En résumé :
- A la tête d’un nouveau gouvernement, Elisabeth Borne a prononcé sa déclaration de politique générale, sans solliciter la confiance des parlementaires. Elle a ensuite été invitée sur le plateau du 20 heures de TF1.
- Les oppositions ont répondu à la Première ministre lors d’un débat à l’Assemblée juste après son discours, a été lu au Sénat en parallèle par Bruno Le Maire.
- La gauche rassemblée au sein de la Nupes a déposé une motion de censure commune contre la Première ministre.
Comment ça, des caméras et des micros autour de nous ? En cette journée de déclaration de politique générale, Elisabeth Borne a été suivie de près par les journalistes. Dans une séquence savoureuse relayée par LCI, on l’aperçoit notamment marcher aux côtés du secrétaire d’Etat à la Mer, Hervé Berville. Sur le ton de la confidence, ce dernier évoque quelques difficultés rencontrées avec son directeur de cabinet. Clémente, on entend la Premier ministre lui souffler : «Tu peux le prendre, honnêtement. C’est pas un méchant». Ce à quoi le secrétaire d’Etat réplique, moqueur : «Ce n’est pas un foudre de guerre». En riant, Berville reconnaît alors être «en bas de la chaîne alimentaire» gouvernementale, devant une Première ministre hilare. Une pensée pour le «dir’ cab» en question qui sera certainement ravi de le savoir.
[Message de service] Le nouveau ministre de la Mer @HerveBerville semble galérer avec son futur Dir’cab qui n’est « pas un foudre de guerre » parce qu’il confie (en riant) à la Premiere ministre qu’il est «en bas de la chaîne alimentaire» gouvernementale. pic.twitter.com/5EyZhbEiHG
— Paul Larrouturou (@PaulLarrouturou) July 6, 2022
Mathilde Panot se défend après une polémique à l’Assemblée. Lors de son discours en réaction à la déclaration de politique générale ce mercredi après-midi, la présidente du groupe LFI au Palais-Bourbon a qualifié Elisabeth Borne de «rescapée». L’insoumise ajoutant une longue liste de critiques : «Vous êtes la Première ministre la moins bien élue de la Ve République […] Le camouflet électoral des législatives porte votre nom, mais vous voilà toujours là». Mathilde Panot est la cible de réprimandes de la part de certains sur les réseaux sociaux, le père de la Première ministre ayant survécu aux camps de concentration d’Auschwitz et de Buchenwald. La député LFI du Val-de-Marne précise sa pensée sur Twitter : «J’employais le mot dans le sens ‘‘sauvée de justesse par la Macronie’’. Aucune référence à sa terrible histoire familiale», écrit-elle ce mercredi soir.
Malhonnête. J’employais le mot dans le sens « sauvée de justesse par la Macronie ». Aucune référence à sa terrible histoire familiale. https://t.co/ZjnOPoyG4R
— Mathilde Panot (@MathildePanot) July 6, 2022
Au tour des sociétés de cracher au bassinet, selon Borne. «J’invite les entreprises qui le peuvent financièrement à augmenter les salaires ou à mobiliser ces primes de pouvoir d’achat», a affirmé la cheffe du gouvernement sur TF1. «Le gouvernement agit» face à l’inflation mais «il faut aussi que les entreprises prennent leurs responsabilités», a ajouté Elisabeth Borne. «Celles qui ont des marges financières, il faut qu’elles augmentent leurs salariés» notamment via «des primes exceptionnelles» défiscalisées, a-t-elle ajouté, soulignant que le projet de loi sur le pouvoir d’achat permettrait aux entreprises «de tripler le plafond de ces primes».
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Sur les retraites, le dossier «n’est pas ficelé». Interrogée par le présentateur Gilles Bouleau sur l’âge légal du départ à la retraite, la Première ministre a esquivé : «Je ne l’ai pas dit parce que […] le projet n’est pas ficelé». Elle assure toutefois avoir comme objectif «d’augmenter les pensions», évoquant un minimum mensuel à 1 100 euros. Elle prévient toutefois que la réforme ne peut être «uniforme». «Les métiers sont différents, il faut en tenir compte», justifie-t-elle. De même pour les usures professionnelles de certains métiers, les carrières longues dans d’autres cas… «Tous ces sujets vont faire l’objet d’une concertation avec les organisations syndicales et patronales. Et puis, le plus en amont possible, avec les parlementaires», conclut-elle.
Elisabeth Borne regrette le chahut pendant sa déclaration à l’Assemblée. «La tonalité cet après-midi a montré que certains groupes pouvaient être dans la discussion et d’autres étaient dans les attaques personnelles», a commenté la Première ministre sur TF1, après son discours de politique générale cet après-midi devant les députés dans une ambiance houleuse. Et celle-ci de préciser : «Le Rassemblement national et La France insoumise ne sont, effectivement, pas dans la construction.
Malgré la reprise du Covid, pas de masque obligatoire au programme. «L’épidémie repart et j’appelle chacun à la vigilance», souligne Elisabeth Borne. Mais en dépit de la vive circulation actuelle du virus, pas question pour la Première ministre d’emboiter le pas de Christian Estrosi, le maire de Nice qui a décidé de réinstaurer cette protection dans les transports : «Nous n’avons pas l’intention d’avoir une mesure nationale d’obligation. Les Français connaissent déjà les bons gestes. Quand on est dans un espace fermé et qu’il y a du monde, comme dans les transports, il faut porter son masque».
Elisabeth Borne défend la reprise en main d’EDF par l’Etat. «Cette entreprise a un rôle stratégique face aux défis aujourd’hui, avec la transition écologique et la guerre en Ukraine», pointe la Première ministre au journal de 20 heures de TF1 ce mercredi soir. «L’Etat a l’intention de contrôler 100 % du capitale EDF, pour avoir le plein contrôle de l’entreprise et se donner les marges financières pour accomplir les investissements nécessaires».
Analyse
Déclaration de Borne : la hausse des salaires «même pas évoquée», regrettent CGT et FO. La CGT et FO ont déploré dans des communiqués distincts que la Première ministre Elisabeth Borne n’ait pas évoqué la question de la hausse des salaires dans son discours de politique générale à l’Assemblée mercredi. «Sur le pouvoir d’achat […] la question des hausses de salaire n’a même pas été évoquée, et la politique de chèques va de nouveau être la priorité», les travailleurs étant renvoyés à la «négociation d’entreprise», a fustigé la CGT dans son communiqué. «FO souligne que les mesures annoncées sur le pouvoir d’achat contournent soigneusement la question de l’augmentation des salaires», a pour sa part écrit Force ouvrière.
.@Elisabeth_Borne: "On passe notre temps à répondre à des questions cons !"
— Bastien Augey (@AugeyBastien) July 6, 2022
À votre service Madame la Première ministre ! 😉 pic.twitter.com/fRPN5YTxD9
Après les présidents de groupe, Borne reprend la parole. Plus de trois heures après son discours, et après les réactions de chaque président des groupes parlementaires, la Première ministre a conclut un «débat riche, nourri, parfois équilibré, parfois un peu caricatural», a déclaré Borne. «Mais [ce débat] atteste une chose à laquelle je crois profondément : nous sommes ici dans le cœur vivant de notre démocratie». La cheffe du gouvernement a poursuivi : «Il y a des groupes qui persistent à privilégier les attaques personnelles et l’invective sur le dialogue. Sur la majorité de ces bancs, j’ai quand même décelé des points de convergence». Et Borne de citer le pouvoir d’achat, les services publics ou la sécurité. La Première ministre a ensuite répondu aux oppositions. D’abord à la droite : «Qui peut penser un instant que la réduction du nombre de fonctionnaires nous permettra de dégager des gages pour tous les abandons de recettes que vous proposez ?», a-t-elle lancé à destination d’Olivier Marleix. Au RN ensuite, Borne fustigeant avec ironie les «propos si nuancés» de Le Pen. «Je distingue bien vos nombreux ennemis, mais où sont vos propositions», a questionné Borne, renvoyant la patronne par intérim du RN à ses «obsessions». La locataire de Matignon a également dénoncé les «invectives» de la présidente du groupe LFI et celui du groupe écologiste Julien Bayou.
«Bâtir ensemble» : devant l’Assemblée, Elisabeth Borne se lance sur le chemin du «compromis» permanent. L’exercice devait permettre de fixer sa «feuille de route» et d’affirmer sa «volonté de réformer», disait un ministre juste avant la déclaration de politique générale d’Elisabeth Borne. Après un remaniement sans souffle, lundi, et 47 jours après sa nomination à Matignon, la Première ministre s’est présentée mercredi devant une Assemblée nationale où elle s’est fait chahuter sans jamais dévier. Un discours ponctué de rares annonces, comme la nationalisation d’EDF mais un appel insistant au «compromis». Retrouvez l’analyse de Libération ici.
André Chassaigne fustige un président sans mandat. «Vous n’avez pas dans cet hémicycle l’Assemblée que vous espériez». A la tribune, c’est au tour du communiste André Chassaigne de prendre la parole. Le député du Puy-de-Dôme, pilier du Palais-Bourbon, a estimé que «l’hypertrophie présidentielle a vécu». Selon lui, Emmanuel Macron «n’a pas de mandat pour imposer son agenda politique». Il dit aussi : «L’heure n’est plus au mépris, au passage en force, à l’humiliation du Parlement». Et l’élu Auvergnat de se réjouir : «La démocratie enfin retrouve des couleurs». A son tour, Chassaigne a regretté que la Première ministre ne se soumette pas à un vote de confiance des députés.
A la tribune le président du groupe socialiste, Boris Vallaud, évoque un moment «inquiétant». «Les Français ne vous font plus confiance et ils ne font plus confiance au président de la République dont ils ne veulent pas de son programme», a estimé le député des Landes. Devant les députés, il a listé les principales réformes adoptées durant le quinquennat précédent et sur lesquelles les députés PS se sont opposés, comme l’assurance chômage, la loi asile et immigration ou la réforme des retraites. «Madame la Première ministre, convenez-en avec nous : nous n’avons pas été élu pour donner au président de la République la majorité que les Français lui ont refusé», a-t-il lancé en regardant Élisabeth Borne. «Il va falloir écouter, entendre, renoncer à beaucoup de vos projets», a également adressé le socialiste à la majorité. Le député des Landes s’est également lancé dans une longue tirade sur l’héritage de l’extrême droite. «Ce que la France a fait de bon dans son histoire, elle l’a fait le plus souvent sans vous et le plus souvent, elle l’a fait contre vous !»
Gagner… bataille… climat… non à la #décroissance…
— Delphine Batho (@delphinebatho) July 6, 2022
Cherchez l’oxymore ! https://t.co/iZHaZ3J1yP
Quelques signes d’ouverture du côté du groupe LR. Il n’a pas été le plus spectaculaire des orateurs, mais peut-être celui qu’Elisabeth Borne aura écouté avec le plus d’attention. A la tête du stratégique groupe LR, Olivier Marleix l’a de nouveau campé dans l’opposition, mais envoyé plus de signaux d’ouverture que ses prédécesseurs à la tribune, Marine Le Pen pour le RN et Mathilde Panot pour LFI. «Nous n’avons pas l’intention de toute paralyser […] Nous sommes prêts à voter tous les textes qui iront dans le sens du sursaut national», a-t-il indiqué. Charge au gouvernement, bien sûr, d’y intégrer les priorités de la droite : peines minimales, plafonnement de l’immigration, expulsion des étrangers radicalisés, baisse des impôts, strict maîtrise des dépenses publiques… A cet égard, le discours d’Elisabeth Borne n’a pas donné beaucoup de grains à moudre aux députés LR. Si elle est parfois allée dans leur sens, par exemple sur les questions budgétaires, elle ne s’est engagée dans le détail que sur une poignée de leurs idées, comme la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé ou la baisse des cotisations des indépendants. Sur la réforme des retraites, l’esprit de son propos est compatible avec le projet LR, mais l’accord se jouera sur des détails dont elle n’a rien dit. La droite, c’est sûr, en voudra plus.
François Ruffin : «Elisabeth Borne nous endort, il faut se réveiller». Le député insoumis de la Somme prend la parole au micro de BFMTV juste après la prise de parole de la Première ministre. Son discours de politique générale, estime Ruffin, était «d’une grande violence». Il explique : «On est dans un temps de gavage : les 500 grandes fortunes françaises viennent de dépasser les 1 000 milliards d’euros et Madame Borne ne prononce pas les mots profit et bénéfice». Selon lui, «elle propose des miettes alors que les Français se demandent comment ils vont remplir leur frigo et mettre de l’essence dans leur voiture».
Analyse Chez Pol.
Panot (LFI) et Le Pen (RN) auront donc bien été soigneusement mises de côté (avec un gros signe égal sous-entendu entre elles) et au ban de "l'arc républicain" par la Première ministre, qui a cité tous les autres président(e)s de groupes en quête de majorités au coup par coup
— Etienne Baldit (@EtienneBaldit) July 6, 2022
Après Le Pen, Mathilde Panot dénonce la «fuite» du gouvernement. A la tribune, la présidente du groupe LFI a vivement critiqué la déclaration de politique générale d’Elisabeth Borne. «Le Président a été élu sans mandat, voici venue sa Première ministre sans confiance», a fustigé la députée du Val de Marne, pour qui «ce mercredi 6 juillet est une date à marquer d’une pierre noire pour la démocratie». «Vous avez été battus aux élections législatives. […] Mais vous ne faites comme si ne rien n’était», a-t-elle encore grincé, critiquant au passage le choix de la locataire de Matignon de ne pas se soumettre à un vote de confiance. «Vous avez choisi la fuite», dit Panot. Et de tonner : «Votre pouvoir est en voie de décomposition». Selon elle, Macron «n’a pas été élu par l’adhésion à son projet mais face à l’extrême droite». Le chef de l’Etat, pour autant, «ne veut rien lâcher de son programme impopulaire». «Il va falloir vous y faire, a enfin mis en garde Panot. Vous n’êtes plus le centre de gravité de la vie politique».
Salle des Quatre-Colonnes, les petits nouveaux débriefent ce premier grand rendez-vous de la législature. En bonne macroniste, la députée LREM de Marseille Sabrina Agrest-Roubache, tout juste nommée porte-parole du groupe Renaissance a trouvé le discours d’Elisabeth Borne «super». «Elle a su montrer le cap vers lequel on compte aller et dire qu’on avait les bras ouverts vers des compromis», se félicite-t-elle. La Marseillaise ne s’attendait pas en revanche à autant entendre la gauche pendant le discours. «Ils sont bruyants, je les appelle le groupe Doliprane», s’amuse-y-elle.
Pour Jean-Luc Mélenchon, c’est un «jour historique». Le chef de file des Insoumis et de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) estime sur BFMTV que le discours d’Elisabeth Borne, «c’est celui de Macron à Aubervilliers en mars dernier. Comme s’il ne s’était rien passé» entretemps avec les législatives. Mélenchon, qui n’est plus député mais continue de s’exprimer au nom de la Nupes, parle d’un «gouvernement de fait». «Et bien nous le refusons, car nous n’avons pas été élus pour faire des compromis avec Elisabeth Borne», enchaîne-t-il. Puis de prophétiser : «C’est une situation exceptionnelle, ça ne passera pas crème».