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Vote pour Mélenchon: «Symboliquement, ce serait moins violent que d’avoir à nouveau Macron-Le Pen en finale»

Mélenchon candidat à la présidentielle 2022dossier
Inquiets de voir une nouvelle fois l’extrême droite au second tour, certains électeurs de gauche, pourtant parfois hostiles à Mélenchon, se disent prêts à voter pour l’insoumis.
A Lyon, le 6 mars. (Bruno Amsellem/Libération)
par Sheerazad Chekaik-Chaila et Maïté Darnault, correspondante à Lyon
publié le 25 mars 2022 à 8h29

Alors que les insoumis appellent au «vote utile» en faveur de Jean-Luc Mélenchon dès le premier tour, Libération ­a interrogé plusieurs électeurs de gauche à Lille, Lyon et Calais.

Calais : François Guennoc, 69 ans, président de l’Auberge des migrants

«J’aurais bien voté écolo, mais il y a cette histoire de second tour. J’ai voté contre Le Pen il y a cinq ans et je ne le referai pas, comme plein de gens, parce qu’on s’est fait avoir quand même. Sur les réfugiés par exemple, Macron avait un ­discours assez humaniste et en fait il a durci encore plus la politique vis-à-vis des exilés.

«Le programme de LFI est intéressant, même si j’ai beaucoup de divergences avec Mélenchon. Apparemment, les votes pour Jadot et Roussel plafonnent et Hidalgo reste particulièrement basse. Comme il y a une dynamique du côté de Mélenchon, pour moi, c’est la seule chance d’éviter une réédition d’il y a cinq ans qui serait une horreur. Si on a un second tour droite-gauche, au moins il y aura un vrai débat dans lequel les écologistes et les communistes auront leur mot à dire.»

Lille : Amandine Kervella, 40 ans, enseignante- chercheuse

«J’ai voté Mélenchon en 2017 et déjà le soir du premier tour, quand il a fait discours un peu en mode «on m’a volé l’élection, il y a eu une espèce de manipulation», j’étais atterrée et je me suis dit que j’avais fait une erreur parce que ce n’est pas ça que j’attendais. On avait perdu, c’est tout. La petite musique un peu complotiste, ça me gêne.

«Il y a aussi un culte de sa person­nalité à LFI que je trouve insuppor­table. Lui-même sait qu’il clive. Pourquoi il y a cinq ans n’a-t-il pas laissé la place à Clémentine Autain puisqu’ils mettent en avant le programme ? Ils enlevaient Mélenchon et c’était parti. Je doute et je ne sais pas ce que je ferai. Du coup, ma stratégie est d’écouter encore moins les insoumis pour me préserver une chance de voter pour eux. Et si je le fais, ce ­serait juste parce que symboliquement, ce serait moins violent que d’avoir à nouveau Macron-Le Pen en finale.»

Lyon : Chloé, 33 ans, traductrice

«J’ai toujours voté à gauche et je porte personnellement un militantisme de terrain, sur les questions féministes, les droits LGBT. A la présidentielle, je ne vote jamais pour un petit candidat, ça ne sert à rien, je mise sur celui qui a le plus de chances. En 2012, j’ai voté Royal aux deux tours. En 2017, j’ai fini par m’enthousiasmer un peu pour Mélenchon et j’ai voté pour lui au premier tour, puis Macron au second. Je crois que je vais encore voter Mélenchon mais ça ne me réjouit pas.

«Je n’aime pas du tout sa personnalité. Il a le melon, des idées très limite sur la politique étrangère, parfois je me dis que ce mec est un malade, il n’arrive pas à se défaire de sa fascination pour les régimes communistes et autori­taires : Cuba, Poutine… Comme il est un peu mégalo, ça ne m’étonne pas. Mais pas besoin de l’aimer pour qu’il soit un bon président. Je me retrouve dans son programme. C’est quelqu’un qui a un argumentaire assez ­construit, ce n’est pas un guignol juste là pour faire des discours. Il porte des valeurs et propose des mesures concrètes. Il défend un certain modèle social à l’encontre de ce qu’on entend chez Macron.

«Ça me déprime un peu d’élire un président qui va être une sorte de roi, et de me dire que Mélenchon, pour qui je vais voter, n’a pas de chance d’être élu. Je suis déprimée par le contexte : la situation de la gauche avec tous ces petits candidats, la normalisation hallucinante des discours d’extrême droite. La campagne a été hackée par la guerre en Ukraine mais même avant, on ne parlait déjà pas beaucoup des sujets intéressants : notre modèle de société, l’urgence écolo­gique…

Lille : Béatrice Micheau, 53 ans, enseignante-chercheuse

«Ce qui a définitivement rompu mon lien avec Mélenchon, ce sont certains propos d’insoumis aux relents antisémites. En meeting, il a aussi maintenu à plusieurs reprises que l’immigration est instrumentalisée par le capitalisme pour faire baisser les salaires. Il joue avec ce fantasme de l’extrême droite. J’imagine qu’il n’est pas raciste et qu’il essaie de récupérer des voix mais ça m’amène à n’avoir aucune confiance en lui, même si le programme me semble très bien… Je voterai sûrement France insoumise aux législatives, mais pas pour lui à la présidentielle.

«Je ne sens pas chez lui un goût fort pour la démocratie. Même dans son rapport à Poutine… Moi aussi, je condamne la manière dont les États-Unis ont explosé le Moyen-Orient et toute la région Irak, Afghanistan, Turquie… Mais est-ce une raison pour excuser Poutine dans la manière dont il massacre des populations depuis dix ans ? Ça fait trop de choses.»