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«Com Pol»

Sur TF1, Emmanuel Macron tâte sa campagne de réélection

Refusant toujours de se déclarer candidat pour un second mandat, le chef de l’Etat a défendu, sans aucune contradiction, le bilan de son action depuis 2017 et déclaré son «amour» aux Français. Un exercice de communication sans aucune annonce sur le fond.
Macron sur TF1 ce soir. (Yohanne Lamoulère/Tendance Floue pour Libération)
publié le 16 décembre 2021 à 0h45

Au bout de deux heures d’interview, Emmanuel Macron a, sans surprise, esquivé la question. «Serez-vous candidat à votre succession ?» : «Je consolide quelques éléments avant de vous donner une réponse ferme.» Sur TF1 et LCI, le chef de l’Etat a même plutôt creusé à fond le précepte de Jacques Pilhan, le communicant de François Mitterrand, artisan de sa réélection en 1988, puis de Jacques Chirac : «Créer l’attente, faire monter le désir». En déclarant, d’abord, sa flamme aux Français : «J’ai aimé la France et aujourd’hui je l’aime encore plus follement. J’aime les Françaises et les Français.» Mais tout en laissant penser à ces «Françaises et ces Français» qu’il pourrait toutefois les quitter bientôt, si, par exemple, l’épidémie de Covid-19 redevenait hors de contrôle – ce qui, avec la vaccination et l’absence de variant résistant, reste aujourd’hui très peu probable… «Je ne suis pas là pour conserver le pouvoir», a ainsi promis le chef de l’Etat. «Il y a une vie avant et une vie après», a-t-il également souligné avant d’y aller (très) fort dans les mots adressés aux «Françaises et aux Français» : «Ce que nous avons vécu ensemble est inoubliable.»

L’émission intitulée «Où va la France ?» n’aura pas du tout apporté de réponse à la question. Elle aura en revanche précisé le chemin que compte emprunter Emmanuel Macron dans sa prochaine campagne présidentielle : non pas la «réinvention» promise aux Français en pleine crise sanitaire mais le retour à sa «Révolution» initiale, celle décrite dans son livre programmatique du même nom publié en 2016, et qu’il estime inachevée. Développant l’idée que sa victoire de 2017 a permis d’entamer «une réforme culturelle qui est le goût du risque», le chef de l’Etat a martelé l’idée que cette «révolution» n’en était qu’au «début» : «elle est encore en cours, a-t-il ajouté. Il faut continuer de faire advenir ce futur possible.» Soulignant ensuite, pour ceux qui n’auraient pas compris que la France a besoin de lui pour poursuivre le travail, qu’«on ne transforme pas le pays en cinq ans». Il a donc besoin de plus de temps.

«Certains sont en campagne, mais votre serviteur non»

Mais comme la semaine dernière lors de sa conférence de presse de lancement de la présidence française de l’Union européenne, Emmanuel Macron s’est cantonné au rôle de Président non candidat : «Certains sont en campagne, mais votre serviteur non», a-t-il insisté, balayant les incursions des journalistes sur le terrain de 2022 à chaque fois que les noms de Valérie Pécresse ou d’Eric Zemmour étaient prononcés. Il a même osé dire qu’il ne faisait «pas de politique». Vraiment ? Il ne s’est pourtant pas privé de critiquer la volonté de la candidate LR de réduire la fonction publique de 200 000 agents : «Supprimer des enseignants ? Des infirmiers ? Des militaires ? Des policiers ? […] L’illusion de la réduction sèche du nombre de fonctionnaires, ça ne marche pas.»

Pas de politique quand son «esprit d’escalier» le ramène à son dossier vert posé à sa droite pour y piocher une lettre d’écoliers ayant participé à la cérémonie d’hommage à la résistante féministe Joséphine Baker au Panthéon et qu’il égrène leurs prénoms aux origines diverses, loin des fantasmes de la France d’antan d’Eric Zemmour ? «Sans doute un de ces enfants a pour religion l’islam, a-t-il lancé, poursuivant ses réponses à distance avec le candidat d’extrême droite. Ce n’est pas mon problème, ni celui de leurs professeurs.»

«Des erreurs ont été faites»

Cette émission, sans grande contradiction, démarrée à l’heure du prime time par un générique façon superproduction hollywoodienne et enregistrée dans la salle des fêtes de l’Elysée sous la verrière aux couleurs de la France restaurée par Daniel Buren, a surtout servi au chef de l’Etat a clore l’étape «défense du bilan» prévue par le chef de l’Etat depuis l’été. Autosatisfecit garanti. 2017 et l’affaire Benalla : Pas une affaire d’Etat mais «une affaire d’été». 2018 et la crise des gilets jaunes : «Des erreurs ont été faites» mais il «assume». Relancé à plusieurs reprises sur ses «regrets», Emmanuel Macron a surtout insisté sur le fait qu’il avait «appris», lui qui n’avait jamais été élu – même local – avant d’accéder à l’Elysée. Même sur le cas de Nicolas Hulot, il n’a pas émis de regret de l’avoir nommé ministre de l’Ecologie puisqu’il ne savait pas à l’époque de quoi serait accusé plus tard la star de son gouvernement.

2019 et la réforme des retraites qu’il ne compte pas abandonner puisqu’elle est «indispensable» : s’il a convenu que ce big-bang a pu créer de l’«anxiété» chez les Français, il a réinsisté sur la nécessité, selon lui, de «travailler plus longtemps» et remis sur la table l’idée de «fusion» de certains régimes pour en garder «trois», dont ceux du privé et du public. 2020 et la crise sanitaire : Emmanuel Macron a tenté un aveu d’humilité. «Celui qui dicte le rythme et les règles, c’est le virus», a-t-il expliqué. Mais celui qui a squatté pendant deux heures dans le salon des Français pour faire son autopromo en pleine campagne électorale, c’est bien lui, le Président.