Sérieux et enthousiasme. Ce sont les deux mots-clés de l’entretien que nous a accordé Yannick Jadot. Et il faut imaginer le candidat écologiste marcher dans cette campagne tel un équilibriste entre les deux bouts d’une corde tendue entre ces deux mots. Son équilibre est d’autant plus précaire qu’il avance depuis des semaines poussé par des sondages à 5 % en rythme de croisière. D’abord le sérieux. Longtemps, les écologistes ne l’ont pas été. Ils ont des années durant abîmé, par amateurisme politique, l’avance qu’ils avaient sur les autres formations politiques dans la compréhension de l’urgence des questions environnementales. Ils avaient sur ces sujets raison avant tout le monde, mais ils étaient moqués, parfois à tort, parfois à raison, maltraités par leurs alliés, notamment socialistes, traités d’hurluberlus par la droite. Ce temps-là est révolu. Les électeurs ont grandi, les Verts aussi. Ils gèrent des grandes villes. Et Yannick Jadot est sans doute le candidat à l’Elysée le plus sérieux que les écologistes aient jamais eu. Son diagnostic l’est : «Le statu quo, c’est le chaos écologique, social, démocratique», nous dit Yannick Jadot. Son programme, évidemment discutable sur tel ou tel point, combine enfin urgence écologique et urgence sociale, sans retomber dans le registre du «y a qu’à, faut qu’on» qui a longtemps pénalisé les Verts. Reste l’enthousiasme, l’autre mot-clé du candidat écolo, que l’on préfère à celui d’espérance qu’il utilise aussi, trop «premier communiant» pour nous. Cet enthousiasme, donc, se fait pour l’instant attendre. L’étiquette de peine-à-jouir punitifs continue de coller à la peau des écolos. Sandrine Rousseau, pendant sa campagne de la primaire, a marqué les esprits par son enthousiasme. Mais il avait les défauts aux yeux de Yannick Jadot – et des votants – d’être trop «y a qu’à, faut qu’on» justement. Son enthousiasme à lui est davantage «radical réformiste», plus difficile à partager. C’est la partie de la corde que Yannick Jadot a devant lui. Elle est courte, tant le temps presse.
Editorial
Yannick Jadot, une campagne d’équilibriste
Yannick Jadot, à Rennes mardi. (Remy Artiges/Libération)
par Paul Quinio
publié le 8 février 2022 à 22h40
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