A l’occasion d’un déplacement dans le Cantal, François Bayrou a ravivé la brûlante question de la liberté d’installation des médecins, dont certains syndicats prévoient grèves et manifestations à partir du 28 avril. Le Premier ministre, accompagné des ministres Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarité), Yannick Neuder (Santé), Philippe Baptiste (Enseignement supérieur) et Françoise Gatel (Ruralité) doit dévoiler son plan ce vendredi 25 avril. Avant ses annonces, une source gouvernementale a indiqué à l’AFP que le gouvernement souhaitait imposer jusqu’à deux jours par mois aux médecins dans les déserts médicaux.
Ce «principe de solidarité» du corps médical est présenté par l’exécutif comme une alternative à la «fin de la liberté d’installation» des médecins, mesure induite dans une proposition de loi transpartisane dont l’article clé a été adopté contre l’avis du gouvernement début avril par l’Assemblée nationale, avant l’examen de la suite du texte prévu début mai.
François Bayrou entend adresser «un message de confiance à l’ensemble de soignants». «L’idée est de ne pas privilégier les solutions de contrainte à l’installation», a-t-on expliqué de même source gouvernementale. Cette mesure va concerner «tous les médecins». «Il y aura des contreparties financières». «A contrario, les médecins qui refuseraient se verront pénalisés», a-t-on encore précisé de même source.
Définir des «zones rouges»
Outre cette mesure, le plan présenté vendredi comprend trois autres «axes». Le premier traite de la formation. L’idée est de «permettre aux plus de jeunes possible d’accéder aux études de santé, au plus près de leur territoire», de «recruter dans les territoires ruraux ou moins favorisés», déroule une source gouvernementale. Un nouveau médecin s’installe plus volontiers dans son territoire d’origine : 50 % des médecins généralistes formés exercent à moins de 85 km de leur lieu de naissance, une installation sur deux est située à moins de 43 km de l’université d’internat.
Le gouvernement entend ainsi développer massivement les stages en «territoires sous-denses» pour les étudiants en médecine. Chaque département - les trois-quarts le sont aujourd’hui - devra être pourvu d’une première année aux études de santé.
Le gouvernement veut par ailleurs confier de nouveaux actes aux autres professionnels de santé. Un patient souffrant de rhinite allergique saisonnière pourrait ainsi se rendre en pharmacie pour recevoir son traitement avec une ordonnance échue.
Par ailleurs, l’exécutif souhaite, dans le délai d’un mois, une cartographie des zones particulièrement prioritaires, dites «zones rouges». Ce travail va être confié aux agences régionales de santé (ARS), «en lien étroit avec les préfets et les élus locaux», afin de «définir département par département les zones les plus prioritaires» pour l’application de ce plan.
Le Cantal particulièrement concerné
L’accessibilité «aux médecins généralistes se dégrade entre 2022 et 2023», en raison de «la baisse du nombre» des praticiens libéraux conjuguée à «la croissance de la population», a noté fin 2024 la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Conséquence : au niveau national, en 2024, 35 % des sondés ont «renoncé à des soins faute de rendez-vous», contre 27 % en 2023, selon une étude réalisée par l’UFC-Que Choisir. Territoire particulièrement concerné, le département du Cantal est passé de 160,6 médecins généralistes pour 100 000 habitants en 2010 à 139,4 en 2025, d’après le Conseil national de l’ordre des médecins.
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Le 1er avril, devant le Conseil économique, social et environnemental, François Bayrou s’était montré favorable à une «régulation» de l’installation des médecins pour lutter contre les déserts médicaux. Mais à l’Assemblée, le gouvernement s’est opposé à une disposition d’une proposition de loi transpartisane pour cette régulation. L’article phare a néanmoins été adopté début avril au Palais Bourbon, l’examen du reste du texte est prévu début mai.
«Grève nationale intersyndicale illimitée»
Ce texte provoque la colère des médecins libéraux, étudiants en médecine, internes et jeunes médecins. Lucas Poittevin, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), a lancé le 16 avril un appel à «une grève nationale intersyndicale illimitée à partir du 28 avril».
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Des manifestations des anti-régulation sont prévues le 29 avril dans toute la France, tandis que les jeunes médecins ont lancé un appel à une grève dure avec fermeture des cabinets à partir du 28 avril. La plupart des syndicats des médecins libéraux installés ne sont pas partisans d’une telle extrémité. MG France, syndicat majoritaire chez les libéraux, évoque juste «une fermeture des cabinets pour ceux présents à la manifestation du 29 avril». Parallèlement, un texte porté par le sénateur (Les Républicains) Philippe Mouiller, président de la Commission des Affaires sociales, doit être examiné par la Chambre haute à partir du 12 mai.
Mise à jour à 12 h 10, avec la mesure pour lutter contre les déserts médicaux