Une énumération aux allures de conseil de classe. «Christiane Taubira est arrivée en tête du vote d’investiture au jugement majoritaire, avec “mention bien plus”», annonce l’une des responsables de la «Haute Autorité» sur une scène du Trabendo, salle de spectacle du Parc de la Villette, à Paris, réservée pour annoncer les résultats de la Primaire populaire. Deuxième : Yannick Jadot, «mention assez bien plus». Troisième : Jean-Luc Mélenchon, «mention assez bien moins». Tout cela se fait sans musique. Les applaudissements sont timides. «Si le nom de Christiane Taubira n’est pas annoncé en chanson, c’est parce que l’heure est grave», explique Samuel Grzybowski, porte-parole du mouvement citoyen. Une fois «la grande annonce» effectuée, une autre porte-parole prend le micro : «Nous invitons les sept candidats à se rassembler derrière Christiane Taubira.» Dehors, avec sa camarade Mathilde Imer, Grzybowski offre aux médias les premières réactions : «Il y a eu des maladresses. Mais on n’est pas anti-partis, on les attend pour faire équipe.»
Analyse
La totalité de la salle file vers le bar extérieur : «Je réalise enfin, on l’a fait !» lâche une bénévole. Des autocollants sur les vestes permettent de les différencier des journalistes. Des petits groupes se forment pour débriefer de l’annonce. La plupart des soutiens sont timides : «Ce qui compte, c’est d’avoir un candidat derrière qui se rassembler, assure Léo. Peu importe son nom, c’est un choix citoyen.» Difficile de savoir si les membres présents sont satisfaits du résultat. Marine, 23 ans, a rejoint la Primaire populaire il y a quatre mois. «J’ai mis “très bien” à Jean-Luc Mélenchon… Je voulais faire passer un message aux candidats, explique l’étudiante. Même si vous nous rejetez nous, on veut faire campagne pour vous !» Mélenchon, comme Jadot ou Hidalgo, ne compte pas se ranger derrière Taubira. Au même moment, sur France 5, le candidat de La France insoumise précise que cette victoire, pour lui, «ça ne change rien».
«On n’est pas des rêveurs»
Comme une fin de récréation, sur la terrasse du Trabendo, les présents sont invités à retourner à l’intérieur. «La soirée reprend, merci de venir vous asseoir !» L’appel doit être renouvelé plusieurs fois avant de se faire entendre. Il est 20 heures, et c’est le moment pour les différents soutiens de venir s’exprimer. En visio, sur l’écran au fond de la scène jonchée par des parapluies arc-en-ciel. Le philosophe Patrick Viveret prend la parole à distance. Lui aussi milite pour «l’écologie, la justice sociale et la démocratie». L’homme faisait partie des premiers signataires pour le lancement du mouvement citoyen.
L’actrice Anna Mouglalis confie ensuite être «émue». Elle se dit lassée des critiques sur les programmes des candidats de gauche. «On n’est pas des rêveurs, il s’agit juste de répondre à l’inacceptable», assure l’actrice qui a incarné la présidente de la République, Amélie Dorendeu, dans la série politique Baron noir. L’organisation de la soirée paraît millimétrée et les discours ne s’éternisent pas. Très vite, l’information circule : Taubira est en route vers le QG, après avoir rassemblé ses soutiens au Point éphémère, dans le Xe arrondissement de la capitale. Des «Taubira, présidente !» se font entendre. Micros et caméras se jettent sur elle. Les organisateurs lui font ensuite signer sur scène le «contrat de rassemblement». «L’union est actée», lance un organiseur de la soirée. La musique choisie : I Will Survive de Gloria Gaynor. «Je survivrai.» Tout un programme pour cette gauche plus désunie que jamais.