En résumé :
- A l’issue de son ultime round de négociations, le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu a affirmé mercredi soir que «la situation permet» au président Emmanuel Macron «de nommer un Premier ministre dans les quarante-huit prochaines heures».
- Dans la foulée, l’Elysée a confirmé la nomination d’un Premier ministre d’ici vendredi, sur la base des conclusions de Sébastien Lecornu.
- Alors que bruissait mercredi la rumeur que Sébastien Lecornu pouvait être reconduit à Matignon – démentie par l’entourage de l’intéressé –, la gauche revendique toujours la nomination d’un Premier ministre de son camp. Une piste mène aussi à Jean-Louis Borloo, qui a toutefois assuré ne pas avoir été contacté par l’Elysée.
- Retrouvez les informations de la journée politique d’hier, mercredi 8 octobre, ici.
Jean-Louis Borloo, Laurent Berger, François Villeroy de Galhau, Pierre Moscovici... Une nouvelle fois, ressurgit l’hypothèse d’un Premier ministre issu d’aucun parti, certes capable de faire adopter les textes budgétaires pour l’année 2026 et de gérer ensuite les affaires courantes sans risquer un énième renversement. Cette idée d’un homme ou d’une femme issu(e) de la société civile à la tête d’un gouvernement technique revient dans l’air politique à chaque fois qu’Emmanuel Macron se (re)met en quête d’un nouveau chef de gouvernement. Notre article à lire ici.
En coulisses, le feuilleton continue. Le président de la République, qui menait ce jeudi des «consultations informelles», selon son entourage, s’est donné jusqu’à vendredi soir pour nommer un nouveau Premier ministre. Va-t-il faire entrer la gauche à Matignon, rappeler une vieille gloire consensuelle ou bien reconduire Sébastien Lecornu ? Le flou domine encore alors que le Président doit acter son choix d’ici à quelques heures. Notre article à lire ci-dessous :
«Non», l’ancien ministre centriste n’a pas reçu d’appel de l’Elysée, a-t-il affirmé ce jeudi en fin de journée, alors que son nom circule pour Matignon. «Je ne sais pas s’il y aura une conversation, et au fond, ma personne n’a aucune espèce d’importance», a-t-il déclaré en marge de la Convention nationale des intercommunalités, réunie à Toulouse. «Ce que je sais c’est qu’il faut que ces 18 mois [avant la présidentielle, ndlr] soient utiles», a-t-il affirmé, appelant le futur gouvernement à dresser une véritable feuille de route, plutôt que se focaliser uniquement sur un budget. Jean-Louis Borloo a notamment plaidé en faveur d’une «union sacrée pour la jeunesse» et d’un «Etat fédéral à la française».
«Monsieur le président, entendez le pays», exhortent la cheffe des Ecologiste, le premier secrétaire du PS et le secrétaire national des communistes ce jeudi soir dans une déclaration commune à l’AFP. Les trois chefs de partis insistent une nouvelle fois pour obtenir du président qu’il respecte le résultat des élections législatives de juillet 2024, qui ont placé en tête (mais sans majorité) le Nouveau Front populaire. Pour eux, «persister dans l’obstruction serait fragiliser encore davantage notre démocratie». Marine Tondelier, Olivier Faure et Fabien Roussel préviennent : «Soit vous persistez dans l’isolement et le déni, et vous prendrez devant l’Histoire la responsabilité d’avoir considérablement aggravé la fracture entre le peuple et ses institutions». «Soit vous écoutez le pays […] et vous ouvrez une nouvelle étape : celle d’une cohabitation», avec «la nomination d’un Premier ministre et d’un gouvernement de gauche et écologiste qui permettra la construction de majorités à l’Assemblée» nationale, proposent-ils.
Vous pensiez les insoumis plus calmes ? Oh que non… Le service de presse de LFI vient de prévenir les journalistes qu’ils sont attendus au siège du mouvement, demain vendredi à 9h30, pour une «déclaration de Jean-Luc Mélenchon». L’armada est déployée : il sera accompagné de Manuel Bompard, le coordinateur de La France insoumise, de Clémence Guetté, vice-présidente de l’Assemblée nationale, de Younous Omarjee, vice-président du Parlement européen et de Mathilde Panot et Manon Aubry, présidentes des groupes parlementaires ainsi que d’Eric Coquerel, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Une «boutade» mal maîtrisée du PS Patrick Kanner, un commentaire sympa de Bruno Retailleau qui lui trouve le mérite de n’être «ni de gauche, ni macroniste»… il n’en fallait pas plus pour que le nom de Jean-Louis Borloo, éternel premier-ministrable des heures pré-remaniement, revienne en force dans les titres de la presse et dans les questions des intervieweurs pour sonder le nom de Valenciennois comme «piste» pour occuper Matignon. La preuve ? Son nom était déjà cité en 2010 pour remplacer François Fillon et il le fut encore en 2024, après les législatives, pour succéder à Gabriel Attal. Qu’un nom soit ébruité régulièrement dans les médias ou dans les boucles de messagerie n’en fait pas pour autant une piste sérieuse, Catherine Vautrin en sait quelque chose. Et l’intéressé aussi : échaudé par l’échec de la mission banlieues que lui avait confiée Emmanuel Macron en 2018, l’ancien ministre du Logement de Nicolas Sarkozy a refroidi la rumeur, son nom à peine évoqué : «J’ignore absolument tout», a-t-il déclaré à l’AFP, auprès de qui il a assuré n’avoir «aucun» contact avec l’entourage du Président. En septembre, interrogé sur l’hypothèse, il s’était d’ailleurs qualifié de «brave retraité». Qu’importe que les «bookies» anglais en fassent leur favori.
Voilà un adjectif que nous n’avions pas entendu longtemps, accolé à une personnalité politique qui s’est éloigné des cercles de pouvoir depuis certains temps, et utilisé par un responsable qu’on n’aurait pas soupçonné d’être enclin à s’en servir. «Disruptif», c’est donc l’adjectif qui définirait l’ancien ministre Jean-Louis Borloo, d’après Bruno Retailleau. Un cocktail qui détonne. Non seulement l’adjectif est estampillé «macronisme», mouvement pour lequel le ministre démissionnaire de l’Intérieur a multiplié les preuves de défiance à qui voulait l’entendre. Mais en plus est-il affublé à un homme politique qui, même s’il a été un ministre important sous Nicolas Sarkozy, incarne le centre. Si Bruno Retailleau se félicite que Jean-Louis Borloo ne soit «ni de gauche, ni macroniste», l’ancien ministre de l’Environnement n’embrasse pas précisément le profil droitier du Vendéen. Ce que n’a pas manqué de faire remarquer le député d’extrême droite Thomas Ménagé, soulignant dans un post sur X le soutien de l’ancien patron de l’UDI au droit de vote des étrangers ou son travail en faveur de plans d’investissement massif dans les banlieues défavorisées.
Roland Lescure, le ministre démissionnaire de l’Economie et des finances, a assuré depuis le Luxembourg où se tenait une réunion avec ses homologues européens, que la France aurait bien un budget 2026. Voilà pour le message aux Etats membres. En France, Bercy et Matignon ont été encore plus clairs en répondant aux questions du président de la commission des finances de l’Assemblée, Eric Coquerel. Selon le député (LFI), ils ont indiqué que si tout se déroulait comme prévu – avec un Premier ministre nommé demain- un conseil des ministres se tiendrait lundi afin de transmettre le projet de loi de finances pour l’an prochain en temps et en heure (et respecter le délai incompressible de 70 jours de débats). «Les services de Bercy sont en ordre de bataille pour lundi, mais cela reste toujours de l’ordre du conditionnel en fonction de l’évolution de la situation politique», indique un conseiller ministériel. Eric Coquerel dénonce un «passage en force». La commission des finances envisage d’auditionner mardi 14 octobre au matin Pierre Moscovici, le premier président de la cour des comptes également à la tête du haut conseil des finances publiques et mardi après-midi les ministres de Bercy qui seront en place.
Présent à la réunion de l’Eurogroupe au Luxembourg, où sont rassemblés les ministres des Finances et de l’Economie des Etats membres de la zone euro, Roland Lescure a assuré que, malgré la crise politique qu’elle traverse, la France aurait bien un budget 2026 et tiendrait ses engagements européens. Pour mémoire, le pays a obtenu de Bruxelles l’autorisation de décaler à 2029 la date fixée pour retourner à un déficit de 3 %.
Dans un entretien à Politico, Bruno Retailleau a continué de pilonner la taxe Zucman et son créateur : «Je n’avais jamais entendu parler de la taxe Zucman. Mais quand j’ai su que [son créateur] était Français, je me suis dit : bien sûr, il ne pouvait être que Français. […] Pour avoir une imagination fiscale à ce point débridée, il fallait être Français.» Et qu’importe pour le ministre démissionnaire de l’Intérieur que l’idée de l’économiste soit particulièrement populaire, qui ose : «Le rôle de l’homme politique, ce n’est pas uniquement de suivre les sondages.» Puis, reprenant la doxa libérale contraire à la hausse des impôts : «Dire aux Français que c’est en taxant les plus riches, 1 800 familles, qu’on va y arriver, c’est faux, c’est un mensonge.»
De la Révolution à Jacques Chirac en passant par la IIIe République… Le renvoi des députés devant leurs électeurs, dans l’espoir de rééquilibrer les pouvoirs, n’a fait qu’aggraver le problème. Ainsi, chacun peut s’interroger sur l’utilité ou l’opportunité de dissoudre à nouveau. Que nous enseigne notre histoire constitutionnelle ? A quoi sert la dissolution ? Quelles circonstances peuvent la justifier ? A lire ici, dans le Libé des historien·nes.
Sur le plateau de BFM, l’ancien garde des Sceaux a estimé qu’Emmanuel Macron devrait nommer un Premier ministre de gauche. «A droite, on a essayé avec Barnier, on a essayé au centre […] Il faut aller, de mon point de vue, à gauche», a-t-il déclaré.
Près de sept millions de téléspectateurs ont regardé l’interview du Premier ministre démissionnaire, Sébastien Lecornu, mercredi au JT de 20 heures de France 2, selon les chiffres de Médiamétrie. Ainsi, près d’un tiers des personnes devant leur poste de télévision à ce moment-là la regardait. Selon France 2, qui a salué un record «historique», il s’agit du plus grand nombre de téléspectateurs pour un de ses JT de 20 heures depuis trois ans. Début septembre, l’interview de François Bayrou, alors encore Premier ministre, au 20 heures de France 2 avait attiré 3,36 millions de téléspectateurs.
Patrick Kanner rectifie le tir. Ce jeudi matin sur franceinfo, le chef des sénateurs socialistes avait dit «Chiche !» pour répondre à la rumeur d’une nomination de Jean-Louis Borloo à Matignon. Quelques heures plus tard sur LCI, il a assuré que «c’était une boutade» prononcée «dans le monde burlesque dans lequel nous vivons». «Mon choix est clair : il faut être sérieux et je veux un Premier ministre de gauche», a-t-il expliqué, estimant que «le problème de M. Borloo, c’est qu’il n’est pas de gauche» et qu’il «portera une politique au mieux de centre-droit», a conclu Kanner.
Invitée sur le plateau de LCI à réagir quant à la perspective d’une suspension de la réforme des retraites, Sophie Binet voit la chose d’un bon œil, estimant qu’il s’agirait là d’une «première étape vers l’abrogation. Ça montre que certaines personnes ont compris que cette réforme était à l’origine de la crise démocratique», ajoute par ailleurs la cheffe de la CGT. «Il n’y aura pas de sortie de crise sans abrogation de la réforme des retraites […] nous sommes en position de force.»
La référence date de l’après dissolution du 9 juin 2024. Sébastien Lecornu estimait alors auprès de Bruno Le Maire que la France serait en train de devenir «le Liban sans le soleil». C’est L’Orient - Le Jour qui dépoussière l’anecdote, alors que l’ingouvernabilité française se fait de plus en plus évidente dans la presse étrangère. «Observer de Beyrouth le vaudeville français peut prêter à sourire, s’amuse le journal libanais francophone. Ou tout du moins susciter un sentiment de familiarité avec le sujet : composer avec un paysage politique où il n’y a ni vainqueurs ni vaincus, bâtir des coalitions contre-nature, les défaire et les refaire, essayer de s’accorder sur le plus petit dénominateur commun alors qu’il y a urgence… Les Libanais connaissent bien la tambouille. Les Français, un peu moins. Ils tentent différentes formules, proposent des alliances insensées, en vain.» Mais la comparaison s’arrête là. Non pas, écrit le journal, parce que les paysages français seraient particulièrement ensoleillés, mais parce que la France reste une des plus grandes puissances économiques mondiales et parce que, contrairement au Liban, elle n’est pas régulièrement bombardée par Israël.
Le message envoyé par Lecornu hier soir a visiblement été reçu 5/5 par le camp présidentiel. Une macronie qui met la pression sur Macron avant qu’il ne nomme son 8e Premier ministre depuis 2017. Comme la fidèle du Président, Aurore Bergé, porte-parole du gouvernement Lecornu sans avoir eu le temps d’en porter vraiment la parole. «Notre objectif est toujours le même : est-ce qu’on a oui ou non une coalition gouvernementale qui peut tenir dans une Assemblée fracturée ?», interroge-t-elle sur RTL avant de répondre elle-même à sa propre question : «On a, je crois, une coalition gouvernementale qui peut exister, celle qu’on a bâtie depuis un an.» Une «coalition» des perdants des législatives qui a démontré toutes ses limites avec la censure de Michel Barnier, la défiance envers François Bayrou puis la nomination-démission de Lecornu à cause des caprices de Bruno Retailleau. Mais Bergé y croit quand même, disant «espérer» que le «socle commun» ne soit pas du passé et vantant - défense de rire - «la stabilité». Retrouvez ici tous les articles de Chez Pol.
Reconduire Lecornu ? Appeler enfin la gauche à Matignon ? Choisir une autre personnalité ? Lancer de nouvelles consultations ? Accepter de remettre en débat la réforme des retraites ? Le président de la République, resté dans l’ombre depuis la démission surprise de son Premier ministre lundi, se retrouve en première ligne désormais, avec le défi d’éloigner une nouvelle dissolution, refusée selon Sébastien Lecornu par «une majorité absolue à l’Assemblée nationale». Mais, toutes les dernières crises politiques l’ont démontré, Emmanuel Macron aime surprendre. En attendant un - éventuel - dénouement, le chef de l’Etat préside ce jeudi la cérémonie d’entrée au Panthéon de Robert Badinter.
Si l’hypothèse de législatives anticipées s’éloigne après l’annonce de l’Elysée du choix d’un nouveau Premier ministre dans les 48 prochaines heures, les élus préparent leurs arrières. Lisez notre récit.
La secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a plaidé jeudi pour relancer le débat sur la retraite par points en cas de suspension de la réforme, mesure qui «vaut le coût» d’un point de vue démocratique, selon elle. «Je considère qu’un système de retraite construit autour d’un âge légal, c’est profondément injuste», a-t-elle affirmé sur BFM Business, en soulignant qu’«en 2027, dans le débat sur la présidentielle, la CFDT veut un retour du débat autour de la question de la retraite à la carte». «La retraite par points, qui avait été engagée en 2019, stoppée en 2020, c’est un système où il n’y a pas besoin d’âge légal» car «on prévoit des âges de possibilité de départ à la retraite et les personnes choisissent, elles ont la main sur l’âge auquel elles veulent partir et du montant de la pension dont elles veulent bénéficier», a fait valoir Marylise Léon.