En résumé :
- François Bayrou a tenu une conférence de presse ce mardi 15 juillet, pour dévoiler les grandes orientations du budget 2026. Un casse-tête financier et politique visant près de 44 milliards d’économies face au «piège mortel» de la dette. Objectif : ramener le déficit à 4,6 % du PIB l’an prochain, contre 5,8 % en 2024.
- A gauche comme à l’extrême droite, les différentes formations politiques menacent de censurer le chef du gouvernement - dont le «socle commun» s’effrite - lors du débat sur le projet de loi de finances 2026 au Parlement cet automne.
A la Une mercredi. «Rigueur budgétaire : Bayrou bille en dette.» C’est la une de Libération ce mercredi. Suppression de deux jours fériés, négociation sur l’assurance chomâge, «année blanche», mise à contribution des retraités… le Premier ministre n’a pas fait dans la dentelle pour trouver 43,8 milliards pour le budget 2026.
Budget 2026 : en annonçant la douloureuse, François Bayrou semble prendre son pied. Le Premier ministre a présenté ce mardi 15 juillet son plan tant attendu pour trouver 43,8 milliards d’euros en perspective du budget 2026. Un «moment de vérité» où le Béarnais est paru très détaché. L’édito de Paul Quinio.
Censure ou pas ? Après les annonces de François Bayrou sur le budget, le PS étrille le gouvernement. Le Parti socialiste, qui avait décidé de ne pas censurer a priori le gouvernement, dénonce «l’effort budgétaire» détaillé par le Premier ministre. Philippe Brun est formel : rien dans l’allocution de Bayrou sur le budget 2026 de ce mardi 15 juillet ne l’a convaincu. «Le compte n’y est pas», affirme le député socialiste de l’Eure, jugeant «inacceptables» les pistes avancées par le Premier ministre. Lire notre compilation des réactions à gauche.
François Bayrou veut une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Revoilà une vieille obsession des gouvernements qui se sont succédé ces huit dernières années : les règles d’indemnisation du chômage, accusées ce mardi par le Premier ministre d’être responsables de «l’absence de reprise d’emploi». Deux réformes se sont pourtant succédé, en 2021 et 2023, qui ont durci les conditions d’affiliation, le montant de l’indemnisation et la durée des droits. Sans aucun effet tangible sur le taux d’emploi, mais avec des effets négatifs avérés sur la précarité des personnes qu’elles ont visées. Notre analyse ci-dessous.
Budget
Les collectivités s’indignent de mesures drastiques. Des économies «inacceptables pour l’ensemble des élus locaux», s’est insurgé André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL), qui défend les intérêts financiers des collectivités. Si ces propositions étaient «maintenues, nous serions conduits à en appeler au Parlement pour refuser ce budget», a averti celui qui est également premier vice-président délégué de l’Association des maires de France (AMF). Il craint que la facture soit en réalité plus salée pour les collectivités. «A l’arrivée, leurs 5,3 milliards seront probablement 9 milliards. Il faut penser aux baisses de beaucoup de budgets qui concernent les territoires : les budgets de la culture, la ville, les sports, l’aménagement du territoire», a-t-il énuméré. «C’est plus que les efforts que devra faire l’État dans ses dépenses de fonctionnement», évalués à 4,8 milliards d’euros, a relevé pour sa part Nicolas Lacroix, représentant l’Assemblée des départements de France à la présentation du Premier ministre.
Avec son plan d’économies, Bayrou mécontente tout le monde… et assume. François Bayrou a fait ce mardi de sa grand-messe budgétaire une ode à la prise de risque. «Le gouvernement n’a pas de majorité, il arrive que ses soutiens ne soient pas totalement convaincus, tout concourt au fatalisme à ce qu’on ne fasse rien», a-t-il dépeint. Qu’à cela ne tienne : le Premier ministre fonce vers l’échafaud parlementaire, embarquant avec lui son gouvernement qui se sait «parfaitement à la merci de ses oppositions et, ici et là, des doutes de ses soutiens». Notre analyse ci-dessous.
Analyse
L’abattement forfaitaire pour les retraités sera de 2 000 euros par an, selon Lombard. L’année blanche, une hausse d’impôt non dite ? «Pas d’impôt nouveau, rétorque Eric Lombard. Mais on veut être équitable. La contribution des personnes qui sont mieux rémunérées, si elles sont augmentées, cette augmentation peut les faire changer de tranche fiscale.» Le ministre en profite pour émettre une précision concernant une annonce de Bayrou. Le Premier ministre a dit entendre réformer l’exemption fiscale pour frais professionnels des retraités. Ils bénéficient actuellement d’un abattement de 10%, qui sera transformé en forfait annuel dans le but de mettre à contribution les retraites les plus importantes. «Le Premier ministre a omis de le dire dans son discours. On va transformer la déduction de 10% des revenus en une déduction de 2 000 euros pour tout le monde», précise Eric Lombard.
Lire aussi
«Il y a évidemment des marges de négociations», affirme Eric Lombard. Venu faire le service après-vente des annonces de François Bayrou au 20 heures de France 2, le Ministre de l’Economie a martelé la nécessité «réduire nos déficits afin de stabiliser la dette», en assurant qu’il y aurait «évidemment des marges de négociations». Il a aussi explicité pourquoi il y aurait «des mesures qui vont nous permettre de travailler plus, sans gagner plus». Le Français «en moyenne travaille 100 heures de moins que notre voisin allemand. Il faut que notre production remonte. Deux jours de travail, je sais que c’est un sacrifice pour les Français, c’est une façon de produire plus et de participer à cet effort général», affirme le ministre de l’Economie.
2026, «une année noire», fustige François Ruffin. L’ancien affilié de La France Insoumise et leader du parti Debout a lui aussi blâmé les annonces du Premier ministre. «C’est une année noire qu’annonce Bayrou. Budgets gelés, malades ciblés, patrimoine de l’État soldé, retraités visés, précaires fragilisés, jours fériés sacrifiés... Mais quoi sur les dividendes records ? Les grandes fortunes ? Les Gafam ? Rien, se désole Ruffin. Pas d’effort acceptable sans justice (...). Ce sera la censure bien sûr».
Les entreprises applaudissent les annonces de Bayrou. Des porte-voix du patronat français ont salué les annonces du Premier ministre, notamment sur les choix d’économies et l’accent mis sur le «travailler plus». Le patron de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Amir Reza-Tofighi, a dit avoir entendu «des mesures assez courageuses» de la part du gouvernement, citant la limitation de la dépense publique. «La vision qui est donnée est bonne», a-t-il poursuivi, «mais beaucoup de questions se posent encore». L’Association française des entreprises privées (Afep), qui réunit les 117 plus grandes entreprises françaises, a retenu des annonces «en phase» avec ses priorités. L’influent lobby patronal a évoqué «la visibilité sur une trajectoire des finances publiques sur plusieurs années», pour les entreprises, les ménages et les investisseurs, ainsi que l’augmentation de «la quantité de travail pour plus produire en France et ainsi réduire nos dépendances».
Le gouvernement veut 3 000 postes publics en moins dès 2026. François Bayrou souhaite 3 000 emplois publics en moins à partir de l’année prochaine. Une baisse marginale au regard des 5,8 millions d’agents publics que compte la France, mais qui mettrait fin à l’augmentation constante des effectifs depuis 2018. «Cet effort sera inscrit dans la durée», a promis le Premier ministre, et se ferait via «une règle que nous fixons pour les années qui viennent», celle du «non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite».
Lire aussi
Les principales annonces de François Bayrou sur le budget. Le Premier ministre a dévoilé ce mardi 15 juillet ses propositions pour réduire le déficit de près de «44 milliards d’euros» dans le prochain projet de loi de finance, qui doit encore être débattu par le Parlement à l’automne.
En résumé
Les associations s’alarment des conséquences possibles «d’une année blanche». L’«année blanche» sur les prestations sociales, annoncée par François Bayrou, est une «catastrophe» pour les ménages les plus modestes, ont réagi ce mardi des associations de lutte contre la précarité. «C’est le scénario catastrophe qu’on craignait», a notamment indiqué le directeur de l’ex-Fondation abbé Pierre, Manuel Domergue. C’est un effort qui va peser sur les ménages modestes qui en ont le plus besoin.» De son côté, Delphine Rouilleault, présidente du collectif Alerte qui réunit 37 associations de lutte contre la pauvreté, rappelle que l’Insee a annoncé «la semaine dernière que la France avait atteint un taux de pauvreté record». Mais «la seule réponse que le Premier ministre apporte, c’est d’aggraver la situation des personnes les plus fragiles dans notre pays», fustige-t-elle.
Marine Tondelier fustige un budget de «la honte». Nouvelle réaction politique, cette fois venue de d’Europe Ecologie les Verts. Dans un message publié sur X, la secrétaire nationale du parti pointe du doigt «7 ans de macronisme, plus de 1 000 milliards d’euros de dette et la multiplication des cadeaux aux ultra-riches». Résultat selon elle : les Français doivent maintenant «payer la note du gâchis macroniste». Et ce sont les «services publics, la santé, les retraites, les travailleur•euses et l’écologie» qui doivent trinquer.
Supprimer le 8 mai, «jour de la victoire contre le nazisme», serait «très grave», dénonce Binet. Après les annonces par le Premier ministre des mesures d’économies envisagées en 2026, la leader de la CGT estime que supprimer ce jour férié - jour qui marque la fin de la guerre en Europe et la capitulation de l’Allemagne nazie - est «extrêmement grave». D’autant plus «que l’extrême droite est aux portes du pouvoir», précise-t-elle. «Le Général de Gaulle a supprimé le 8 mai férié et il me semble qu’il était plutôt investi dans la victoire contre le nazisme», a pour sa part ironisé sur X le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad.
Boris Vallaud critique un «budget brutal et inacceptable». Les réactions politiques continuent d’affluer sur X à la suite du discours du Premier ministre. Après Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, le chef des députés PS a également rejeté ce plan d’économie de 44 milliards d’euros qui consiste à «demander toujours plus à ceux qui ont peu… et si peu à ceux qui ont beaucoup», dénonce-t-il. Une mesure «ni sérieuse, ni efficace, ni juste».
Marine Le Pen menace de censurer Bayrou «s’il ne revoit pas sa copie». Dans un message publié sur X, la cheffe de file des députés RN déplore «qu’après sept années de gabegie catastrophique», «Emmanuel Macron et François Bayrou sont incapables de faire de vraies économies et présentent une énième facture aux Français». Elle le résume comme un plan de près de «vingt milliards d’euros et de privations», qui ne fait aucune annonce «sur le sur le coût de l’immigration, les subventions aux énergies intermittentes hors contrôle» ou la contribution à l’Union européenne. «Si François Bayrou ne revoit pas sa copie, nous le censurerons», a-t-elle menacé.
Jean-Luc Mélenchon critique «l’absurdité de la politique macroniste». Le patron des insoumis a fustigé sur X le gouvernement Bayrou, qu’il accuse de vouloir «détruire l’Etat et les services publics pour ouvrir l’espace au marché» et «faire payer le grand nombre pour épargner les très riches.» Selon Jean-Luc Mélenchon, «nous approchons du point de non-retour». Il appelle à ne plus accepter «les destructions et les injustices», à «mettre un terme à la macronie» et à «faire partir Bayrou.»
Bayrou durcit encore l’absurdité de la politique macroniste : détruire l’État et les services publics pour ouvrir l’espace au marché. Faire payer le grand nombre pour épargner les très riches. La course à l’abime économique, financier et social devrait donc continuer pour le… https://t.co/YdorHm4o4h
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) July 15, 2025
Les collectivités mises à contribution. François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire, annonce une «contribution des collectivités à l’effort national» à hauteur de 5,3 milliards d’euros, soit «13 % de l’effort global». «C’est moins que la part des collectivités dans la dépense publique, qui s’élève à 17 %», a ensuite tenté de rassurer le ministre. Le dispositif de ponction des recettes fiscales des collectivités, qui s’élève à 1 milliard d’euros en 2025, sera donc «reconduit» pour le budget 2026, a pour sa part annoncé le Premier ministre.
Éric Ciotti dénonce un plan d’économies qui «franchit toutes les lignes rouges». Sur X, le député des Alpes-Maritimes a fustigé la «rigueur promise» par le Premier ministre, entre «non-remboursement des médicaments, hausse des impôts et désindexation des retraites». Le proche de Marine le Pen regrette qu’aucune économie sérieuse n’ait été annoncée ni «sur l’immigration ni sur la dépense publique». Selon lui, Bayrou ferait «payer aux Français les incuries de la classe politique».
Du sang et des larmes pour les Français, la dolce vita pour l’État obèse.
— Eric Ciotti (@eciotti) July 15, 2025
La rigueur promise par François Bayrou franchit toutes les lignes rouges : non-remboursement des médicaments, hausse des impôts, désindexation des retraites… On fait payer aux Français les incuries de la… pic.twitter.com/eDq66hZOC0