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Rentrée politique : tout le monde veut prendre la place

Election Présidentielle 2022dossier
Hidalgo est à deux doigts d’être candidate, Pécresse part à l’assaut de Bertrand, Ciotti et Barnier veulent leur part du gâteau, Mélenchon y retourne, Zemmour s’y voit… ce week-end marquait la rentrée pour les politiques de tous bords, avec la présidentielle en ligne de mire. Reportages à travers la France.
Valérie Pécresse, à Brive-la-Gaillarde, samedi. (Corentin Fohlen/Libération)
par Nicolas Massol, Dominique Albertini, Charlotte Belaïch, Mathilde Frénois, correspondante à Nice, Maïté Darnault, correspondante à Lyon, Victor Boiteau, Jean-Baptiste Daoulas et Nina Jackowski
publié le 29 août 2021 à 21h12

Leur objectif commun : contester le duel annoncé Macron-Le Pen, remake peu enthousiasmant de la finale de 2017. Après les écologistes la semaine passée, c’était notamment au tour des socialistes, des insoumis et de la droite LR de faire leur rentrée ce week-end. Anne Hidalgo a fait un pas de plus vers une candidature présidentielle, Valérie Pécresse, Michel Barnier, Eric Ciotti et Philippe Juvin sont quant à eux en lice pour le «départage» à droite tandis que Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ont renoncé et que Xavier Bertrand continue son chemin en solo.

Jean-Luc Mélenchon a lancé dimanche un appel au «peuple», faisant d’une forte participation la clé de son possible succès. A l’extrême opposé de l’échiquier politique, Eric Zemmour a poursuivi sa croisade idéologique sans préciser ses intentions et Florian Philippot, qui cherche à capitaliser politiquement sur les mobilisations contre le pass sanitaire, a rassemblé ses Patriotes dans l’Oise. Pendant ce temps, un Edouard Philippe silencieux était de sortie pour une nouvelle carte postale. Retour sur deux jours qui ont (un peu) clarifié le jeu politique sans toutefois décanter le casting de la prochaine présidentielle. Alors qu’au PS une simple consultation interne des militants a été actée et qu’à LR une primaire ouverte n’est pas acquise, ce dernier mode de désignation choisi par les écolos reste plébiscité par les Français, selon un sondage Ifop pour le JDD.

Vendredi soir, Blois

Hidalgo s’échauffe encore

Le groupe cubain invité devant le château de Blois enchaîne avec Hasta Siempre. Anne Hidalgo n’est pas encore la commandante des socialistes mais sa candidature à la présidentielle est pour bientôt. A Blois (Loir-et-Cher), où les socialistes font désormais leur rentrée en plus petit comité, la maire de Paris ne déclare pas sa candidature. Cette dernière est prévue pour mi-septembre. Mais Hidalgo s’est offert une tribune militante dans un cadre «renaissant», expression en vogue au PS après avoir sauvé les meubles aux régionales et départementales de juin. Présentée par la présidente PS de la région Occitanie, Carole Delga, comme la future «première femme élue présidente de la République», la maire de Paris a décliné les axes de sa prochaine campagne : «Des solutions concrètes à la crise climatique» portées en un quinquennat, suivie de «la question des inégalités qui se creuse», avec, en avant-poste, l’école : «Les enseignants français sont tellement mal payés, comment peut-on dire qu’ils sont considérés ?» Hidalgo l’admet : «Nous avons perdu nos repères, pas nos valeurs.»

Samedi, 10 heures, Blois

Faure ne voit plus la vie en vert

Les vents ont bien tourné en une année. En 2020, le premier secrétaire du Parti socialiste accueillait dans le Loir-et-Cher deux des cinq futurs candidats à la primaire des écologistes, Yannick Jadot et Eric Piolle, ainsi que leur secrétaire national, Julien Bayou. En 2021, on fait dans le rose pur et dur et on estime que c’est une nouvelle fois aux Verts de se ranger derrière. Une désunion présidentielle mais un accord aux législatives comme le propose Bayou ? «Oui tout est possible, répond Olivier Faure. Mais ça montre bien le côté haute voltige. On ne peut pas vouloir tout et son contraire.»

10 h 48, Brive-la-Gaillarde

Pécresse met la pression sur Bertrand

La présidente de la région Ile-de-France en est convaincue – ou veut s’en convaincre : ses premières ­semaines de campagne, pendant l’été, ont déclenché une «dynamique» dont les traces se verraient dans de premiers sondages. A Brive-la-Gaillarde (Corrèze), pour la rentrée de son mouvement Libres !, l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy prévient Xavier Bertrand qui fait encore mieux qu’elle dans les intentions de vote : elle jouera «collectif», respectera – elle – le mode de désignation de son ancien parti mais pas question, si Bertrand refuse de se plier au jeu de la primaire, de maintenir une division mortelle au 1er tour de l’élection présidentielle : «À la fin, il faudra un candidat unique de la droite et du centre», prévient Pécresse. A bon entendeur…

11 h 03, La Baule

Barnier et le costume d’outsider

Blaser aux boutons dorés, chic et estival, détendu et tactile. Voire un peu farceur : «Michel Barnier, candidat à l’élection présidentielle», répond-il à Libé lors des présentations à la sortie de la voiture qui le conduit à la rentrée de la fédération Les Républicains de Loire-Atlantique à La Baule. L’ex-négociateur du Brexit peut avoir le sourire : avec les forfaits de Laurent Wauquiez et de Bruno Retailleau dans la désignation à droite pour la présidentielle, il remonte dans la hiérarchie.

Passage obligé dans son discours par le tandem sécurité-immigration : création d’un ministère spécifique «de la sécurité publique», promesse de référendum sur l’immigration pour la mise en place d’un «moratoire»«Je n’ai pas de tabou», assure-t-il. Il va falloir convaincre : «Vous savez combien de gens se sont levés à la fin du discours de Barnier ? Deux, s’agace Stéphane, un militant présent. Vous ne gagnez pas une élection présidentielle quand six mois avant, à l’université de votre parti, vous ne faites lever que deux personnes.» Pas faux.

12 heures, Aix-en-Provence

Roussel rêve de «gagner»

Leur rentrée médiatique, c’est la Fête de l’Humanité (du 10 au 12 septembre). Mais les communistes planchaient aussi ce week-end avec leur université d’été organisée dans les Bouches-du-Rhône. Leur secrétaire national et déjà candidat déclaré à la présidentielle, Fabien Roussel, veut redonner des couleurs aux rouges : «Nous n’allons pas à cette élection pour faire de la figuration, déclare-t-il. Nous y allons pour gagner, pour diriger le pays.» A 2 % des intentions de vote, l’espoir fait vivre.

14 h 30, Mirabeau

L’«envie» de Zemmour toujours plus pressante

On ne l’attendait pas, mais il est là. Chemise blanche et sourire narquois lancé aux journalistes qui le cueillent à son arrivée dans le Vaucluse, Eric Zemmour continue de faire le mystérieux sur sa candidature présidentielle. «Donnez-moi l’envie d’avoir envie», glisse-t-il aux micros avant de participer à un débat organisé par Objectif France, un petit parti de droite présidé par l’entrepreneur ­Rafik Smati. Il est forcément question de «civilisation» qui (forcément) «ne sera pas française si Macron est réélu» ou d’attaques contre Mélenchon : «Quand il parle de créolisation, il prend un mot qui fait plaisir, on pense aux jolies Antillaises […] mais ce qui nous guette, ce sont les voiles et les kebabs halal !» S’il a l’«envie» d’unir «les droites», Zemmour commence par attaquer Le Pen devant la presse : «L’échec aux régionales a été un très mauvais coup pour elle. […] Tout le monde a compris au RN [qu’elle] ne gagnerait jamais.» Réponse de Louis Aliot, maire RN de Perpignan : «Propos inutilement blessants… Vouloir unir en divisant… Curieuse démarche…»

15 heures, Brive-la-Gaillarde

Pécresse dézingue Macron et Le Pen

Après Xavier Bertrand, c’est au tour d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen d’être dans le viseur de la présidente de la région Ile-de-France. Le premier est qualifié de «président pour presque rien». La seconde est une candidate «sans colonne vertébrale» passée «du refus radical de l’Europe et de l’euro à leur acceptation, qui parle de rembourser la dette mais veut ramener la retraite à 60 ans». Valérie Pécresse «préfère prévenir» (oui on sait jamais) : «Je suis là pour gagner.» Le contraire nous aurait étonnés.

17 h 30, La Baule

Standing ovation pour Retailleau

Il n’est pas candidat mais l’emporte à l’applaudimètre. Sur des terres dont il a été le président de région, Bruno Retailleau en termine avec ses trois bons quarts d’heure de discours : «Moi ce que j’attends de la droite, ce n’est pas seulement qu’on me parle des impôts et de la contrainte, mais qu’on se place au niveau d’un projet de civilisation, lance-t-il. Si certains ici pensent encore qu’Emmanuel Macron est un homme de droite, je ne peux plus rien pour vous.» Le président du groupe LR au Sénat justifie son choix de ne pas se porter candidat et prévient que «cette élection ne sera pas seulement la rencontre d’un homme, d’une femme et d’un peuple. Ce sera la rencontre de notre peuple de France avec son destin». Visiblement pas le sien.

18 h 15, Châteauneuf-sur-Isère

Mélenchon et son «mur d’eau»

Chez les insoumis, installés au bord d’un plan d’eau près de Valence (Drôme), on attend les «surprises» promises par l’entourage du triple candidat à la présidentielle. La première ? Le soutien d’Huguette Bello, la nouvelle présidente de la collectivité de La Réunion, seule personnalité de gauche à avoir renversé une région de droite en juin. Cette «union populaire» qu’a réussi l’ex-communiste sur son île, est, pour Mélenchon, à reproduire à l’échelle française. «Nous pouvons le faire», martèle le député des Bouches-du-Rhône devant les journalistes. La seconde ? Un «mur d’eau» projetant, la nuit tombée, un film de campagne sur une musique de Verdi. Mélenchon se montre «heureux» : «On aura fait de belles choses, je suis bien content là.» Désormais la rentrée politique à gauche, c’est chez lui. Plus au PS.

19 h 16, Blois

Si, si… le PS a un programme

Les socialistes justement. Ils en terminent dans le Loir-et-Cher avec leur rentrée. Devant des militants requinqués, Olivier Faure déroule les principales propositions compilées par le député des Landes Boris Vallaud. «Notre projet est socialiste, s’inscrit dans nos valeurs, mais propose une nouvelle synthèse», assure le premier secrétaire. Au besoin, Anne Hidalgo pourra piocher dedans. Ou pas. Elle y trouvera en tout cas une partie sur l’«universalisme républicain» qui devrait lui plaire : Faure appelle ainsi la gauche à ne pas «s’égarer sur les chemins du woke ou de l’indigénisme». «La laïcité, je le dis tout net, elle n’est pas négociable», lance-t-il.

20 h 15, Levens

Eric Ciotti : fief, drone et vitriol

Tout content de jouer enfin les premiers rôles, le député des Alpes-Maritimes a vu les choses en grand pour son lancement de campagne : drone, grande scène, trois rangées de tables bleues, blanches ou rouges pour faire un beau drapeau tricolore vu du ciel (photographié par le drone forcément…). «Il est le seul candidat conservateur. Ça le différencie des autres qui ont des tendances plus centristes», se félicite Alexandre, 24 ans. Sur scène, Ciotti fait du Ciotti : la dénonciation d’une France «orange mécanique au bord de l’ensauvagement» et «gangrenée par la bureaucratie, les impôts, les normes», la volonté «d’inscrire dans la Constitution nos racines judéo-chrétiennes» mais aussi de «mettre fin au regroupement familial [et] à l’immigration de masse». Du gros bleu qui tâche censé rythmer une «campagne […] sereine, apaisée», sans «vaisselle cassée» à droite. On y croit ?

Dimanche, 10 h 45, Châteauneuf-sur-Isère

Mélenchon : «Je suis comme je suis»

Jean-Luc Mélenchon ne marche pas sur l’eau mais il surfe sur l’avance prise à gauche sur les autres familles, socialistes et écologistes, qui n’ont pas encore désigné leur candidat. «Je me présente avec une stratégie : l’union populaire. Pas contre mais pour changer la vie, en disant précisément où, quand, comment et avec qui», promet-il devant ses troupes insoumises, espérant relancer sa campagne sous la bannière de «l’union populaire». Une bonne heure de discours dans le vent et le froid. «Si le peuple s’en mêle, alors la victoire sera de son côté», promet le député des Bouches-du-Rhône, survolé (lui aussi) par un drone pour les images. Son ennemi à lui, c’est l’abstention qui équivaut au «vote Macron» : «On me dit : “Jean-Luc Mélenchon, vous êtes excessif, vous allez trop loin…” Je suis comme je suis. Ce qui compte, c’est le programme.»

«Sur les élections intermédiaires on est moins bons mais à la présidentielle, quand on parle à tout le peuple, c’est là qu’on est bons», reconnaît la désormais chroniqueuse télé, Raquel Garrido, élue conseillère régionale d’Ile-de-France en juin. Mais les insoumis ne comptent pas attendre la campagne électorale pour «fédérer le peuple». Le député Eric Coquerel tente d’organiser une ­manifestation anti-pass sanitaire en septembre, avec d’autres organisations et associations. Il imagine une mobilisation qui dénonce la société du contrôle. «Fédérer le peuple» sans agréger les «délires complotistes» et les «antisémites», selon Mélenchon. Une ligne de crête.

12 h 40, Fontainebleau

La bière et le silence d’Edouard Philippe

«C’est un dimanche à la campagne, mais pas un dimanche de campagne», promettait un des 35 maires conviés dimanche à Fontainebleau autour d’Edouard Philippe. Raté. La partie champêtre, en l’occurrence une balade en forêt prévue pour contenter les caméras, a été sabrée faute de temps. L’ex-Premier ministre et ses «maires amis» avaient trop de choses à se dire à huis clos. C’est la première fois qu’ils se réunissaient depuis le départ de l’ex-locataire de Matignon en juillet 2020. A l’extérieur, en revanche, le maire du Havre est resté mutique. Une photo de groupe, une petite bière descendue tout sourire, et «pas de déclaration», comme le serine son entourage. Passé maître dans l’art de se montrer sans dévoiler ses intentions, il se réserve pour une émission télévisée la semaine du 6 septembre, selon l’Express.

15 h 30, mont Mézenc

Wauquiez et l’éloge de la «constance»

Chemise bleu clair, barbe blanche, le désormais non-candidat à la désignation présidentielle de la droite apparaît, avec un peu retard sur l’horaire initial, face à plusieurs centaines de militants au pied du mont Mézenc, dans son fief de Haute-Loire. La petite scène plantée sur le parking de la station des Estables a dû être déplacée au dernier moment, pour mettre hors du champ des caméras quelques dizaines de militants écologistes et d’opposants régionaux, venus protester contre un projet routier. Le patron de la région Auvergne-Rhône-Alpes remercie ses soutiens et loue «la fidélité», «l’enracinement», la «constance», faisant mine de s’en excuser : «Je sais bien qu’en ce moment, ce n’est pas à la mode.»

Puis Wauquiez revient sur sa décision de ne pas être candidat en 2022, pour «ne pas rajouter de la division à la division», du «désordre», dit-il. Et de lancer «deux appels» à ses «amis» : «Un appel à l’union et aux convictions, et les deux seront fondamentaux si nous voulons que la droite puisse incarner un espoir.» Bon score à l’applaudimètre lorsqu’il déroule ses thèmes de prédilection, en commençant par «les dérives de l’assistanat» : «La droite a besoin d’assumer clairement ses convictions, plutôt que de s’en excuser !» proclame-t-il face à une audience ravie.

17 heures, à Boran-sur-Oise

Philippot hurle contre les «talibans covidistes»

Il grimpe à la tribune et attaque d’emblée. «Il faut arrêter de mentir aux Français dans tous les domaines, lance Florian Philippot devant un auditoire conquis. Il faut arrêter de dire que tout changera demain si on s’encombre de plus en plus de tutelles corrompues qui décident à notre place.» Et de faire huer, pêle-mêle : l’UE, l’Otan, la Cour européenne des droits de l’homme. Au lendemain d’une nouvelle journée de mobilisation des anti-pass sanitaire, le président des Patriotes déroule ses classiques sous les applaudissements, les drapeaux dans le vent et les pancartes «liberté». «Je veux chasser toutes les tutelles, tous les tyrans et tous les menteurs, crie au micro l’ancien numéro 2 du FN. Voilà pourquoi je suis candidat.» Le leader des Patriotes dénonce la «clique» du gouvernement et égratigne les «talibans covidistes» : «On était là quand toute la classe politique était soumise, couchée, par terre. Nous avons maintenu cette petite flamme. Et Macron a essayé de souffler dessus pour l’éteindre. […] Mais plus il souffle, et plus elle grossit, et plus elle devient un incendie.» Et un militant fan de Johnny, au premier rang, d’entonner Allumez le feu !