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Libération
L'Œil du chercheur

Quel avenir pour la droite radicale après 2022?

Le Pen-Zemmour : la course de Front à la Présidentielledossier
En baisse dans les intentions de vote, Eric Zemmour ne devrait pas être au second tour de cette présidentielle. Qu’adviendra-t-il de son mouvement, une fois la campagne terminée? Enseignant à Sciences-Po, Emilien Houard-Vial, spécialiste des droites, fait le point sur les futurs possibles de cette famille politique.
Le 27 mars, lors de son meeting du Trocadéro à Paris, Eric Zemmour, bras levé, en quête d'un nouveau souffle. (Denis Allard/Libération)
par Emilien Houard-Vial, Enseignant à Sciences-Po
publié le 29 mars 2022 à 12h57

L’avenir de la droite radicale, incarnée par Eric Zemmour durant cette campagne présidentielle, est particulièrement incertain. Alors que cette «droite hors les murs» semblait enfin parvenir à se cristalliser, l’échec programmé de son héros lors du premier tour questionne sa capacité à durer au-delà de cette mobilisation de quelques mois.

De nombreux facteurs demeurent en effet indéterminables à ce stade. Le score du polémiste sera-t-il honorable ou décevant ? Le parti réussira-t-il à faire élire des députés en juin ? D’autres cadres du RN ou de LR seront-ils tentés par l’aventure «Reconquête» ? Celui-ci parviendra-t-il à fidéliser dans le temps long son électorat initial ? Eric Zemmour lui-même souhaitera-t-il poursuivre sa carrière politique ou retrouvera-t-il sa position d’éditorialiste polémique ?

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Si toute prédiction est exagérément audacieuse, il apparaît néanmoins possible d’identifier trois scénarios distincts pour la droite radicale après la séquence électorale de 2022, que nous classons ici du plus probable au moins probable.

Scénario 1 : l’effondrement

Suite à des législatives catastrophiques, le parti se retrouve privé de représentation à l’Assemblée nationale, plusieurs anciens élus doivent se mettre en retrait de la vie politique et les autres savent que leur temps est compté. Eric Zemmour trouve plus rentable de vendre ses livres et les factions de Reconquête se déchirent pour prendre sa succession. La plupart des cadres préfèrent entamer un chemin de pénitence en retournant auprès du RN ou de LR et le parti devient une coquille vide prêtant occasionnellement son étiquette à des dissidents de la droite ou de l’extrême droite.

Scénario 2 : la niche populiste-identitaire

Reconquête parvient à capitaliser sur le score d’Eric Zemmour, suffisant pour faire penser qu’il existe une niche électorale en quête d’une offre populiste et identitaire. Le parti parvient à faire élire un ou deux députés sortants grâce à la complaisance du RN et obtient un petit financement public. Son président, satisfait par l’exposition procurée par la campagne, décide de continuer en politique en ralliant à lui toute l’extrême droite que Marine Le Pen s’est aliénée par sa politique de normalisation. Le parti, ne pouvant espérer arriver au pouvoir, vivotera et remplacera le RN comme paria de la vie politique française.

Scénario 3 : l’union des droites

Eric Zemmour obtient un score plutôt encourageant mais ne goûte guère les contraintes du quotidien des professionnels de la politique. Il quitte Reconquête dont il laisse la tête à Guillaume Peltier, qui parvient à attirer un certain nombre de cadres majeurs du parti Les Républicains comme Ciotti, Morano, Bellamy – et pourquoi pas Wauquiez –, convaincus de la nécessité d’en finir avec le cordon sanitaire. Alors que LR se déchire entre autonomistes et partisans de l’intégration dans la majorité présidentielle, Reconquête s’attache durablement les faveurs des indépendants, de la bourgeoisie provinciale et des catholiques conservateurs par son discours anti-Etat, réactionnaire et anti-immigration. Complémentaires avec le RN, les deux partis forment une coalition durable et électoralement puissante, qui pourra peut-être un jour espérer arriver au pouvoir.