastes pour l’intérêt général, qui est visée.
Décentralisation: Pécresse et Hidalgo veulent plus de pouvoir pour les régions
Au rayon des concepts remués dans tous les sens pour cette campagne, la décentralisation occupe aussi une place de choix. Mais c’est probablement chez les deux candidates des partis historiques de la Ve République, qui doivent encore une partie de leur poids électoral à leurs succès aux élections locales, qu’elle se fait le plus remarquer. Valérie Pécresse, présidente de région, milite ainsi pour la fin des doublons entre les collectivités et l’Etat et pour davantage prérogatives aux premières, qui seraient alors en charge de Pôle emploi ou des Agences régionales de santé. Un «acte III» de la décentralisation que souhaite également Anne Hidalgo.
Au nom de l’intérêt général, Jadot veut une «loi de séparation des lobbys et de l’Etat»
Pour lier son projet écologiste et social à la démocratie, Yannick Jadot martèle une nécessité : une «grande loi de séparation des lobbys et de l’Etat», clin d’œil appuyé à la loi de 1905 consacrant l’éloignement entre l’Eglise et l’Etat, le tout afin de mettre fin aux pressions «contre toute mesure qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre». Pour ce faire, l’état-major écologiste entend obliger à plus de transparence de la part des lobbys lors de la déclaration de leurs activités et mettre fin au pantouflage et au rétropantouflage, qui voient des serviteurs de l’Etat faire des allers-retours entre la fonction publique et le privé.
Jadot, Hidalgo et Mélenchon favorables au droit de vote à 16 ans
Au premier tour des régionales de juin 2021, 87 % des 18-24 ans s’étaient abstenus. Fort de ce constat, la réconciliation des jeunes devient un enjeu majeur. D’où l’idée, née chez Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot ou Anne Hidalgo, d’autoriser les 16-17 ans à participer au scrutin. «On peut, à 16 ans, être émancipé, ce qui revient à être majeur», rappelle le leader insoumis, qui y voit une façon d’amener les plus jeunes un peu plus près de la politique. Un constat partagé par Yannick Jadot, dont le parti avait ouvert la primaire à ce public, mais aussi par Anne Hidalgo, qui ne voit pas «ce qui justifie encore d’une d’exclure de la vie démocratique ceux qui sont les plus concernés par des décisions prises aujourd’hui et qui pèseront demain».