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Mort de Badinter : un recueil de condoléances ouvert au public au ministère de la Justice jusqu’à dimanche

Celui qui a porté l’abolition de la peine de mort en France, est mort à l’âge de 95 ans. Emmanuel Macron a salué «une figure du siècle» et les hommages à l’ancien ministre de la Justice se multiplient.
Robert Badinter à Paris, en septembre 2021. (Roberto Frankenberg/Libération)
publié le 9 février 2024 à 12h19
(mis à jour le 9 février 2024 à 17h01)

En résumé :

- Robert Badinter, l’ancien ministre de la Justice de François Mitterrand qui a porté l’abolition de la peine de mort en France, est mort dans la nuit de jeudi à vendredi. L’ancien président du Conseil constitutionnel était âgé de 95 ans.

- Emmanuel Macron a salué en Robert Badinter, «l’homme de l’abolition de la peine de mort» et «une figure du siècle, une conscience républicaine, l’esprit français».

- En déplacement à Bordeaux, le chef d’Etat a rencontré des policiers et a assisté à la prestation de serment de la nouvelle promotion de l’Ecole nationale de la magistrature. Dans un discours, il a salué un homme qui «savait dans sa chaire ce que l’iniquité des lois vidées de leur substance enlève à l’humanité»

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Un recueil de condoléances ouvert au public au ministère de la Justice jusqu’à dimanche. Un recueil de condoléances sera mis à la disposition du public de vendredi soir à dimanche soir au ministère de la Justice à Paris pour permettre de rendre un dernier hommage à l’ancien avocat et garde des Sceaux Robert Badinter, mort à 95 ans. Les portes de la Chancellerie, place Vendôme (Ier arrondissement), seront ouvertes dès 19 heures vendredi et le public pourra s’y rendre jusqu’à dimanche 20 heures, a précisé le ministère dans un communiqué.

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«La France perd l’une de ses dernières grandes consciences morales», regrette le président du Crif. Sur X, Yonathan Arfi repère que «Robert Badinter nous quitte symboliquement un 9 février, date anniversaire de la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon le 9 février 1943, au cours de laquelle son père fut arrêté avant d’être déporté». Saluant un homme dont l’engagement en faveur de la justice prenait sa source «dans la fidélité à la mémoire des siens disparus durant la Shoah», le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) regrette : «avec la disparition de Robert Badinter, la France perd l’une de ses dernières grandes consciences morales ».

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Au Palais des congrès de Bordeaux, la prestation de serment «à jamais marquée par l’empreinte de cet avocat de caractère». «En ce jour où je suis venu à Bordeaux parler de justice et vous voir prêter serment, la nation a appris la mort de Robert Badinter. Ce jour sera marqué à jamais par l’empreinte de cet avocat». C’est en relevant ce concours de circonstances particulièrement frappant qu’Emmanuel Macron a entamé son discours face à la promotion des 489 nouveaux auditeurs de justice de l’école nationale de la magistrature (ENM), qui venaient de prêter serment. Car l’intervention présidentielle était prévue de longue date, pour saluer une promotion de l’ENM «historique», la plus nombreuse sous la Ve République, et présentée comme le résultat tangible des moyens investis par l’exécutif pour renforcer les effectifs de l’institution. Après ce bref hommage, saluant un homme qui «savait dans sa chaire ce que l’iniquité des lois vidées de leur substance enlève à l’humanité», en référence au père de Robert Badinter mort dans les camps, le président s’en est tenu à ce qui était prévu : un laïus détaillant sa vision et son projet pour la justice.

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Où en est la peine de mort dans le monde ?

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A Bordeaux, une minute de silence par une «justice en deuil». Au palais des Congrès de Bordeaux, l’audience solennelle durant laquelle la plus nombreuse promotion de l’Ecole nationale de la magistrature l’histoire de la Ve République s’apprête à prêter serment devant Emmanuel Macron débute par une minute de silence pour Robert Badinter. «La justice est en deuil» a soufflé la présidente de l’audience solennelle avant de demander une minute de silence en hommage à «un grand avocat, un grand ministre et un grand juge».

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Badinter et son message aux jeunes générations en 2021. Octobre 2021, la pré-campagne présidentielle bat son plein. Un homme, Eric Zemmour, squatte les plateaux télé pour débiter tout un tas d’horreurs. Sa dernière : le Maréchal Pétain aurait sauvé les juifs français pendant la guerre. Invité de C ce soir sur France 5, l’ancien Robert Badinter prend soin de démonter cette idée, sans jamais citer le polémiste-candidat en invoquant sa grand-mère paternelle raflée paternelle en octobre/novembre 1942. «Elle était très malade. Elle a été arrêtée par les policiers français sur une rafle décidée par Bousquet [...] il y avait un voyou milicien avec un pistolet à la Lucien Lacombe [personnage milicien du film éponyme de Louis Malle de 1974] Et on l’a descendue tout l’escalier dans le silence absolu de l’immeuble, on l’a mise là, dans le camion, on l’a emmenée direct à Drancy, elle est partie la nuit même, et elle est morte dans le train d’Auschwitz. C’est ça, la vérité humaine», raconte-t-il. Puis de conclure : «Et ça, peut-être, ceux qui aujourd’hui élèvent des doutes, devraient s’en souvenir. La vérité, il faut toujours la rappeler, parce que je m’interroge souvent au soir de ma vie. Ça me paraissait… Un orage emporté par les vents de l’histoire. Je n’en suis plus si sûr. Aux jeunes générations d’y veiller.»

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La ville de Cognin, où Badinter a trouvé refuge en 1943, lui rend hommage. Février 1943, installée à Lyon après avoir quitté Paris sous le joug nazi, la famille Badinter est de nouveau contrainte de fuir. Simon Badinter, père du jeune Robert, a été arrêté par le SS Klaus Barbie puis déporté en Pologne, d’où il ne reviendra pas. Les Badinter se réfugient dans un village savoyard près de Chambéry : Cognin. Robert Badinter n’a jamais oublié ce village «qui a entouré [sa famille], l’a protégée sans en manifester directement des signes autres que ceux de la sympathie qu’on doit à des hôtes étrangers», témoignait-il en 2 000 au Sénat. Aujourd’hui, c’est l’ensemble du conseil municipal de Cognin qui rend hommage à un «grand avocat pénaliste» et «adresse ses condoléances à ses proches.»

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Le 17 septembre 1981, un discours pour l’Histoire. Debout, à la tribune de l’Assemblée, les deux mains posées sur un pupitre sur lequel sont posées ses notes, Robert Badinter s’élance. Nous sommes le 17 septembre 1981. «Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur au nom du gouvernement de la République de demander à l’Assemblée nationale, l’abolition de la peine de mort en France», débute-t-il. Puis après un discours de près de deux heures, il conclut : «demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. A cet instant plus qu’à aucun autre, j’ai le sentiment d’assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c’est-à-dire au sens de service. Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort. Législateurs français, de tout mon cœur, je vous en remercie.» Le texte sera adopté le lendemain avec 363 voix pour et 117 contre sur 486 députés votants. Le 30 septembre, les sénateurs l’adoptent en termes identiques avec 160 voix pour et 126 contre sur 287 votants. La «loi n° 81-908 portant abolition de la peine de mort» sera promulguée le 9 octobre 1981.

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Marine Le Pen salue «une figure marquante du paysage intellectuel». L’ancienne candidate du Rassemblement national à la présidentielle Marine Le Pen s’est joint à la pluie d’hommages à la mémoire de Robert Badinter. Tout en sobriété. «On pouvait ne pas partager tous les combats de Robert Badinter, mais cet homme de convictions, fut incontestablement une figure marquante du paysage intellectuel et juridique. J’adresse mes condoléances à son épouse et à sa famille», a-t-elle écrit sur X. C’est que Robert Badinter a longtemps été une figure honnie de l’extrême droite française, qui voyait dans son humanisme revendiqué un «laxisme» et son combat contre la guillotine une faillite du système répressif. Et, plus de quarante ans après l’abolition de la peine capitale, la question demeure aiguë : 81 % des sympathisants du Rassemblement national sont favorables à son rétablissement, selon l’étude Fractures françaises (Ipsos) parue en octobre.

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Robert Badinter, l’ami des hommes et des bêtes. En plus de ses combats contre la peine de mort ou la pénalisation de l’homosexualité, Robert Badinter militait aussi pour la cause animale. En 2019, l’ancien Garde des sceaux proposait ainsi lors d’un colloque de la Fondation droit animal, éthique et sciences la mise en place d’un Défenseur des droits des animaux. «Ecrire des lois, rendre des décisions, tenir des colloques, formuler des codes, c’est bien, justifiait-il. Mais seule une autorité indépendante est de nature à permettre d’étendre la protection, la sauvegarde nécessaire des animaux qui sont, disons‑le, nos compagnons de vie, et souvent fraternels». Le combat était récupéré trois ans plus tard par la Société protectrice des animaux (SPA) qui y voyait un moyen d’avoir «un interlocuteur unique dans un domaine qui réclame beaucoup de transversalité». L’autorité n’a toujours pas vu le jour. Partageant sa «profonde tristesse», le Parti animaliste a donc également rendu hommage à l’ancien ministre de la Justice sur X : «Grand défenseur des humains, il l’était aussi des animaux».

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Les demandes de panthéonisation affluent. Une pluie de réactions mais une grande demande : la panthéonisation de Robert Badinter. Depuis ce vendredi matin, dans leurs hommages, de nombreux politiques estiment que l’ancien Garde des Sceaux doit reposer aux côtés d’André Malraux, Jean Moulin et Simone Veil dans le mausolée du Panthéon. «Un grand homme qui mérite d’être au Panthéon», écrit, par exemple l’ancien ministre de l’Agriculture de François Hollande Stéphane Le Foll. «Parce qu’il a continué et achevé le combat pour l’Abolition, suivant les pas de Victor Hugo, la place de Robert Badinter est à ses côtés dans l’Histoire et au Panthéon», ajoute le député écologiste Benjamin Lucas.

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A droite, des réactions sobres. Pour le maire LR de Cannes, David Lisnard, Robert Badinter fut «indéniablement grand avocat» et un homme d’Etat «attaché à la République et aux institutions». Le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, lui, a salué «un talent, une culture et une intelligence mises toutes entières au service de convictions inébranlables». «Reconnaissons, au-delà de nos différences politiques, la force et la constance de son engagement»», a complété Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France. Environ 51 % des sympathisants de LR sont favorables au retour de la peine capitale, un chiffre comparable à la population globale -, selon l’étude Fractures françaises (Ipsos) parue en octobre.

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François Hollande : «Son intelligence et sa grande courtoisie nous manqueront». L’ancien Président de la République rappelle au micro de France 3 que l’abolition de la peine de mort était un sujet important pour Robert Badinter puisque «comme avocat il avait plaidé plusieurs fois pour que les personnes accusées parfois de crimes qui pouvaient être particulièrement horribles puissent ne pas être envoyées à l’échafaud». Sur X, il salue une «grande figure de la République». «Ses combats, ses convictions, ses discours resteront dans l’Histoire. Son intelligence et sa grande courtoisie nous manqueront», loue-t-il.

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Mathilde Panot rend hommage à «l’homme qui a fait sortir le pays de l’obscurité». Pour saluer Robert Badinter, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale a choisi de reprendre ses mots sur X. «Partout, dans le monde, et sans aucune exception, où triomphent la dictature et le mépris des droits de l’homme, partout vous y trouvez inscrite, en caractères sanglants, la peine de mort», cite-t-elle. Une phrase tirée de l’emblématique discours du 17 septembre 1981 prononcé par le ministre de la Justice.

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«Victor Hugo l’avait rêvé, Robert Badinter l’a fait : l’abolition de la peine de mort.» Le député insoumis François Ruffin salue sur X «une grande figure morale».

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Pour Yaël Braun-Pivet, «l’hémicycle restera à jamais le témoin de son combat». Pour rendre hommage à Robert Badinter, la présidente de l’Assemblée nationale a partagé une photo sur X. Bob sur la tête, l’ancien Garde des sceaux y tient chaleureusement les mains de Yaël-Braun Pivet. Complices, les deux rient ensemble. «Robert Badinter était le défenseur des causes justes, l’humanisme incarné, la voix de la sagesse dans un monde bouleversé», encense la députée des Yvelines. «La République lui doit beaucoup, et l’hémicycle restera à jamais le témoin de son combat contre la peine de mort», écrit-elle encore.

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Hommage national. Après une première réaction sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron a profité de son déplacement à Bordeaux pour saluer la mémoire Robert Badinter. «La nation a perdu un grand homme, un très grand avocat, un très grand Garde des Sceaux», a-t-il déclaré promettant qu’un hommage national serait rendu à l’artisan de l’abolition de la peine de mort. L’ancien ministre de la Justice fera-t-il son entrée au Panthéon ? «J’aurais l’occasion de m’exprimer lors de l’hommage national en préparation avec la famille», poursuit Emmanuel Macron.

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Jordan Bardella rend à son tour hommage à Robert Badinter. «Ancien ministre de la Justice, homme de lettres, Robert Badinter a défendu toute sa vie ses idéaux, avec constance et éloquence», relève le président du Rassemblement national sur X. Avant de poursuivre : «Mes condoléances à sa femme Élisabeth et leurs trois enfants».

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«Badinter est un autre mot pour écrire le nom : liberté» pour son ancien camarade Jack Lang. «Il était intellectuellement, physiquement, mentalement, moralement associé à ce combat pour les libertés individuelles et collectives», se remémore sur les plateaux de BFMTV et d’Europe 1 l’ancien ministre de la Culture, Jack Lang. A l’antenne, il rappelle que Robert Badinter n’est pas seulement l’artisan de l’abolition de la peine de mort : «Il est celui qui à la mort de François Mitterrand a dépénalisé l’homosexualité.» Extrêmement fier d’avoir pu siéger aux côtés du défunt garde des sceaux, Jack Lang lui rend un vibrant hommage.