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Retraites, expulsions, peines planchers : le RN présente ses premières propositions de loi

Le parti de Marine Le Pen aura le contrôle de l’agenda de l’Assemblée le 31 octobre prochain. Il a exposé ce mercredi 25 septembre les textes qu’il défendra à cette occasion.
Renaud Labaye, Marine Le Pen et Jordan Bardella, à l'Assemblée nationale. le 15 septembre. (Denis Allard/Libération)
publié le 25 septembre 2024 à 15h08

Les niches parlementaires du Rassemblement national (RN) se suivent et se ressemblent. La troisième du groupe d’extrême droite, qui doit avoir lieu le 31 octobre, a été présentée ce mercredi à l’Assemblée par le groupe de Marine Le Pen. Comme les précédentes, elle est l’occasion pour les députés RN de mettre à l’ordre du jour, le temps d’une journée, des propositions de loi consensuelles, peu politiques, ou déjà soutenues par d’autres groupes lors de leurs propres niches, et de placer ainsi ses adversaires face à un dilemme : refuser de voter un texte qu’ils ont eux-mêmes défendu, ou bien ajouter leurs suffrages à ceux de l’extrême droite en la banalisant ? Cette année, le RN dispose d’un avantage en plus : avec 126 députés, les lepénistes sont le groupe le plus étoffé au Palais-Bourbon et ont droit, à ce titre, à la première niche de la nouvelle mandature. De quoi se retrouver en position de force pour embêter au maximum leurs collègues.

A commencer par la gauche. Elle devra se prononcer sur le premier texte, visant à abroger «les pires dispositifs des réformes [des retraites] précédentes», a présenté le rapporteur du texte frontiste, Thomas Ménagé, député du Loiret. Celui-ci a rappelé que sa proposition de loi ne constituait en aucun cas le projet de son parti, mais se contentait de revenir sur la réforme macroniste de 2023 et celle de 2014, sous François Hollande, dans le but de revenir à la situation antérieure d’un âge légal de départ à 62 ans avec 42 annuités. «Un texte consensuel où nous invitons chacun bien entendu à être en cohérence avec les engagements qu’ils ont pris devant leurs électeurs, notamment vous vous en doutez, nos collègues du Nouveau Front populaire», a conclu Ménagé, prévoyant un «moment de vérité».

Peines planchers

La question agite la gauche. Si le Parti socialiste a publié un communiqué, mardi, pour rappeler la ligne de conduite de ses députés – «Nous ne votons ni ne nous associons à aucune initiative du Rassemblement national» –, plusieurs d’entre eux ont étalé leurs tiraillements dans la presse. Le débat court aussi au sein du groupe communiste, qui pourrait voter le texte frontiste. Pour tenter d’éviter l’écueil, La France insoumise a mis l’abrogation de la réforme à l’ordre du jour de sa propre niche, le 28 novembre, et espère en outre revenir dessus lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale (PLFSS) qui pourrait être examiné avant la niche RN. Mais le mal est fait, et le parti lepéniste s’est engouffré dans la brèche. «Le grand changement dans cette rentrée politique, c’est que la gauche sort de sa position sectaire historique de ne voter aucun texte du RN, se pourlèche Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme. Force est de constater que ce débat existe dans la sphère publique, au sein de leur groupe et que les positions ne sont plus aussi claires qu’avant.»

Hormis une proposition de loi visant à interdire la privatisation des barrages hydroélectriques, le reste des textes s’adresse à la droite. L’un reprend presque à l’identique une proposition de loi d’Olivier Marleix (Les Républicains) datant d’octobre 2022, qui visait à faciliter l’expulsion des étrangers «constituant une menace grave pour l’ordre public». Un autre vise à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits, ce qui rappelle évidemment celles mises en place par Nicolas Sarkozy en 2007, abrogées par François Hollande une fois au pouvoir, défendues mordicus par la droite depuis et soutenues à nouveau par le groupe Horizons lors de sa niche en 2023.

Longue liste d’exonérations fiscales

Un autre texte, déposé par le député de l’Aude Frédéric Falcon, vise à assouplir «les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative», 0ce qui est une jolie formule pour masquer la volonté du RN de permettre aux propriétaires de louer leurs passoires thermiques. Un texte défendu par Matthias Renault, député de la Somme, vise à exonérer d’impôts sur le revenu les médecins et infirmières qui travaillent au moment de leur retraite. La mesure, qui représente un coût dans un contexte budgétaire très tendu, devrait être recyclée sous forme d’amendement lors de l’examen du budget, et s’ajouter ainsi à la longue liste d’exonérations fiscales défendues par l’extrême droite. Enfin, lointain souvenir de la crise agricole du début de l’année, une proposition de résolution invitant à s’opposer à l’adoption de l’accord commercial avec le Mercosur, devrait figurer en dernière position des textes examinés, ce qui ne lui laisse presque aucune chance d’être abordée avant la clôture des débats. Sa rapporteuse, Hélène Laporte, n’a d’ailleurs pas trouvé le temps de venir le présenter à la presse.

La niche RN, qui tombera en plein examen du budget à l’Assemblée, ne devrait pas faire partie de ces fameuses «lignes rouges» pouvant décider l’extrême droite à censurer le gouvernement Barnier. Certes, «tout est possible», a prévenu Jean-Philippe Tanguy, qui s’est empressé d’ajouter que «la censure est un équilibre […]. Ce n’est pas qu’une question d’une journée qui se passerait mal, c’est un ensemble.» De quoi réduire encore un peu l’enjeu de cette journée.