«Je n’ai pas à demander pardon [pour la colonisation], ce n’est pas le sujet, le mot romprait tous les liens. Je ne demande pas pardon à l’Algérie». Dans un entretien fleuve accordé à l’écrivain algérien Kamel Daoud et publié mercredi soir sur le site du Point, Emmanuel Macron se livre sur sa vision des relations franco-algériennes. Longuement interrogé sur «la demande d’excuses» formulée «tardivement» côté algérien, le chef de l’Etat répond sans équivoque par la négative. «Le pire serait de conclure : «On s’excuse et chacun reprend son chemin.» Là, la fausse réponse est aussi violente que le déni. Parce que, dans ce cas, ce n’est pas la vraie reconnaissance. C’est le solde de tout compte. Le travail de mémoire et d’histoire n’est pas un solde de tout compte.»
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Et le Président de compléter : «C’est, bien au contraire, soutenir que dedans il y a de l’inqualifiable, de l’incompris, de l’indécidable peut-être, de l’impardonnable.» Saluant par ailleurs «la volonté réelle de la part du président [Algérien], Abdelmajid Tebboune, d’entamer une nouvelle étape» dans les relations entre la France et son pays, Emmanuel Macron «espère» l’accueillir sur le territoire national en 2023.
«Regarder notre histoire en face»
Pas d’excuse en vue donc, mais pourquoi pas «une cérémonie de recueillement» du président algérien sur les vingt-cinq sépultures des membres de la suite d’Abd el-Kader, héros de la résistance à la colonisation française, enterrés au château d’Amboise en Indre-et-Loire. Abd el-Kader (1808-1883) a été détenu à Amboise avec plusieurs membres de sa famille de 1848 à 1852. «Je pense que cela serait un très beau et très fort moment, et je le souhaite», a déclaré Emmanuel Macron. «Pour le peuple français, ce sera l’occasion de comprendre des réalités souvent cachées. Ce sera aussi un moment pour regarder notre histoire en face sans nous enfermer dans un pan de cette histoire au prétexte qu’une bonne partie de ses acteurs sont toujours vivants ; et poursuivre avec le président Tebboune un travail d’amitié que je crois inédit entre nos deux pays.»
Reportage
Le voyage du président Macron à Alger en août a permis de remettre la relation bilatérale sur les rails après une crise liée à des propos qu’il avait tenus en octobre 2021. Le président de la République avait alors reproché au «système politico-militaire» algérien de surfer sur la «rente mémorielle» et s’était interrogé sur l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation. «C’est peut-être une phrase maladroite et qui a pu blesser», concède Emmanuel Macron. Mais «ces moments de tension nous apprennent», ajoute-t-il, «il faut du coup savoir se retendre la main».
Emmanuel Macron appelle par ailleurs dans cette entretien à «l’apaisement» des tensions entre l’Algérie et le Maroc, les deux puissances rivales dans la région. Il dit ne pas croire à une guerre entre ces voisins, tout en relevant «la spéculation chez les uns, le fantasme chez les autres et même la volonté de guerre chez certains». L’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en août 2021, accusant Rabat d’ «actes hostiles». Une décision «complètement injustifiée», selon Rabat.