En résumé
- Toute la gauche a fait sa rentrée sur fond de divergences ventre membres de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), notamment sur la question d’une liste unique aux européennes qui continue de diviser l’alliance fondée en 2022.
- L’ex-candidate PS à la présidentielle Ségolène Royal a perturbé la rentrée de la gauche en se proposant pour mener une liste d’union. Samedi, le premier secrétaire socialiste, Olivier Faure, a confirmé que son parti se dirigeait vers une liste autonome. A Strasbourg, le communiste Fabien Roussel s’en est pris à Emmanuel Macron et Gérald Darmanin.
- Ce dimanche, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, en pleine offensive pour la présidentielle 2027, a fait sa rentrée dimanche dans son fief de Tourcoing avec… Elisabeth Borne. La Première ministre avait annoncé la veille sa présence surprise dans le Nord. Éric Ciotti a fait de même au Cannet, dans les Alpes-Maritimes.
Borne fait la leçon à Darmanin sur «l’unité de la majorité». «C’est l’unité qui permet le dépassement, insiste la Première ministre. C’est elle qui nous permet de forger des majorités au-delà des clivages.» La cheffe du gouvernement livra ainsi un message en direction de son ministre de l’Intérieur : «Notre unité est notre force, nous devons la protéger à tout prix, c’est la condition pour continuer à agir et ne pas paver nous même le chemin des extrêmes. Cette unité, derrière le président de la République et son projet, j’y tiens, j’y veille et j’en suis la garante comme cheffe de la majorité.»
La Première ministre vise aussi Le Pen. «Je ne me résoudrai jamais à ce que l’extrême droite accède au pouvoir, poursuit-elle. Il n’y a aucune fatalité. Mais on ne s’intéresse pas aux classes moyennes par calcul, comme le fait le Rassemblement national.» Puis la cheffe du gouvernement égrène le «bilan» social de Macron avant d’exhorter son camp à «rester humble». «Car des difficultés persistent et nous devons faire mieux, car il y a encore des attentes et des inquiétudes, du ressentiment et des colères, dit-elle. Il y a encore beaucoup du travail à accomplir. Les Français veulent du pouvoir d’achat et des perspectives, de la sécurité, des services publics qui fonctionnent.»
Borne prend la suite de Darmanin. «Je n’avais pas vraiment prévu de passer ce dernier week-end d’août à Tourcoing», attaque-t-elle. Mais «invitée par Gérald» - en réalité poussée par l’Elysée tour pour faire comprendre au ministre de l’Intérieur qu’il faut jouer collectif avant de penser à 2027, la voilà dans le Nord pour «faire passer un message d’unité», faisait valoir l’entourage de la Première ministre samedi soir.
2027 c’est loin ? Accusé, notamment pas le secrétaire général de Renaissance, Stéphane Séjourné, de faire passer ses «ambitions» personnelles et son «égo» avant le «travail collectif», Darmanin se défend de partir trop tôt dans la course présidentielle : «Faire cela, ce n’est pas penser à une quelconque élection, dit-il en conclusion de ce discours à Tourcoing. C’est permettre à la France d’avoir un avenir compatible avec son peuple. Sachons convaincre de tout ce que nous avons fait et disons tout ce qu’il nous reste à faire.» La première pierre sur le (long) chemin vers 2027 est bien posée.
Haro sur Le Pen. Sans jamais citer la députée du Pas-de-Calais voisin, Darmanin cible la présidente des députés d’extrême droite. «Tant de choses ont été faites. Tant de choses restent à faire pour aider les plus modestes de nos concitoyens à surmonter les difficultés de la vie, insiste-t-il. A les écouter, à les représenter, éviter qu’elles n’aillent par dépit au Rassemblement national.» Il prévient son camp : «la solution n’est pas dans une réponse technique mais d’abord dans un comportement de la femme ou de l’homme politique, dans une certaine disposition d’écoute.» Emmanuel Macron appréciera sûrement.
Pour «quelles propositions» ? Eh bien Darmanin les cherche encore apparemment… Le ministre de l’Intérieur rame à offrir à son auditoire de nouvelles idées. «En premier lieu», attaque Darmanin, il faudra «nous poser la question de la géographie, c’est-à-dire de chercher à rapprocher les gens des décisions». Oui mais encore ? «reprendre la lutte contre l’assignation à résidence». Comment ? Mystère… Et «en troisième lieu», Darmanin revient à ses fondamentaux de la lutte contre l’insécurité : «Avec les moyens très importants accordés par le président de la République et la Première ministre, je vais continuer à mettre toute mon énergie pour affirmer l’autorité de l’Etat, pour pourchasser les délinquants, pour lutter contre le séparatisme, pour protéger ceux qui n’ont rien d’autre que la Nation, que la police […] pour les protéger.» Nous voilà rassurés.
«Le président de la République et sa majorité ont fait plus que quiconque pour les Français modestes». Darmanin attaque une longue séquence en défense du bilan social de la macronie depuis 2017 : dédoublement des classes en CP et CE1 dans les quartiers prioritaires, défiscalisation des heures supplémentaires, suppression de la taxe d’habitation, reste à charge zéro notamment sur les lunettes… «Oui, notre majorité depuis 2017 n’a pas à rougir de son action pour les Français les plus modestes.»
Darmanin se défend de tout «calcul personnel». Après une longue anaphore («Oui, il faut respecter et prendre au sérieux le sentiment…») pour faire le constat de ces «sentiments, vécus et répétés, [qui] poussent souvent au désespoir de la contestation» et «au vote populiste qui promet tout», Darmanin se garde de tout procès en déloyauté vis-à-vis du chef de l’Etat : «Dire cela, ce n’est pas critique, en vue de je ne sais quel calcul personnel […] La fidélité et la loyauté, ça ne veut pas dire se taire pour plaire alors qu’on pense différemment.»
Darmanin poursuit son entreprise d’ouverture de portes ouvertes sur les «classes populaires». Dans son discours à Tourcoing, le ministre assure que ces personnes «ne se sentent pas vraiment considérées, ni assez représentées». «Un sentiment, même lorsqu’il ne correspond pas à la vérité des chiffres et à la rationalité du réel, ne se méprise pas, ne se rejette pas d’un revers de main, ne peut faire l’objet de moqueries, déclare-t-il. Oui, il faut respecter et prendre au sérieux le sentiment qu’ont les employés, les ouvriers, les artisans, les commerçants, les fonctionnaires qui se sentent parfois découragés devant le mal qu’ils se donnent au travail et la rémunération parfois trop faible qu’ils en tirent».
Au Cannet, Eric Ciotti adoube déjà Laurent Wauquiez pour 2027. Pour la rentrée des Républicains, le président du parti a réfuté tout rapprochement possible avec le chef de l’Etat et encore moins avec son ministre de l’Intérieur dans la perspective de la prochaine présidentielle. «Nous aurons un candidat», a-t-il assuré. Notre reportage.
Darmanin à Tourcoing : le début de la fin du macronisme. Les manuels d’histoire politique auront sûrement du mal à dater la fin du macronisme. Depuis son entrée à l’Elysée, les suiveurs se demandent si ce «en même temps», cette tentative (alors réussie) de proposer une offre politique «et de droite et de gauche», survivra au départ programmé d’Emmanuel Macron en 2027. Mais alors que la majorité présidentielle se divise sur le retour du clivage politique traditionnel dans la perspective des échéances électorales de 2027, le ministre de l’Intérieur et disciple de Nicolas Sarkozy, lui, a tranché : à droite toute. Notre analyse.
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin organise aujourd'hui sa "rentrée politique" dans son fief, à Tourcoing. En 2006, alors étudiant à Sciences Po Lille, il apparaissait pour la première fois à la télévision. pic.twitter.com/jOSkeizLYz
— INA.fr (@Inafr_officiel) August 27, 2023
De la légitimation «grand public» d’un repli réactionnaire, raciste et antisémite. Non, la France n’est pas débarrassée des dérapages xénophobes, tant l’époque est à l’instrumentalisation politique et médiatique des misères et des peurs, analyse Nicolas Cadène, cofondateur de la Vigie de la laïcité. Notre tribune.
Les Bleus face au bleu. Le coup d’envoi du match des candidats au titre mondial 2023 est à 17 h 45, celui du discours du candidat putatif à l’Elysée en 2027 est à 18 heures.
Peux-t-on vraiment envisager de confier le destin du pays à un homme qui programme son grand discours de rentrée à la même heure que France Australie de rugby ? @GDarmanin #FRAAUS #RWC2023
— thomas legrand (@lofejoma) August 27, 2023
Darmanin contre le «rassemblement haineux». Bien qu’il l’ait jugé «trop molle» par le passé, le ministre de l’Intérieur a désormais changé de disque au sujet de la patronne de l’extrême droite. «On ne peut pas laisser madame Le Pen aller irrémédiablement au pouvoir», a déclaré dimanche Gérald Darmanin lors du début de sa rentrée politique qu’il organise dans son fief de Tourcoing (Nord), auquel participent nombre de figures de la majorité ainsi qu’Elisabeth Borne. «Une partie [des classes populaires] se réfugie dans l’abstention, parfois dans la contestation démocratique, et puis parfois pour le vote populiste. Et moi, je ne veux pas que les classes laborieuses aillent vers un rassemblement haineux», a ajouté le ministre de l’Intérieur.
Déjà le début du show Darmanin à Tourcoing. Avant un discours à 18 heures en défense des «classes populaires», le ministre de l’Intérieur répond longuement à la presse. Devant une forêt de micros, il se dit «très heureux» d’accueillir Elisabeth Borne. La Première ministre s’est pourtant invitée au dernier moment, sur suggestion du président de la République, histoire de rappeler qui décide dans ce gouvernement… «Je ne décide pas l’agenda de la Première ministre», dit-il, avant d’insister : «C’est un grand honneur pour nous qu’elle puisse venir». Une initiative «partisane» en vue de 2027 ? «Bien sûr que non… jure le ministre. L’idée n’est pas de lancer un parti ou un mouvement. Mais il ne faut pas vous étonner que les politiques fassent de la politique.» Croix de bois, croix de fer, Darmanin n’a «pas l’impression d’être aujourd’hui dans une autre dynamique que la dynamique des idées». Tout en rappelant qu’il n’a jamais considéré «la politique [comme] une caserne» et que «c’est l’ensemble des couleurs qui fait un arc-en-ciel». Par Lilian Alemagna
Muselier acide contre ses anciens camarades de LR. Assis contre un muret de brique à Tourcoing, Renaud Muselier, président de la région Sud, justifie sa présence à la rentrée politique de Gérald Darmanin en décochant quelques traits contre ses anciens camarades de Les Républicains, réunis au Cannet (Alpes-Maritimes). «Pendant qu’ici on est au soleil, Monsieur Ciotti lui est sous la pluie et s’enferme dans un gymnase», commence l’ancien secrétaire d’Etat de Jacques Chirac. Les LR ? «Un canard sans tête», même si «il y a des gens raisonnables chez eux au Sénat.» Mais Muselier a «l’impression qu’ils passent leur temps à tout fabriquer pour lutter contre leurs propres idées.» Lui est d’accord avec la méthode Macron : «il faut additionner les gens raisonnables». Par Nicolas Massol, envoyé spécial à Tourcoing (Nord)
Des appels de Ciotti en forme de supplique. Dans son micro, quatre fois d’affilée, Éric Ciotti a crié «Revenez !» aux électeurs perdus. Ceux «qui sont partis vers Marine Le Pen et Emmanuel Macron». Il faudrait qu’ils reviennent vite si Les Républicains veulent avoir un espoir de retrouver le pouvoir en 2027. «Nous aurons un candidat à l’élection présidentielle et nous la gagnerons, affirme Ciotti, pour le moins optimiste. Nous déciderons prochainement du mode de désignation de notre candidat dans les mois à venir par la révision de nos statuts». Pour cette première rentrée politique d’Éric Ciotti dans son siège de président des Républicains, il lance Laurent Wauquiez dans un fauteuil pour être candidat. «Cette espérance, cher Laurent, tu l’incarnes dans ton talent et ton courage.» Par Mathilde Frénois, envoyée spéciale au Cannet (Alpes-Maritimes)
«Des années à nous faire la leçon sur la tambouille politique et LFI nous sort Ségolène Royal». Alors que l’université d’été du PCF s’éteint sous la pluie strasbourgeoise, les militants ne sont pas avares de boutades sur la proposition de liste d’union aux Européennes portée par l’ex-présidente de la région Poitou-Charentes. «Depuis vendredi, on a sorti le pop corn», s’amuse-t-on chez les encartés. Fabrice, «vieux militant communiste» du Var, n’en revient pas : «Ça fait des années que ces gars-là [les cadres Insoumis] nous font la leçon sur la tambouille politique, à coup de mélenchonisme du type ‘‘on est gazeux, on ne veut plus de partis parce que ne n’est que de la magouille pour s’accrocher aux postes’’, et ils nous sortent qui ? Ségolène Royal !» Il ajoute, railleur : «Franchement, c’est un cadeau pour nous». Par Léna Coulon, envoyée spéciale à Strasbourg (Bas-Rhin)
Et une carte postale, une… Eric Ciotti la destine à son ancien camarade, Gérald Darmanin, qui fait lui aussi sa rentrée aujourd’hui dans son fief de Tourcoing. Le président du parti Les Républicains dénonce «l’indécence» des ambitions du ministre de l’Intérieur qu’il prend bien soin de ne pas citer. «Un peu de dignité messieurs ! lance-t-il. Avant de songer à la succession, songez à gouverner !» «Demandez leur pardon ! Pardon pour l’immigration incontrôlée […] pardon pour les finances ruinées ! […] Les responsables du déclin de ce jour ne seront pas les sauveurs de demain», poursuit-il avant d’assurer ses troupes que LR aura «un candidat à l’élection présidentielle». Laurent Wauquiez - bien visible à la gauche de Ciotti - tient toujours la corde : «Cette espérance, cher Laurent, tu l’incarnes par ta vision, par ton talent, ton courage.»