Tractage, collage d’affiche, mobilisation des militants. Une campagne municipale est longue et toutes les forces vives sont les bienvenues généralement. C’est peut-être ce qu’a pensé (à tort) le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc en 2020. Candidat pour sa réélection, le maire de droite aurait mobilisé les salariés municipaux de la ville et des membres de son cabinet pour mener sa campagne, selon une enquête de Médiacités publiée lundi. Une pratique pourtant illégale en temps de campagne.
Dans la foulée de ces révélations, l’association de lutte contre la corruption Anticor a annoncé ce mardi 17 juin auprès de Médiacités porter plainte contre l’ex-candidat LR, pour détournement de fonds publics et financement illicite de campagne.
Un dircab omniprésent
Le dispositif lors des précédentes municipales aurait eu des ramifications à travers tout le Capitole. Alors que la campagne est dirigée officiellement par Sandy Sagnard entre mi-octobre 2019 et l’élection en mars 2020, le directeur de cabinet Arnaud Mounier tient les rênes en coulisses. Plusieurs échanges de mails illustrent l’importance du rôle occupé par le dircab a dans cette campagne, contrairement à Sagnard, et la réalité de la relation hiérarchique entre les deux hommes : «Il faudra également intégrer le coaching demandé par Cujas à Sandy». «Je n’ai jamais reçu une seule consigne de la part de ce dernier [Sandy Sagnard, ndlr]», confie même à Médiacités une petite main du cabinet.
Pour camoufler leur réelle identité, plusieurs salariés municipaux utilisent des adresses mails bidon : Sabine Villeneuve contacte les équipes de campagne via l’adresse mail 27concorde@gmail.com quand «P», un membre du cabinet chargé habituellement de l’«aménagement, mobilités et environnement au cabinet du Maire-Président» utilise le mail général projetpourToulouse@gmail.com. Sauf que sa réelle identité est mise à jour dans les commentaires d’un fichier Google Doc hébergeant le programme du candidat.
Les plumes du maire sont aussi mises à contribution de la campagne. Ainsi, le 11 février 2020, c’est Arnaud Mounier qui leur transmet les consignes pour le discours du meeting du 12 mars. Des précisions inscrites en rouge donnent des détails sur les volontés du candidat.
Les salles de réunion municipales mises à contribution
Au total, au moins seize membres du cabinet ou salariés municipaux ont travaillé pour la campagne du candidat Moudenc. Mais au-delà des participants, les lieux de réunions interrogent aussi. Selon Médiacités, au moins douze réunions préparatoires, auxquelles les collaborateurs sont conviés, ont été organisées dans le Salon rouge du Capitole et deux dans les locaux de Toulouse Métropole. Des bâtiments municipaux dont l’utilisation pour les intérêts du candidat-maire est interdite. Contacté par Médiacités, Jean-Luc Moudenc n’a pas réagi.
Ce n’est pas la première fois que Jean-Luc Moudenc a affaire à Anticor. En 2022, l’association avait déjà porté plainte contre le maire, l’accusant d’avoir touché 500 000 euros entre 2015 et 2021 grâce à un emploi fictif au ministère de l’Economie. L’association anticorruption avait alors effectué un signalement au procureur de Toulouse, doutant de sa capacité à cumuler un tel poste avec la gestion d’une ville de plus de 440 200 habitants et une aire urbaine de près de 820 000 habitants. L’élu toulousain avait dénoncé une «idée fixe» d’une «association politisée proche de [ses] opposants d’extrême gauche».
Mise à jour : ce mardi 17 juin à 12 h 50, avec l’ajout de la plainte d’Anticor.