En résumé :
- En minorité à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé recourir à l’article 49.3 ce lundi 2 décembre vers 15h30, pour couper court aux débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Le texte, issu d’un compromis entre une commission de sénateurs et députés, est critiqué par les députés de gauche et d’extrême droite.
- LFI a d’ores et déjà déposé une motion de censure, qui sera soumise au vote mercredi ou jeudi. Si la gauche est claire sur sa volonté de la voter, le RN laisse planer la menace depuis plusieurs jours. Marine Le Pen et Jordan Bardella ont affirmé ces dernières heures que les députés d’extrême droite devraient voter la chute du gouvernement. Une volonté réaffirmée à l’issue de la déclaration de Michel Barnier ce lundi après-midi.
- Après avoir lâché du lest concernant les taxes sur l’électricité et l’Aide médicale d’Etat (AME), le gouvernement s’était montré intransigeant durant le week-end face aux menaces du RN. Mais après un appel téléphonique avec Marine Le Pen, Michel Barnier a annoncé ce lundi midi revenir sur le déremboursement des médicaments en 2025. Dans la foulée, le parti d’extrême droite a fait savoir que faute de revirement sur la désindexation des retraites, ses députés voteraient pour renverser l’exécutif.
Quelles conséquences pour les budgets de la Sécu et de l’Etat en cas de censure du gouvernement ? Les finances de la France en péril ? Le Premier ministre a opté, ce lundi après-midi, pour le 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025. Une procédure qui implique une adoption du texte sans vote, sauf dépôt (et adoption) d’une motion de censure par les oppositions. Une éventualité qui devrait devenir réalité, mercredi ou jeudi, si le RN rejoint bien la motion déposée par les groupes qui composent le Nouveau Front populaire. Pour en savoir plus, lire notre article.
Face au risque de censure, les acteurs économiques sont inquiets et c’est inquiétant. La perspective d’une absence de budget et de la chute du gouvernement est suivie attentivement par les marchés sans céder à la panique. A la hausse des taux obligataires, s’ajoute le pessimisme des ménages comme des chefs d’entreprise. Notre analyse est à retrouver ici.
Ce que contient le budget de la Sécu soumis au 49.3. Des retraites partiellement indexées sur l’inflation, des cotisations patronales légèrement rehaussées, un «déficit de la Sécu» de l’ordre de 16 milliards d’euros… Voici ce que contient le PLFSS qui entrera en vigueur, à condition que le gouvernement de Michel Barnier ne soit pas censuré.
Les organisations patronales s’inquiètent de la possible censure du gouvernement. Les principales organisations patronales françaises se sont inquiétées lundi en début de soirée de la censure du gouvernement qui pourrait survenir cette semaine et fragiliser selon elles les entreprises, en appelant notamment à la «responsabilité» des députés. «En âme et conscience, personne n’a intérêt à affaiblir une économie française déjà fragile. Ménages et entreprises en feraient immédiatement les frais. Consolidons plutôt notre pays», a écrit sur X le président du Medef Patrick Martin, première organisation patronale. «Ne sacrifiez pas nos entreprises sur l’autel de vos ambitions!», a lancé de son côté la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) à l’intention des députés, estimant dans un communiqué qu’une censure du gouvernement ne ferait «qu’accroître (leurs) difficultés».
Pour Valérie Pécresse, «l’irresponsabilité des extrêmes risque de nous mener tout droit dans le mur de la crise financière». La présidente de la région Ile de France a dénoncé l’alliance entre le Rassemblement national et la France Insoumise dans un message posté sur X. «Le RN et LFI main dans la main pour rajouter du chaos politique à la crise économique et morale que nous traversons. Michel Barnier a courageusement défendu une copie budgétaire, certes imparfaite dans le contexte d’urgence actuelle, qui aurait permis de sauver la barque. L’irresponsabilité des extrêmes risque de nous mener tout droit dans le mur de la crise financière», écrit Valérie Pécresse.
Le texte de la motion de censure déposée par la gauche. Présentée par les députés Mathilde Panot, Boris Vallaud, Cyrielle Chatelain, André Chassaigne et 181 autres députés, la motion de censure de la gauche a été partagée ce lundi en fin de journée. «C’est avec gravité et responsabilité que la gauche présente aujourd’hui cette motion de censure, car elle ne s’est jamais située du côté de l’instabilité ou du chaos. Mais l’absence de dialogue, le mépris pour les propositions formulées et pour le travail parlementaire rendent la censure nécessaire», écrivent les députés NFP dans le texte, fustigeant le choix du Premier ministre Michel Barnier de recourir au 49.3 pour faire adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le ministre de l’Intérieur tacle la patronne du RN. Dans un message posté sur X, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a fustigé la « logique de chaos » de Marine Le Pen. «En mêlant ses voix à l’extrême gauche et en s’enfermant dans une logique de chaos, Marine Le Pen montre qu’elle n’a d’autre objectif que son agenda personnel», a écrit le ministre de l’Intérieur dans un message posté sur X ce lundi après-midi, peu de temps après l’annonce du 49.3.
En mêlant ses voix à l’extrême gauche et en s’enfermant dans une logique de chaos, Marine Le Pen montre qu’elle n’a d’autre objectif que son agenda personnel.
— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) December 2, 2024
Pour le rapporteur du PLFSS, le RN a forcé le Premier ministre a utiliser le 49.3. Yannick Neuder (Les Républicains), le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), a fustigé l’attitude du Rassemblement national (RN) pour forcer le premier ministre à utiliser le 49.3 et ainsi engager la responsabilité de son gouvernement. « Je ne crois pas que c’est 400 millions de déremboursement du médicament qui va conditionner le budget de la sécurité sociale, assure au journal Le Monde le député de l’Isère, pointant une «volonté politique de Marine Le Pen d’ouvrir des contre-feux du fait de sa situation judiciaire».
Le téléphone sonne toujours deux fois entre Barnier et Le Pen ? Selon Matignon, Michel Barnier s’est entretenu à deux reprises, ce lundi, avec Marine Le Pen au téléphone. La première, dans la matinée, pour lui annoncer qu’il s’engageait à ne pas dérembourser de médicaments en 2025. La patronne des députés RN a demandé s’il allait céder davantage sur l’aide médicale d’Etat, d’après l’entourage du Premier ministre. Celui-ci lui a rappelé qu’il avait déjà fait un geste jeudi dernier, promettant dans un entretien au Figaro qu’il entendait réduire le panier de soins. La dirigeante d’extrême droite lui aurait répondu qu’elle le tiendrait au courant, après avoir déjeuné avec le président du RN Jordan Bardella. Nouveau coup de fil de la présidente du RN en tout début d’après-midi, raconte un proche de Barnier à Libération, pour signifier que son parti, pas rassasié, exigeait aussi la revalorisation de toutes les pensions de retraite. Une nouvelle demande non satisfaite avant le déclenchement du 49.3 peu après 15 heures. Par Laure Equy
Eric Coquerel portera la motion de censure pour le NFP et espère qu’elle fera «tomber le gouvernement et son budget». Après le déclenchement du 49.3 par Michel Barnier, les députés NFP s’organisent. Eric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis a déclaré que la motion de censure portée par LFI et NFP va «faire tomber le gouvernement et son budget». «On est dans une période d’instabilité politique, économique et sociale depuis que Monsieur Macron a décidé la dissolution mais surtout depuis qu’il a refusé de nommer la coalition arrivée en tête pour gouverner le pays. Il a passé le relais à Monsieur Barnier qui s’est retrouvé comme le Premier ministre de la 5ème République le plus mal soutenu», a assuré le député Coquerel, qui demande à ce qu’on « reparte avec un nouveau gouvernement ». Avant d’ajouter : «Si jamais Monsieur Macron ne le veut pas, je pense c’est plus que jamais lui qui est en question à travers sa démission».
Premières aigreurs dans les rangs du «socle commun». Michel Barnier a-t-il bien fait de lâcher des gages au RN, comme sur le deremboursement des médicaments ? Pas vraiment à en croire Yannick Neuder, rapporteur (LR) du budget de la Sécu : «Ce n’est jamais trop bon de céder au chantage d’un seul groupe. Ce n’est pas l’esprit de la CMP [la commission mixte paritaire, entre sénateurs et députés]. Et céder au RN, ce n’est pas une bonne idée. Ils sont dans une stratégie du chaos», a critiqué le député de droite. Avant de la pointer la «volonté de Marine Le Pen d’allumer des contre feux par rapport à sa situation judiciaire». La patronne du parti d’extrême droite est menacée de cinq ans de prison dont deux ferme, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, d’après les réquisitions du parquet dans le procès des assistants du RN. Par Victor Boiteau
Lucie Castets reste la candidate du NFP pour Matignon, ou au moins celle de LFI. Maintenant que Michel Barnier a mis son départ dans la balance en engageant la responsabilité de son gouvernement avec le 49.3, la question du ou de la locataire de Matignon revient sur la table. Questionnée ce lundi après-midi à l’Assemblée nationale sur le sujet, la cheffe des députés LFI, Mathilde Panot, a renvoyé la balle à ses partenaires de gauche : «Nous avons dit à plusieurs reprises que Lucie Castets reste notre candidate. Mais demandez aux autres composantes du NFP», a-t-elle glissé. Avant d’appeler à nouveau à la démission d’Emmanuel Macron, seule manière selon elle de «sortir de l’impasse politique».
Marine Le Pen confirme que le RN déposera sa propre motion de censure et votera celle de la gauche. Devant la presse à l’Assemblée nationale, la patronne et députée du parti d’extrême a annoncé ce lundi après-midi le dépôt d’une motion de censure par son groupe. La deuxième donc, après celle évoquée un peu plus tôt par LFI. Marine Le Pen a ensuite confirmé que le Rassemblement national votera l’ensemble des motions, «d’où [qu’elles] viennent», en considérant que «Michel Barnier n’a pas souhaité répondre à la demande des 11 millions d’électeurs du Rassemblement national». «Il a dit que chacun assume ses responsabilités, nous assumerons donc les nôtres», a-t-elle ajouté. En revanche, le Nouveau Front populaire ne devrait pas voter, en totalité tout du moins, la motion du RN.
Billet
Le RN en route vers la censure. Dans un message publié sur X peu après la déclaration du Premier ministre, le groupe RN a l’Assemblée annonce qu’il «votera la censure» du gouvernement Barnier. «Il n’y a pas d’issue pour un gouvernement qui renoue avec le fil du macronisme, qui refuse de prendre en compte l’urgence sociale de la fin du mois et qui ignore la nécessité de relancer la croissance», a ajouté Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, lui aussi sur X.
Et une première motion de censure, par la gauche. Immédiatement après le discours de Michel Barnier, Mathilde Panot, la cheffe des députés insoumis, a annoncé le dépôt d’une motion de censure de la gauche contre le gouvernement. «Il aura à la fois le déshonneur et la censure», a-t-elle cinglé devant la presse.
Le Premier ministre active le 49.3. A la tribune de l’Assemblée nationale, Michel Barnier revient, tranquille en apparence, sur sa «méthode» énoncée lors de sa déclaration de politique générale, «faite d’écoute, respect de dialogue». «En premier lieu vis-à-vis du Parlement et de tous les groupes, je dis bien tous les groupes qui le constituent». On tousse à gauche. «Je vous ai dit que je tiendrai un discours de vérité sur les contraintes qui pèsent sur le pays», ajoute le Premier ministre, jugeant «nécessaire que la France se dote d’un PLFSS et d’un budget pour 2025». Après avoir évoqué un «moment de vérité qui met chacun devant sa responsabilité», Michel Barnier annonce finalement l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le projet de loi sur le financement de la Sécurité et «engageant la responsabilité du gouvernement».
Nous sommes dans un moment de vérité. Je suis allé au bout du dialogue.
— Michel Barnier (@MichelBarnier) December 2, 2024
Sur le fondement de l’article 49.3, j’engage la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. pic.twitter.com/GcrJhhMuHi
Michel Barnier est arrivé, sans se presser. Profitant d’une interruption de séance demandée par son camp, le Premier ministre a rallié l’Assemblée nationale depuis Matignon.
Le ministre du Budget défend son texte face à une Assemblée anesthésiée. Devant les députés, Laurent Saint-Martin vante à plusieurs reprises un «texte de compromis», «un texte complété, amélioré, enrichi par les compromis trouvés en commission mixte paritaire». «Le gouvernement n’a jamais refusé le débat», assure le ministre, dans un calme frisant l’indifférence… «Le gouvernement n’a qu’un seul objectif, poursuit-il, contenir le déficit public autour de 5 % dès l’année prochaine afin de le ramener sous la barre de 3 % à l’horizon 2029.» Prenant à témoin les oppositions, Saint-Martin avance aussi qu’il «y a une majorité au Parlement pour faire le choix de la responsabilité. Il faut que ce soit dit, que ce soit su». Le ministre rappelle aussi le geste annoncé un peu plus tôt, le recul sur le déremboursement des médicaments, un «bon compromis, responsable, qui représente un effort de freinage réel de la dépense sociale». Par Victor Boiteau
Des tractations dans tous les sens. Ça conciliabule sec dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale après la capitulation de Barnier devant le RN, qui n’est pas rassasié pour autant, sur le déremboursement des médicaments. Arrivé dans les premiers, le président du Modem Marc Fesneau a eu un long échange avec l’ex-ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, désormais apparenté socialiste et donc dans l’union de la gauche. La présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, est venue s’assoir brièvement à côté de son homologue socialiste, Boris Vallaud. L’ex-macroniste Sacha Houlié a longuement échangé avec Stella Dupont, figure de l’aile gauche macroniste qui n’a pas encore claqué porte du groupe EPR. Par Jean-Baptiste Daoulas
L’intox du rapporteur du budget de la Sécu sur les retraites. «Priver les Français d’un budget de la Sécurité sociale, c’est revenir sur les retraites des Français», assure le rapporteur général du PLFSS, Yannick Neuder, au perchoir de l’Assemblée, en expliquant que cela annulerait la mesure consistant à revaloriser de 0,8 % toutes les pensions dès janvier, puis encore de 0,8 point les plus petites retraites en juillet. Une intox : si le PLFSS n’était pas adopté, la loi en vigueur s’appliquerait. Or, elle prévoit une indexation automatique, au 1er janvier, de toutes les pensions sur l’inflation constatée les douze derniers mois. Soit environ 1,3 % si l’on prend les dernières estimations de l’Insee. Par Frantz Durupt