En résumé :
- Après avoir démissionné lundi matin, Sébastien Lecornu s’est vu charger par Emmanuel Macron «d’ultimes négociations» avant mercredi soir. D’ici là, l’éphémère Premier ministre convie à Matignon toutes les formations politiques.
- Le chef du gouvernement démissionnaire a réuni ce mardi les responsables de Renaissance, d’Horizons, du Modem et de LR, ainsi que les présidents des deux Chambres, Yäel Braun-Pivet et Gérard Larcher. Il doit voir les autres partis mercredi, avant le terme des quarante-huit heures fixées par Emmanuel Macron.
- Le chef de l’Etat pour sa part est désormais sous pression. En cas d’échec des discussions, le Président «prendra ses responsabilités», a prévenu son entourage, laissant la porte ouverte à une nouvelle dissolution. Plusieurs formations, et notamment son ex-Premier ministre Edouard Philippe, poussent pour une démission.
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Flagellé par deux de ses anciens Premiers ministres, à bout d’oxygène politique, le chef de l’Etat doit choisir entre de lourdes concessions à la gauche et de nouvelles législatives anticipées, potentiellement ravageuses pour son camp. Notre article :
Lâché par Gabriel Attal, invité à la démission par Edouard Philippe, bousculé par LR… Le Président, qui a donné jusqu’à ce mercredi 8 octobre à Sébastien Lecornu pour sauver la situation, n’a jamais été aussi isolé. Retrouvez l’éditorial de Paul Quinio :
Le Premier ministre démissionnaire a prévenu mardi le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, que si Les Républicains refusaient une «entente» avec la macronie, il y aurait soit la nomination d’un Premier ministre «de gauche» soit une dissolution, leur donnant jusqu’à mercredi soir pour répondre. «Leur interrogation, c’est de savoir si après la position de Bruno Retailleau» qui a fait voler en éclats dimanche le gouvernement de Sébastien Lecornu, «on est toujours dans cette logique d’entente avec la macronie», a expliqué Wauquiez aux députés LR lors d’une réunion de groupe en visio, a indiqué un participant à l’AFP.
Le patron de Place publique et eurodéputé Raphaël Glucksmann a déclaré mardi que la suspension de la réforme des retraites devenait «possible», après avoir rencontré le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu ce mardi soir. «La suspension de la réforme des retraites, c’était impossible il y a quelques jours encore, aujourd’hui ça devient possible», a-t-il déclaré à sa sortie de Matignon. «Il y a un chemin, peut-être, pour obtenir cette suspension. C’est le sens d’une interview qui a été donnée» par l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne «et c’est aussi ce qui nous a été dit dans le bureau», a-t-il ajouté, en précisant que Sébastien Lecornu avait «ouvert la porte» mais que cela demandait à être «précisé».
Invité au 20 heures de France 2 ce mardi, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a mis de côté la perspective d’une alliance avec LFI, qui pousse en faveur d’un départ d’Emmanuel Macron et qui a déposé une motion de destitution, en cas de dissolution et de législatives anticipées. «Nous présenterons des candidats avec toutes celles et ceux qui veulent gouverner, pas simplement faire démissionner le chef de l’Etat. Ça, c’est La France insoumise qui a une seule obsession», a-t-il affirmé. A l’inverse des insoumis qui réclament aussi une dissolution, Olivier Faure a souligné que «l’objectif n’est pas d’aller vers une dissolution, c’est d’aller vers une cohabitation et d’aller vers des solutions pour les Français». A la question d’un éventuel gouvernement constitué des forces de gauche, dont le PS et LFI, le socialiste a également répondu : «LFI ne veut pas gouverner avec nous, donc la question est close.»
Après avoir dit ce matin sur RTL qu’Emmanuel Macron «s’honorerait à proposer un Premier ministre de fonction pour gérer les affaires courantes avant d’annoncer une élection anticipée», l’ex-Premier ministre Edouard Philippe enfonce le clou ce soir dans le Figaro : le Président peut selon lui «opter pour un processus ordonné, digne, en annonçant qu’il démissionnera, dans un tempo qui lui appartient, une fois le budget adopté». Rappelant que «depuis la dissolution de 2024, qu’il a décidée souverainement, nous avons épuisé trois premiers ministres et vécu sous l’emprise de gouvernements démissionnaires pendant plusieurs mois», le maire du Havre appelle le chef de l’Etat à rapidement prendre la parole : «Dans le passé, il s’est beaucoup exprimé, y compris sur des sujets dont la trivialité pouvait laisser songeur. Nous sommes aujourd’hui dans une crise politique gravissime. Il va falloir qu’il s’exprime.» Le patron d’Horizons précise également qu’il jugerait «curieux» le choix d’un premier ministre de gauche et rejette une nouvelle dissolution : «La crise deviendrait alors d’une gravité aiguë.»
Le président des Républicains était l’invité de France 2 ce mardi soir. Sur le plateau du 20 heures, le ministre démissionnaire de l’Intérieur a entretenu le flou sur sa position au sujet d’un départ anticipé d’Emmanuel Macron de la présidence de la République. «Cette démission, c’est la décision d’Emmanuel Macron, a-t-il déclaré mais, évidemment, lorsqu’il y a un blocage, il appartient au peuple, de donner sa parole.» Le locataire de la place Beauvau a également assuré qu’il ne reviendrait «certainement pas» dans un gouvernement dirigé par un «homme de gauche» ou «un macroniste».
La porte-parole démissionnaire du gouvernement démissionnaire Aurore Bergé a déclaré mardi sur BFM TV que le pas encore démissionnaire Emmanuel Macron resterait président «jusqu’à la dernière minute de son mandat», alors que les appels à son départ se multiplient. «Il n’y a pas de mandat révocatoire dans la Constitution française» donc «la question de la démission n’existe pas», a-t-elle tranché. «Je ne veux pas qu’on attaque l’institution que représente le président de la République», a ajouté cette fidèle macroniste, alors qu’elle était interrogée sur les propos de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui a lancé une bombe mardi matin en demandant l’organisation d’une élection présidentielle anticipée.
Dans le Parisien, l’ex-Première ministre Elisabeth Borne se dit favorable à une «suspension» de sa réforme des retraites, point de blocage avec la gauche qui ne doit pas devenir un «totem» selon elle : «Si c’est la condition de la stabilité du pays, on doit examiner les modalités et les conséquences concrètes d’une suspension jusqu’au débat qui devra se tenir lors de la prochaine élection présidentielle.» Cherchant visiblement à éviter une dissolution qui «risquerait d’empirer les choses» («On partirait en aquaplaning !» s’exclame-t-elle), elle propose pour Matignon d’«aller chercher une personnalité de la société civile» pour «apaiser les choses». Plus tard dans la soirée, on apprenait que Sébastien Lecornu avait demandé à Bercy ce que coûterait la réforme des retraites.
Qu’il est bon d’être regardé. Partout au sommet de l’Europe, on scrute la situation en France, affirme Christine Lagarde. «Je pense que toutes les instances européennes regardent attentivement l’évolution actuelle et espèrent vivement que des chemins seront trouvés pour respecter les engagements internationaux, notamment en matière de soumission de budgets», a avancé la présidente de la Banque centrale européenne, interrogée sur le sujet lors d’un événement à Paris organisé par Business France.
La députée de l’Ariège Martine Froger, jusqu’ici membre du groupe centriste indépendant Liot, a annoncé mardi avoir rejoint les socialistes à l’Assemblée nationale. Le groupe PS est désormais fort de 69 députés, soit seulement deux de moins que La France insoumise, première formation de gauche au Palais Bourbon. Candidate socialiste dissidente lors d’une élection législative partielle en 2023, Martine Froger, opposée à l’accord de la Nupes, avait été soutenue par le PS local contre l’avis de la direction du parti qui avait apporté son soutien à une insoumise. Elle l’avait finalement emporté, tout comme en 2024, et avait décidé de siéger dans le groupe Liot tant que le PS n’aurait pas pris ses distances avec LFI.
L’explosion du socle commun et la rivalité Retailleau-Wauquiez poussent à relativiser les querelles de l’ex-NFP. Retrouvez le billet de Jonathan Bouchet-Pertersen.
Alors que le Canard enchaîné croit savoir que les préfectures ont été sommées en off de se tenir prêtes pour des élections législatives qui seraient organisées les 16 et 23 novembre, Libération a pu échanger avec une préfecture anonyme qui indique qu’elle ne peut confirmer «des consignes qui seraient officieuses» mais précise : «Les préfectures sont toujours prêtes à organiser des élections, quelles qu’elles soient. Cela signifie notamment d’avoir le stock matériel et les procédures à jour.» Etaient-elles prévenues en 2024, lors de la dissolution ? «Non», répond la même source, qui ajoute néanmoins que les préfectures doivent avoir «une élection d’avance au minimum pour être prêtes à toute éventualité».
Le chef de l’Etat a reçu le président du Sénat Gérard Larcher ce mardi. Alors qu’Emmanuel Macron a déjà reçu Yael Braun-Pivet dans la journée, cette rencontre renforce l’hypothèse d’une dissolution à venir puisque, d’après la Constitution, le Président ne peut dissoudre l’Assemblée qu’après avoir consulté le Premier ministre et les présidents des deux chambres.
Dans son édition du mercredi 8 octobre, le Canard enchaîné croit savoir qu’Emmanuel Macron n’envisage absolument pas de démissionner. En cas d’échec des négociations menées par le Premier ministre démissionnaire, Sébastien Lecornu, c’est donc l’hypothèse de la dissolution qui aurait les faveurs du Président de la République. Toujours selon le Canard enchaîné, les préfets auraient déjà reçu une «consigne officieuse de se tenir prêts à organiser des élections législatives les 16 et 23 novembre».
L’appel à une démission planifiée d’Emmanuel Macron lancé ce matin par son ancien Premier ministre Edouard Philippe «rapproche» La France insoumise de «son objectif», à savoir le départ du chef de l’Etat, a estimé Jean-Luc Mélenchon auprès de l’AFP. «Notre cible, c’est le président de la République. Et pour l’instant, nous nous rapprochons de l’objectif qu’on s’est donné, à savoir son départ», a indiqué le fondateur de LFI. «Plus personne dans cette partie ne fait autre chose que de jouer sa propre trajectoire. Edouard Philippe veut être candidat à la présidentielle. Hier soir, c’est Gabriel Attal qui a envoyé balader le président. Adieu le parti qui est le sien… Ca ne va pas s’arranger pour Emmanuel Macron. Chaque heure qui passe l’use», a ajouté le triple candidat à la présidentielle.
L’ancien ministre de l’Economie et des Finances Eric Lombard, remplacé à Bercy par le ministre démissionnaire Roland Lescure, a estimé qu’un «dialogue sincère», au-delà des «postures personnelles ou politiciennes», pourrait permettre l’adoption d’un budget pour 2026, actuellement dans l’impasse. Dans une lettre adressée aux agents de Bercy à l’occasion de son départ, Lombard a souligné que le dialogue avec les forces politiques lui avait permis, avec sa collègue des Comptes publics Amélie de Montchalin, de faire voter un budget 2025 à la mi-février.
La réunion de groupe hebdomadaire du groupe Les Républicains (LR) a tourné au grand déballage mardi matin. Le patron du groupe, Laurent Wauquiez, a rappelé qu’il n’était pas favorable à une participation du gouvernement. Auprès de ses troupes, il a jugé que l’épisode de dimanche a «abîmé» l’image du parti. Chez les députés, les avis étaient partagés. Les uns ont jugé que le «moment de la rupture» était venu. D’autres ont estimé que Bruno Retailleau, le boss du parti, porte la responsabilité de l’instabilité. Certains lui ont donné raison, estimant que le «pire» aurait été d’être «censuré avec Bruno Le Maire». Face à ses troupes, Retailleau a jugé que sans participation de LR, il n’y aurait pas eu de gouvernement. Le Vendéen a aussi rappelé que la «page» du socle commun «était tournée».