En résumé :
- Après les hypothèses Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, c’est finalement Michel Barnier, ancien négociateur de l’UE pour le Brexit et membre de longue date du parti Les Républicains, qui a décroché Matignon. L’homme est sorti d’un entretien avec Emmanuel Macron ce jeudi 5 septembre à midi et a été nommé par voie de communiqué dans la foulée.
- La passation de pouvoir avec Gabriel Attal, Premier ministre démissionnaire depuis 51 jours, a eu lieu à 18 heures à Matignon.
- Le nouveau chef du gouvernement va devoir se mettre au travail immédiatement : un projet de budget pour 2025 doit être présenté dès le 1er octobre au Parlement, alors que les finances publiques sont dans le rouge.
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Série de coups de fil pour Barnier. Michel Barnier a multiplié les appels téléphoniques avant même sa prise de fonction, en commençant par l’ex-majorité et la droite, selon son entourage. Le Savoyard s’est ainsi entretenu avec Edouard Philippe, François Bayrou, Laurent Wauquiez, mais aussi Nicolas Sarkozy, ainsi que la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et celui du Sénat Gérard Larcher. «Certaines personnalités de gauche» ont également été contactées et d’autres échanges devaient suivre, y compris avec la France insoumise et le Rassemblement national, car «il veut rassembler et respecter tout le monde». Le nouveau Premier ministre, qui devra proposer un gouvernement au chef de l’Etat, «aura la liberté» sur la composition de son équipe, assure-t-on de même source.
Michel Barnier va s’atteler à la composition de son gouvernement ce vendredi. Le nouveau Premier ministre Michel Barnier doit s’atteler vendredi à la formation de son gouvernement, après avoir esquissé quelques grandes lignes de son projet et avoir exprimé sa volonté de «respect», d’«écoute» et de dialogue avec toutes les forces politiques, y compris le Rassemblement national. A la mi-journée, l’Elysée affirmait qu’Emmanuel Macron a demandé à Barnier de «constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays».
La une de «Libération» du vendredi 6 septembre.
Le gouvernement sortant reçu à l’Elysée ce jeudi soir. D’après TF1 et le Parisien, Emmanuel Macron reçoit actuellement le gouvernement sortant et plusieurs cadres du camp présidentiel à l’Elysée.
Attal veut continuer à «tisser» un «lien» avec les Français. Resté 8 mois à Matignon, l’ambitieux Gabriel Attal, remplacé mardi par l’ancien ministre de droite Michel Barnier, se projette déjà sur la suite, avec la présidentielle dans le viseur, fort d’une popularité qui a peu faibli et de la conquête de son camp, de l’Assemblée nationale au parti. Il a promis jeudi de «continuer» à «tisser» le «lien» qui l’unit aux Français, dans un message posté sur X, avant leur dire «combien [il] les aime» dans son discours de passation. Parti à pied de Matignon pour rejoindre l’Assemblée nationale, Gabriel Attal devait présider en soirée une réunion du groupe des députés de son camp.
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Mélenchon prédit «un orage à l’horizon». Comme l’ensemble du peuple de gauche, Jean-Luc Mélenchon a enragé cet après-midi en apprenant qu’Emmanuel Macron avait choisi Michel Barnier pour Matignon. Surtout, le triple candidat à la présidentielle n’a pas apprécié que l’ancien négociateur du Brexit pour l’Union européenne soit présenté comme un «homme de consensus» par une partie de la presse et de la classe politique. «Le monsieur ne fera pas consensus avec ceux dont le vote a été bafoué et volé», affirme l’insoumis en chef dans une note de blog en allusion aux électeurs qui ont placé le Nouveau Front populaire en tête des législatives. Quoi qu’il en soit, Mélenchon dit avoir «la certitude que désormais [la coalition de gauche] ne se disloquera pas». «La droite du PS a certes déjà commencé à encenser le nouveau maître des vanités gouvernementales, comme l’a fait Carole Delga, et à répéter les éditos du Monde comme Mayer-Rossignol. Mais aucun d’entre eux ne fera davantage que japper. Ces gens-là devront affronter des élections locales, qui ne seront pas favorables aux supplétifs de la macronie», ajoute-t-il. Pas de quoi resserrer les liens.
Ni pour, ni contre. La CFDT «prend acte» de la nomination de Michel Barnier à Matignon. Elle l’écrit dans un communiqué publié ce soir, en se disant prête «à s’engager avec exigence pour contribuer à apporter des réponses pertinentes aux attentes des salariés et des agents de la fonction publique en termes de conditions de travail, de pouvoir d’achat, de reconnaissance et de dignité». Encore faut-il que le Premier ministre et son futur gouvernement le soient aussi. Aussi le premier syndicat de France prévient-il qu’il sera «combati [f] pour atteindre ces objectifs», et rappelle-t-il que dans un contexte de «crise démocratique», «les partenaires sociaux auront la responsabilité de bâtir des compromis alliant progrès social, transformation écologique et solidité économique». Autrement dit, la situation politique du moment doit être l’occasion pour la CFDT et ses interlocuteurs de reprendre la main.
«Evidemment nous censurerons le gouvernement de Barnier». Interrogé sur le plateau de C à vous ce jeudi, Olivier Faure a confirmé que son parti voterait la censure contre le nouveau Premier ministre. Le Premier secrétaire du parti socialiste a expliqué qu’il ne souhaitait pas «accepter une politique menée sous la houlette de l’extrême droite» alors qu’il a été «de ceux qui ont appelé au Front républicain».
“Évidemment nous censurerons le gouvernement de Barnier. J’ai été de ceux qui ont appelé au Front républicain, je ne vais pas maintenant accepter une politique menée sous la houlette de l’extrême droite.”@faureolivier réagit dans #CàVous pic.twitter.com/iyYS5GsTwS
— C à vous (@cavousf5) September 5, 2024
La nomination de Barnier «est une forme aboutie de trahison» estime Johanna Rolland. Comme l’ensemble des responsables politiques de gauche, la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland, est en colère ce jeudi 5 septembre. Après le choix d’Emmanuel Macron de nommer le LR Michel Barnier malgré la victoire du Nouveau Front populaire aux dernières législatives, la première secrétaire déléguée du PS dénonce auprès de Libération «un déni de démocratie extrêmement grave». Et appelle la gauche à préparer l’alternance. Interview
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Scholz félicite Barnier pour sa nomination au poste de Premier ministre. Le chancelier allemand Olaf Scholz a félicité jeudi l’ancien commissaire européen Michel Barnier pour sa nomination au poste de Premier ministre en France, lui souhaitant «force et succès pour les tâches à venir». «Nos deux pays ont un lien singulier, ce sont deux partenaires étroitement liés au coeur de l’Europe», a écrit le chancelier dans un communiqué, disant se réjouir à la perspective que «nos gouvernements continuent à travailler ensemble au bénéfice de nos pays et de l’Europe».
L’école, la sécurité et l’immigration comme priorités. Sans trop s’épancher, Michel Barnier a esquissé ses priorités en tant que Premier ministre. Il y aura l’école, promet-il à Gabriel Attal mais aussi «la sécurité du quotidien» et l’immigration. Un clin d’oeil au Rassemblement national qui, s’il décidait de censurer le nouveau Premier ministre, provoquerait sa censure. L’ancien ministre de Sarkozy promet de dire la vérité «sur la dette financière et écologique qui pèsent déjà lourdement sur les épaules de nos enfants». Le nouveau locataire de Matignon s’engage aussi à des «des changements et des ruptures». Mais aussi à «beaucoup d’écoute», «de respect entre le gouvernement et le parlement envers toutes les forces politiques qui sont représentées». Donc avec le RN également.
«Humilité et détermination». «Nous sommes dans un moment grave, affirme le nouveau Premier ministre. J’aborde cette période, cette nouvelle page qui s’ouvre avec beaucoup d’humilité» avant d’évoquer «la sagesse que [lui] donne les cheveux blancs». «Je l’aborde aussi avec de la détermination, poursuit-il, celle qu’il faut pour que cette nouvelle page qui commence soit utile pour les Français et pour la France.» Et avertit : «j’aurais l’occasion devant le Parlement de donner les grandes priorités du nouveau gouvernement. Il s’agira de répondre autant que nous le pourrons aux défis, aux colères, aux souffrances, aux sentiments d’injustices qui traversent beaucoup trop nos villes, nos quartiers et nos campagnes.»
«Vous m’avez donné des leçons… enfin, des enseignements». Ambiance cordiale entre Michel Barnier et Gabriel Attal. Le premier rend hommage à l’ex Premier ministre et prend la parole après lui. Et ironise : «mon bureau je l’ai trouvé un peu vide, mais j’ai compris qu’il y avait des tas de projets de loi en suspend». Il promet de revenir dessus, «tout en ajoutant [s] a propre valeur ajoutée».
«La politique française est malade», estime Attal. «Notre pays connait une situation politique inédite. La politique française est malade mais je crois que la guérison est possible à condition que nous acceptions tous de nous placer à la hauteur de cette responsabilité historique», poursuit Gabriel Attal. Déplorant le «défaitisme» et le «pessimisme» ambiant, le député des Hauts-de-Seine maintient «qu’il y a autant de raisons de douter que d’espérer».
Attal reconnaît «une frustration» de quitter son poste aussi tôt. Au cours de sa prise de parole durant laquelle il vante son bilan à Matignon, Gabriel Attal fait un petit aveu : «huit mois c’est trop court, je ne le cache pas il y a une frustration à quitter mes fonctions après huit mois seulement». Au moment de la dissolution, celui qui est désormais président du groupe «Ensemble pour la République» à l’Assemblée nationale avait fait savoir qu’il subissait la décision du chef de l’Etat. «Avec mon équipe, avec mon gouvernement, nous avons agi, travaillé d’arrache pied», poursuit-il citant «le chantier de la désmicardisation», de l’école «mère des batailles» ou la crise des agriculteurs. Pour les dossiers encore en cours, Attal ne manque pas de rappeler à Barnier «que le dossier est désormais sur son bureau».
La passation de pouvoir commence. Après avoir «félicité chaleureusement» le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal salue «l’expérience presque inégalée [de Michel Barnier] au service de l’Etat». Le plus jeune locataire de Matignon de l’Histoire ne manque pas non plus de remercier Emmanuel Macron. «C’est l’honneur d’une vie, c’est un honneur de servir son pays», affirme-t-il.
Emmanuel Macron salue Gabriel Attal.
Merci cher @GabrielAttal pour ces huit mois en tant que Premier ministre.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) September 5, 2024
Avec le Gouvernement, vous avez fait avancer le pays et contribué à son rayonnement dans un moment important. Au service de nos concitoyens, la France au cœur. pic.twitter.com/siS71fhsyo
Michel Barnier est arrivé à Matignon. Après quelques petites minutes de voiture, le nouveau Premier ministre est arrivé dans ses nouveaux bureaux, accueilli par un Gabriel Attal souriant. Après une poignée de main chaleureuse, les deux hommes sont rentrés dans l’Hôtel de Matignon pour un entretien en tête-à-tête.
Michel Barnier en route vers Matignon. Le nouveau Premier ministre a quitté son domicile du VIIe arrondissement et se dirige vers l’Hôtel de Matignon, suivi par des caméras.
Quand Barnier ne retenait pas ses coups contre Macron. Après plus de 50 jours d’attente, Emmanuel Macron a trouvé sa perle rare : le (très) expérimenté et conservateur Michel Barnier. Ce dernier, dans les prochains jours, ne devrait pas manquer de superlatifs pour un Président qui l’a fait sortir de sa retraite pour l’installer dans le cossu Hôtel de Matignon. Pourtant, le Savoyard n’a pas toujours été bienveillant avec le chef de l’Etat. Lors de sa campagne pour la primaire LR (il a fini 3e), l’ancien ministre de Sarkozy avait même multiplié les attaques contre Macron. «Rien n’oblige dans la Ve République le Président à agir seul et à décider de tout», disait-il par exemple quand il ne dénonçait pas «une gestion solitaire et arrogante». Une autre époque, à n’en pas douter.
"Il ne sait pas faire confiance". Septembre 2021, Michel Barnier est candidat à la primaire de la droite pour l'élection présidentielle et se montre très critique à l'égard du président de la République, Emmanuel Macron. pic.twitter.com/l0YGTRVRQj
— INA.fr (@Inafr_officiel) September 5, 2024