En résumé :
- La cour d’appel de Paris a annoncé ce mardi soir avoir été saisie de «trois appels» à ce stade après les condamnations de Marine Le Pen et du Rassemblement national, et qu’elle «examinera ce dossier dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l’été 2026».
- La patronne des députés RN a été reconnue coupable de complicité pour détournement de fonds publics par instigation. Elle a écopé de quatre ans de prison dont deux ferme, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Au total, 23 prévenus ont été condamnés, dont le parti Rassemblement national lui-même. Un seul a été relaxé.
- La décision du tribunal de Paris a suscité de nombreuses réactions dans la classe politique. Avant que François Bayrou n’ouvre la porte à une «réflexion» sur l’exécution provisoire des peines, socialistes et écologistes se sont réjoui que Marine Le Pen soit «une justiciable comme une autre» et ont appelé au «respect de l’indépendance de la Justice». Mais des critiques se sont élevées de LFI à LR, en passant par une partie du centre et – plus logiquement – jusqu’au RN.
- Marine Le Pen qui a annoncé faire appel dans la foulée de son jugement a dénoncé «une bombe nucléaire», dégainée selon elle par «le système».
Le Pen prête à saisir le Conseil constitutionnel et la CEDH. Dans une interview donnée au Parisien, Marine Le Pen fustige «une atteinte gravissime à la démocratie et au processus électoral», un «jugement qui viole l’Etat de droit», et assure qu’elle ne s’attendait pas à une telle décision de la part du tribunal judiciaire de Paris. «Les effets de cette exécution provisoire étaient tellement graves dans les conséquences que personne n’imaginait que des magistrats iraient dans une affaire comme celle-là prononcer une exécution provisoire», s’insurge-t-elle.
La patronne du RN affirme ne pas désarmer : «Nous allons saisir le Conseil constitutionnel par une question prioritaire de constitutionnalité, dit-elle. Il faut désormais que la QPC que nous préparons soit validée, qu’elle soit transférée au Conseil constitutionnel. Je n’ose imaginer que ça ne sera pas le cas. Par ailleurs, je souhaite saisir aussi en la Cour européenne des droits de l’homme sur ce sujet.»
Quant à savoir si elle est prête à passer le flambeau à Jordan Bardella, ce n’est visiblement pas demain la veille : «L’élection présidentielle, c’est une élection intuitu personae. Ce n’est pas une élection de parti, mais de personne. [...] J’ai fait campagne sur un binôme pour lequel nous nous préparons avec Jordan : que je sois candidate à la présidentielle et qu’il soit Premier ministre.»
Retailleau souhaite que Le Pen «puisse être jugée en appel le plus vite possible». Avant une réunion publique à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), dans le cadre de sa campagne pour la présidence des Républicains, le ministre de l’Intérieur s’est exprimé pour la première fois sur la condamnation de Marine Le Pen. «Ce que je souhaite, c’est qu’elle puisse être jugée en appel le plus vite possible.» En fin de journée, la cour d’appel de Paris a déclaré qu’elle avait enregistré les appels de la condamnée et qu’elle «examinera ce dossier dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l’été 2026». Interrogé sur ce calendrier, Retailleau a affirmé avoir «connu des vitesses de justice très, très rapide», en allusion à l’affaire Fillon en 2017. Le ministre s’est également dit ouvert à revoir l’exécution provisoire des peines, dans la lignée du Premier ministre, François Bayrou. «L’exécution provisoire préempte sur la deuxième instance», a défendu Retailleau, avant de filer rejoindre les militants LR.
Sans surprise, le RN fait appel. Le Rassemblement national, condamné lundi à deux millions d’euros d’amende, dans le dossier des assistants parlementaires européens, a fait appel mardi, a indiqué son avocat, Me David Dassa-Le Deist, à l’AFP, précisant avoir aussi interjeté appel pour l’ex-trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just.
Attal répond au «trouble» de Bayrou. «Je ne suis jamais troublé par la démocratie», a lancé mardi Gabriel Attal, mettant en garde contre le «sentiment» d’un «monde politique qui se regarde le nombril», après la réaction de François Bayrou à la condamnation de Marine Le Pen.
Le Premier ministre avait fait savoir lundi, via son entourage, qu’il avait été «troublé par l’énoncé du jugement » de cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat contre la leader du Rassemblement national. Mardi, il a ouvert la porte devant l’Assemblée nationale à une «réflexion» pour faire évoluer la loi sur cette disposition nommée «exécution provisoire».
Un «responsable politique au niveau national» se «doit de respecter les décisions qui sont prises par la justice, sans chercher à les relativiser, en atténuer la portée ou en détourner les fondements, a-t-il également taclé l’ancien locataire de Matignon.
L’appel avant 2027 ? La cour d’appel de Paris a indiqué mardi dans un communiqué avoir été saisie de «trois appels» à ce stade après les condamnations de Marine Le Pen et du Rassemblement national, et «examinera ce dossier dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l’été 2026».
Si ces délais sont tenus, cela voudrait dire que ce deuxième procès se tiendrait au plus tard en début d’année prochaine, et que la décision serait donc rendue de longs mois avant l’élection présidentielle 2027, comme l’ont réclamé plusieurs responsables politiques.
Menaces contre les juges : une enquête ouverte. Après les attaques qui ont visé les magistrats du tribunal correctionnel de Paris, suite à l’annonce de la condamnation de Marine Le Pen qui va probablement l’empêcher de se présenter en 2027, une nouvelle enquête a été ouverte, selon l’AFP, qui évoque «des sources proches du dossier». Celle-ci a été confiée à la brigade de répression de la délinquance aux personnes (BRDP). Une première enquête, toujours en cours, avait été lancée en début d’année sur des menaces de mort postées sur le site d’extrême droite Riposte laïque, et visant déjà des magistrats du procès du RN dans l’affaire des assistants parlementaires européens. Elles ciblaient la magistrate ayant présidé l’audience et les deux procureurs ayant requis contre les prévenus, dont Marine Le Pen.
Meeting de soutien à Marine Le Pen ce dimanche. Le Rassemblement national a annoncé mardi après-midi l’organisation d’un meeting de soutien à Marine Le Pen, ce dimanche. La formation d’extrême droite donne rendez-vous à ses partisans place Vauban, dans le VIIe arrondissement à côté de l’Assemblée nationale.
Une PPL d’Eric Ciotti pour soutenir la cheffe des députés RN. Sans grande surprise au regard des discours tenus par les partisans et les alliés de Marine Le Pen, une proposition de loi pour revenir sur l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité va être déposée. C’est l’ex-patron de LR rallié à Marine Le Pen Eric Ciotti qui en a fait l’annonce, ce mardi après-midi à l’Assemblée, pour un examen au mois de juin, avec le souhait que, en cas d’adoption, cette disposition puisse s’appliquer à la condamnation de l’élue d’extrême droite.
Bayrou tente de calmer le jeu. Interpellé de toutes parts, le Premier ministre distribue bons et mauvais points. Cette fois au RN, qu’il contredit après les déclarations tonitruantes des uns et des autres sur la mise en danger de l’Etat droit que ferait encourir la décision judiciaire prise contre la triple candidate à la présidentielle. Non, assure le Béarnais, la démocratie n’est «pas mise à mal» par une décision de justice.
A l’Assemblée, Jean-Philippe Tanguy dénonce un «quarteron de procureurs» exerçant «la vendetta du système». Ambiance éruptive au Palais-Bourbon lors de la traditionnelle séance de questions au gouvernement. Le numéro 2 du Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy ouvre le bal en pilonnant la condamnation de Marine Le Pen. «En France, la seule et unique cour suprême, c’est le peuple, balance-t-il, citant de Gaulle. La vérité hélas c’est que jamais l’oligarchie n’a accepté que le peuple décide ni ne vote. Le système ne respecte que les urnes qui conforte son pouvoir [...]. Voilà qu’un quarteron de procureurs et de juges prétend sortir du droit pour exercer la vendetta du système contre son seul opposant, le Rassemblement national et contre sa principale incarnation, Marine Le Pen. Il y a des tyrannies qui enferment leurs opposants, il y a désormais des juges tyrans qui exécutent l’Etat de droit en place publique.» Grandiloquent, visage tordu, sous les huées des bancs de gauche, Tanguy enchaîne : «Voilà des magistrats qui refusent à Marine Le Pen le droit effectif à la présomption d’innocence. Voilà des magistrats qui refusent à Marine Le Pen d’être candidate en appliquant l’esprit d’une loi postérieure aux faits reprochés. Voilà des magistrats qui criminalisent le droit à la défense.» Et le député de la Somme de sommer Bayrou : «De quoi est accusée Marine Le Pen sinon de vouloir vaincre ce système ?»
Le «trouble» de Bayrou divise la majorité. Oui, le Premier ministre a bien estimé, en petit comité, lors du petit déjeuner avec les chefs de groupes de son «socle commun», que «la France est le seul pays où on fait ça». Deux participants nous ont confirmé les propos du Premier ministre. L’un deux assure que ce n’est pas la condamnation de Marine Le Pen qui lui pose question, «mais il est plus préoccupé par le dispositif d’exécution provisoire qui a été voté par le Parlement (dans la loi Sapin II de 2016), lequel contrecarre l’appel en quelque sorte». Nuance que le chef du gouvernement a toutes les peines à faire entendre à l’heure où le RN s’en prend, avec virulence, aux magistrats. Tout en disant «respecter l’Etat de droit», le même participant confie ne pas se «sentir très à l’aise avec ce principe de l’exécution provisoire» : «Cela a été voté après l’affaire Cahuzac, la grande époque du “on lave plus blanc que blanc”». «La loi, rien que la loi», a, de son côté, répondu Stéphanie Rist, la députée EPR présente ce matin à Matignon. Un autre député macroniste traduit: «Pour Bayrou, il ne peut pas y avoir interférence dans le suffrage universel, je ne suis pas d’accord.» Par Laure Equy.
Bayrou veut une «réflexion» sur l’exécution provisoire des peines. Et alors que le débat politique se cristallise autour de la question de l’exécution provisoire des peines, au cœur du jugement de Marine Le Pen, François Bayrou a également ouvert la porte à une «réflexion» au Parlement pour faire évoluer la loi sur l’exécution provisoire.
Volte-face de Bayrou. Et ça, c’est ce qui s’appelle rétropédaler. Après avoir fait savoir par différents canaux son «trouble» devant la condamnation de Marine Le Pen – et essuyé les critiques d’une partie de l’opposition, qui l’ont accusé de ne pas respecter la séparation des pouvoirs –, François Bayrou a adopté une position beaucoup plus respectueuse de l’indépendance de la justice devant les députés, ce mardi. Le gouvernement n’a «pas le droit» de «critiquer» une décision de justice, a assuré le Béarnais, qui en a profité pour dire son «soutien inconditionnel» aux juges, après les menaces de mort essuyées par ceux qui ont rendu le jugement.
Darmanin veut un procès en appel dans un délai «le plus raisonnable possible». C’est ce qui s’appelle ne vouloir vexer personne : ni le RN, ni le reste des députés, et encore moins les magistrats. Interrogé sur le risque qu’un procès en appel de Marine Le Pen se produise après la présidentielle, le ministre de la Justice a assuré « souhaite[r] personnellement [...] que si Mme Le Pen interjette recours, ce délai de jugement nouveau à la cour d’appel de Paris puisse être organisé dans un délai le plus raisonnable possible». Mais tout à sa volonté de ménager l’institution judiciaire, le garde des Sceaux a aussitôt précisé que c’était le dossier de la cour d’appel de Paris, «parfaitement indépendante dans son organisation, de fixer la date de cet appel».
Le Syndicat de la magistrature dénonce «des offensives intolérables dans un Etat de droit». Dans un communiqué diffusé ce mardi, le syndicat, classé à gauche, s’insurge des «nombreuses remises en cause de l’autorité judiciaire » émises depuis la décision prononcée par le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du RN. «Des magistrat·es ont été personnellement et violemment pris·es à parti», poursuit le communiqué, évoquant des «tentatives de discrédit de l’institution judiciaire» particulièrement «intolérables dans un Etat de droit» et «adossées à un pré-supposé confinant au complotisme, qui voudrait que les juges aient un agenda politique». Si l’individualisation de la peine s’impose aux juges, rappelle le syndicat, «elle n’est jamais synonyme de traitement de faveur ou de défaveur : il en va de l’égalité de toutes et tous devant la loi».
Dans les médias Bolloré, un seul son de cloche. «Neuf personnes avaient décidé l’interdiction de C8, cette fois, trois juges ont stoppé Mme Le Pen. La démocratie en France, il est possible que nous ayons perdu le mode d’emploi.» Lancement désabusé de Pascal Praud lundi soir sur CNews, au moment de prendre l’antenne de son Heure des pros, pour évoquer la condamnation de Marine Le Pen dans le procès des assistants parlementaires du Rassemblement national, et surtout la peine d’inéligibilité de cinq ans qui lui a été infligée. Depuis le verdict lundi 31 mars, les médias Bolloré ne font entendre qu’un seul son de cloche, celui qui dénonce une «République des juges» et crie au «déni de démocratie» qui empêche les Français de voter, à la prochaine présidentielle, pour la candidate qui récoltait 37 % des intentions de vote – un sondage avait opportunément été commandé par le Journal du dimanche la veille de la sentence. Par Adrien Franque
La position des insoumis suscite une nouvelle fois des réserves à gauche. Dans le torrent de réactions formé par la gauche, celle de la France insoumise détonne. Le parti de Jean-Luc Mélenchon est le seul à gauche à avoir mis en doute, lundi, la décision des juges concernant la députée du Pas-de-Calais, voire leur impartialité. «La décision de destituer un élu devrait revenir au peuple», a déclaré le patron insoumis. A lire ci-dessous :
Analyse
Les socialistes reprochent à François Bayrou les propos qui lui sont attribués. «La France est le seul pays où on fait ça», aurait déclaré ce mardi matin le Premier ministre devant des députés du « socle commun », rapportent plusieurs médias. De quoi susciter de vives réactions au sein du PS. «Emmanuel Macron doit s’exprimer pour faire respecter la séparation des pouvoirs, a exigé le patron du parti Olivier Faure dans un message publié sur X. Le Premier ministre n’a pas à prendre ses distances avec des juges qui ne font qu’appliquer la loi.» Le chef des députés PS, Boris Vallaud, range d’ores et déjà le Premier ministre parmi les soutiens peu recommandables de la députée d’extrême droite : «Victor Orban, le Kremlin, Matteo Salvini, Elon Musk, Donald Trump… et maintenant, François Bayrou ? Monsieur le Premier ministre : il faut être sans nuance et sans ambiguïté sur l’indépendance de la Justice et le respect de l’Etat de droit.» Par Laure Equy
Rebelote pour François Bayrou contre la justice ? Lundi, il avait fait savoir, via son entourage, son «trouble» à l’énoncé de la condamnation de Marine Le Pen. Ce mardi matin, le Premier ministre en a-t-il dit plus ? Selon plusieurs médias, François Bayrou aurait estimé que «la France est le seul pays où on fait ça», devant les patrons de groupes parlementaires qui le soutiennent, reçus à Matignon lors d’un petit-déjeuner hebdomadaire. Les versions divergent parfois d’un participant à l’autre joints par Libération. L’un d’eux assure : «Je n’ai pas entendu ce truc et pourtant j’y étais du début à la fin. L’indiscrétion est pénible mais si en plus ils inventent…» Un autre a en tête un commentaire de cette teneur, sans avoir relevé le verbatim exact. Le chef du gouvernement qui a ensuite présenté son programme d’action au Conseil économique, social et environnemental (Cese), s’est bien gardé d’en rajouter sur le sujet : «Je me suis déjà exprimé» avant le 31 mars, a-t-il esquivé alors que le président du Modem attend son procès en appel dans une affaire similaire d’assistants parlementaires européens, après avoir été relaxé en première instance. Sous la menace permanente d’une motion de censure - que le RN a récemment de nouveau laissé planer -, Bayrou sera probablement interpellé cet après-midi lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Reste à voir s’il passera le micro à l’un de ses ministres. Par Laure Equy
Marion Maréchal pense avoir la solution miracle pour sauver sa tante avant 2027. L’eurodéputée d’extrême droite a prôné ce mardi sur TF1 l’adoption d’une nouvelle loi moins sévère pour les élus coupables des faits reprochés à Marine Le Pen, et qui pourrait s’appliquer rétroactivement. «L’exécutif peut remettre sur la table cette loi Sapin 2», a plaidé Maréchal, qui réclame de «supprimer» l’exécution provisoire pour ainsi «empêcher de manière rétroactive qu’elle puisse s’appliquer à Le Pen». «Il faut revenir sur la loi pour que, de manière rétroactive, [la nouvelle loi] puisse s’appliquer», a répété la titulaire d’un master 1 de droit public. Problème : au JT de TF1 lundi soir, Marine Le Pen elle-même a mis à mal cet argument, affirmant que «la loi Sapin 2 ne s’applique pas à cette affaire», car elle a été mise en place après les «faits qui nous sont reprochés». A lire dans notre newsletter politique Chez Pol.