En résumé :
- Juste avant d’entamer les dernières consultations avec le Parti socialiste et les troupes de Marine Le Pen, Sébastien Lecornu a annoncé vendredi qu’il «renonçait» à utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour gouverner.
- Des socialistes aux insoumis, l’opposition de gauche n’a pas été convaincue par la promesse du Premier ministre, y décelant une façon de s’allier à l’extrême droite sans l’assumer.
- A la sortie de Matignon ce vendredi midi, le patron du PS, Olivier Faure, a estimé que la copie du budget 2026 restait «très insuffisante et à bien des égards alarmante» mais accorde à Sébastien Lecornu «le bénéfice des prochaines heures pour réfléchir» jusqu’à sa déclaration de politique générale.
Le suspens n’était pas insoutenable. Le Premier ministre prononcera son discours de politique générale mardi probablement à 15 heures. Auparavant, il devrait dévoiler la composition de son gouvernement, dans le week-end, samedi ou dimanche. Dans ce discours traditionnel que fait tout nouveau Premier ministre devant le Parlement, il exposera sa feuille de route, alors qu’il est privé de majorité. Aucun des anciens locataires de Matignon, depuis qu’Emmanuel Macron a été réélu en 2022 sans disposer depuis de majorité absolue, n’a sollicité un vote de confiance après la déclaration, comme il peut constitutionnellement le faire selon l’article 49.1.
Se serait-il habitué aux coups de force ? Le patron de LR, Bruno Retailleau, a exprimé ce vendredi ses doutes sur le renoncement à l’article 49.3 de la Constitution, craignant qu’il ne conduise à «une coalition des démagogues» pour faire adopter un budget «contraire aux intérêts supérieurs de notre pays». Sur le réseau X, le ministre démissionnaire de l’Intérieur conçoit que «dans un contexte d’absence de majorité», renoncer au 49.3 «est un choix qui se comprend». Mais «à condition qu’une coalition des démagogues n’aboutisse pas au vote d’un budget qui serait contraire aux intérêts supérieurs de notre pays».
A l’annonce du refus de Sébastien Lecornu de recourir à l’article 49.3, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, et le député (ex-LFI) François Ruffin avaient vu ce vendredi une occasion de mettre au vote l’abrogation de la réforme des retraites adoptée grâce à cet article en 2023. Problème : le Premier ministre ne semble avoir fait aucun pas en ce sens. A sa sortie de Matignon, Fabien Roussel s’est en effet dit «extrêmement déçu par l’absence d’ouverture sur la réforme des retraites» et le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a estimé que Sébastien Lecornu n’avait «renoncé qu’au 49.3» et «qu’au moment où nous nous parlons, nous ne pourrons pas revenir sur la réforme des retraites, [car] le Premier ministre ne s’est pas engagé à ce que ce débat puisse avoir lieu».
Réactions
La patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, avait pris note ce vendredi matin d’un «petit début d’inflexion» de Sébastien Lecornu, qui a renoncé à recourir à l’article 49.3 pour faire adopter le budget. Malheureusement pour elle, ses espoirs de voir la situation se débloquer favorablement ont été douchés, à en croire sa prise de parole à la sortie de sa rencontre avec le Premier ministre. «On a la sensation que rien n’est prêt et cette impréparation, ce flou est assez préoccupant pour une équipe qui est là depuis 22 jours», a-t-elle déploré devant la presse. Marine Tondelier ajoutant que Sébastien Lecornu n’avait «rien à faire là», et que «c’est quelqu’un du Nouveau Front populaire qui devrait être à sa place».
C’est mieux, mais ce n’est pas encore ça. Marine Le Pen, reçue ce vendredi à Matignon, a déclaré à la sortie de son rendez-vous avec le Premier ministre qu’elle attendrait le discours de politique générale en début de semaine prochaine pour constater «s’il existe une rupture ou pas» et se prononcer sur la suite des événements. Tout en rappelant le nouveau leitmotiv du RN, «la rupture ou la censure», la députée du Pas-de-Calais a toutefois déjà déploré : «Je ne vois pas la rupture avec le macronisme.» La triple candidate à l’élection présidentielle concédant cependant que le refus de recourir au 49.3 lui paraissait «plus respectueuse de la démocratie que ce qui a pu être fait dans les années précédentes».
Le leader de La France insoumise refuse ce vendredi de mordre à l’hameçon du nouveau Premier ministre, qui a promis plus tôt dans la journée de ne pas utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer des lois sans vote à l’Assemblée nationale. «En résumé, paroles verbales, on ne te croit pas. On ne te croit pas, tu n’as pas l’intention de gouverner sans nous forcer, le moment venu», a déclaré Jean-Luc Mélenchon lors d’une conférence de presse à Strasbourg.
Le patron du Parti communiste a fait part de ses réticences à censurer par avance un exécutif qui n’utilise pas l’article 49.3 de la Constitution, alors que c’est une proposition «défendue» par la gauche et qui «rend la balle» à l’Assemblée. «Il faut sortir de l’impasse, il faut avancer. Moi, je suis plus dans la culture du dialogue et de laisser le Parlement faire son boulot», a réagi Fabien Roussel sur BFMTV-RMC, qualifiant de «raide», la posture d’une censure a priori.
La cheffe de file des députés RN est arrivée vendredi matin à Matignon, avant son entretien avec le Premier ministre, sans le patron de son parti, mais avec un chaton, ont constaté des journalistes de l’AFP. Celle qui est une éleveuse de chats de races officiellement diplômée, par «passion», est descendue de sa voiture et a traversé une partie de la cour en s’efforçant de dissimuler dans son dos une boîte de transport pour félin. «Il s’agit d’un bébé chat d’une portée qui vient de naître chez elle. Ce petit chat n’arrive pas à se nourrir tout seul et a besoin d’être nourri ou il mourra. Elle a décidé de le sauver. Il ne la quitte pas», a expliqué un proche à l’AFP.
En annonçant ce vendredi depuis Matignon qu’il renonçait à cette arme constitutionnelle sur le budget, le Premier ministre a acté un changement notable de méthode demandé par la gauche. Ce qui est loin de tout régler.
Le Premier ministre s’est engagé ce vendredi à ne pas utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter son budget. Tour d’horizon des autres outils constitutionnels à sa main pour tordre le bras aux oppositions.
«Nous lui donnons les heures prochaines pour réfléchir», a prévenu Olivier Faure à la sortie des ultimes consultations qui se tenaient à Matignon sur le budget ce vendredi matin. Après l’annonce du renoncement au 49.3, le premier secrétaire du PS avait exigé qu’un vote puisse avoir lieu sur la réforme des retraites à l’Assemblée. «Le Premier ministre ne s’est pas engagé à ce que le débat puisse avoir lieu», a-t-il relevé, en faisant de ce paramètre la condition de leur non-censure à l’issue de la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu, annoncée pour la semaine prochaine. «A lui de dire que tous les sujets sont sur la table, et pas seulement ceux qu’il choisit», a aussi lancé Olivier Faure, «nous accepterons la démocratie parlementaire, avec les risques que cela comprend, mais à condition qu’il n’y ait pas de sujet interdit».
«Si on en ressort sans aucune réponse sur rien, vous savez bien ce qui va se passer», a prévenu la patronne des Écologistes à son arrivée à Matignon avant son entretien avec le Premier ministre, même si elle note «un petit début d’inflexion», avec le renoncement de Sébastien Lecornu au 49.3. Marine Tondelier exige notamment «des mesures concrètes» sur la justice sociale et l’environnement. «Il cherche tous à nous endormir en ne faisant rien, en ne disant rien, en bougeant le moins possible», a-t-elle dénoncé, ironisant sur sa «stratégie du chloroforme».