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Législatives : après onze ans de règne dans la 8e circonscription des Français de l’étranger, Meyer Habib sort par la petite porte

Le candidat sortant a laissé sa place à Caroline Yadan, députée d’Ensemble, qui promet de «la fermeté sans outrance». L’ancien élu LR, mauvais perdant, a reconnu tardivement sa défaite.
Meyer Habib à l'Assemblée nationale, à Paris le 4 juin 2024. (Amaury Cornu /Hans Lucas. AFP)
par Nicolas Rouger, correspondant à Tel-Aviv
publié le 8 juillet 2024 à 9h44
(mis à jour le 8 juillet 2024 à 18h29)

C’est devant le mur des Lamentations de Jérusalem que l’indétrônable et très controversé député de la 8e circonscription des Français de l’étranger, Meyer Habib, LR, a admis sa défaite dans la nuit de dimanche à lundi. C’est la fin d’une ère, de onze ans de représentation d’une circonscription disparate qui s’était résignée à voir cet ami du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou réélu, encore et encore.

Dans une vidéo diffusé sur X, il se dit «inquiet pour la France» devant un drapeau israélien flottant au vent sur la grande place vide. Il a perdu mauvais joueur, dénonçant vaguement des «irrégularités graves» et l’alliance de sa concurrente, Caroline Yadan, d’Ensemble, avec «l’extrême gauche antisémite». Au décompte, celle-ci gagne avec un écart d’environ 1 600 voix, une avance confortable dans une circonscription où seul un cinquième des plus de 148 000 Français inscrits votent. La circonscription couvre Israël, mais aussi les Territoires palestiniens, le Liban, Chypre, la Grèce, Saint-Marin, Malte, l’Italie et la Turquie.

«[Meyer Habib] n’a rien fait pour ses électeurs»

Il a perdu, et ce malgré une victoire assourdissante en Israël – «quasiment des scores africains», a-t-il confié à i24 sans sourciller. Il pensait peut-être que les messages d’encouragement de Benyamin Nétanyahou et du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, qui l’a remercié «pour les efforts importants [qu’il fait] en France pour l’Etat d’Israël, pour Tsahal, pour les otages», suffiraient. Avec l’aide d’une petite traînée de communicants adolescents, il n’a fait qu’un ou deux meetings. Il est lui-même allé coller ses affiches sous le soleil déjà écrasant de juin : «shabbat shalom, les enfants», lançait-il dans son costume cravate, un vendredi matin, à des Français attablés au café ; «shabbat shalom, papa», lui répondaient-ils.

Selon l’équipe de campagne de Caroline Yadan, preuves à l’appui, le Rassemblement national aurait accepté de laisser la circonscription à Habib. Le vote RN s’est décomplexé chez les Français d’Israël, qui estiment, comme Meyer Habib, que la conduite du parti d’extrême droite a été «irréprochable» depuis le 7 octobre. Au-delà du passif antisémite du Rassemblement national, les militants Ensemble ont capitalisé sur les polémiques autour des mesures clivantes portées par le parti d’extrême droite, notamment sur la double-nationalité, mais aussi l’abattage rituel.

En troisième position, Yaël Lerer, militante franco-israélienne de gauche chevronnée, a manqué le second tour d’environ 300 voix. Arrivée en tête dans le reste de la circonscription hors Israël, un résultat qu’elle attribue à un travail «souterrain» difficile mais nécessaire, elle avait appelé à voter contre Meyer Habib au second tour. Le candidat LR en a profité pour accuser Caroline Yadan de faire une «alliance avec le diable». Celle-ci s’en est défendue, préférant tirer à boulets rouges sur le Nouveau Front populaire qu’admettre l’existence d’un front républicain qui a aussi participé à sa victoire. «Le vrai problème dans cette circonscription, ce n’est pas que Meyer Habib est une machine de haine, a expliqué Yaël Lerer, en rappelant que Meyer Habib a un jour comparé les Gazaouis à un «cancer»Mais, c’est qu’il n’a rien fait pour ses électeurs, alors qu’il y a du pain sur la planche.» Pour le moment, Caroline Yadan n’a pas promis beaucoup plus que «la fermeté sans l’outrance».

Mis à jour lundi 8 juillet à 18h29 avec le récit de notre correspondant à Tel Aviv.