En résumé :
- En fonction depuis trois semaines, Gabriel Attal a prononcé sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale à 15 heures. Son discours, où il a présenté les grands axes de son action à venir, a duré presque 1h30. Chaque groupe parlementaire a désormais la parole pour réagir au discours.
- Dans un contexte éruptif de blocages à travers le pays, le Premier ministre a annoncé quelques nouvelles mesures en faveur des agriculteurs. Il a aussi fait des annonces sur l’écologie, le travail ainsi que les services publics.
- Si Gabriel Attal n’a pas prévu d’engager la responsabilité de son gouvernement sur sa déclaration de politique générale via un vote de confiance, la gauche avait déjà annoncé avant même le discours sa volonté de déposer une motion de censure.
Ce que dit, et ne dit pas, le discours de Gabriel Attal. Elisabeth Borne avait quitté Matignon sur un clin d’œil à Michel Rocard, son successeur y débarque en contournant une phrase de François Mitterrand. Ce dernier croyait «aux forces de l’esprit», le nouveau Premier ministre croit, lui, «aux forces de la France». Primauté à la matérialité d’une énergie martelée dans son discours aux 50 points d’exclamation (!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!) selon le transcript officiel, où le réarmement et ses 14 occurrences tient lieu de fil rouge. A cet égard le mot «culture» n’est prononcé que 4 fois, «pauvreté» une fois, «précarité» jamais. Pour trancher avec sa prédécesseure au ton jugé lénifiant, Gabriel Attal a surenchéri dans tout : la longueur (75 000 signes contre 62 000 pour Borne), le débit en cascade, y compris dans le risque. Il est déterminé à agir parce que «nous sommes la France et que rien ne résiste au peuple français !» Le peuple qui bloque les autoroutes ? Celui qui le conspue à l’Assemblée ? Celui qui «casse, salit et défie l’autorité» ? En cette saison où la société résiste, de quels Français est-il le plus près, lui qui est 14 fois prêt à agir ? Par Guillaume Tion
La cheffe des écologistes brocarde la «droite punitive».
Chasse aux pauvres, conditionnement du RSA, rendez-vous médical raté payant, stigmatisation de la jeunesse, travaux "d'intérêt éducatif", réforme de l'AME...
— Marine Tondelier (@marinetondelier) January 30, 2024
Il est loin le "en même temps" !
Aujourd'hui, place à la droite punitive !#DirectAN #Attal
Gabriel Attal conclut son discours en évoquant son homosexualité. A la fin de sa déclaration de politique générale, où il a usé d’une anaphore pour vanter les mérites «d’être Français», Gabriel Attal a fait référence à son homosexualité, une première pour un Premier ministre de la Ve République lors d’un discours de politique générale. «Etre Français en 2024, c’est, dans un pays qui, il y a dix ans seulement, se déchirait autour du mariage pour tous, pouvoir être Premier ministre en assumant son homosexualité», a lancé le chef du gouvernement qui avait déjà évoqué ce sujet dans Libération, en 2019.
Billet
Moins de logements sociaux, davantage de réquisitions ? Gabriel Attal a ensuite laissé la porte ouverte à un assouplissement de la loi SRU, en suggérant d’inclure les logements intermédiaires, destinés à la classe moyenne, dans le quota de 25 % de logements sociaux que les communes doivent produire, l’idée étant de «faire évoluer le logement social pour qu’il réponde davantage aux classes moyennes». Une mesure choquante pour les élus interrogés. «C’est un coup de canif dans la loi SRU. Quel intérêt aura un maire à faire du vrai logement social dès lors qu’il pourra remplir les objectifs de loi SRU en faisant du logement intermédiaire ?», a réagi le sénateur PCF Ian Brossat. En revanche, les élus parisiens ont salué l’annonce d’une réactivation du droit de réquisition. «Nous n’hésiterons pas à procéder à des réquisitions pour des bâtiments vides, notamment des bâtiments de bureaux», a-t-il dit. Par Eve Szeftel
Des «travaux d’intérêt éducatif» pour les moins de 16 ans ou l’internat ? Dans le sillage des émeutes ayant suivi la mort de Nahel, le rôle des parents a largement été pointé du doigt, avec la question de leur responsabilisation par des travaux d’intérêt général. Or, beaucoup de ces familles sont des familles monoparentales, déjà précarisées et fragilisées. «Il est hors de question d’accabler certaines familles», a déclaré Gabriel Attal, qui poursuit : «Quand on est une mère seule, de plusieurs enfants dans un quartier, on peut être totalement dépassée par les évènements». Ainsi, «quand un jeune sera sur la mauvaise pente […] nous proposerons aux parents de le placer en internat». Retirer un enfant de sa famille parce qu’il est «sur la mauvaise pente» ? Une conception de la solidarité très Quatrième république, tout comme sa tirade : «tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, tu apprends à la respecter». Par Johanna Luyssen
Un «choc d’offre» sur le logement. Face à la crise qui atteint des niveaux jamais vus, le Premier ministre a promis un «choc d’offre», en simplifiant les procédures et les normes, afin de relancer la construction de logements neufs. «Nous désignerons dans deux semaines 20 territoires engagés pour le logement où nous accélérerons toutes les procédures, comme nous avons pu le faire pour les Jeux olympiques, avec pour objectif d’y créer 30 000 nouveaux logements d’ici trois ans», a annoncé Gabriel Attal. 30 000 logements ? «Ridicule à l’échelle du déficit de logements en France», juge Jacques Baudrier, adjoint au Logement à Paris, alors que la production est tombée sous les 300 000 par an. Par Eve Szeftel
Sur le volet agricole, beaucoup de redites et quelques nouveautés. «Tout ne sera pas réglé en quelques semaines», admet Gabriel Attal ce mardi face à la colère du monde agricole. Il s’est surtout contenté de répéter les annonces déjà faites à la profession vendredi dernier. Notamment sur le renforcement des contrôles pour la loi Egalim, le versement d’aides liées à la maladie épizootique bovine, le versement des aides PAC et la simplification. Les cinq nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre s’apparentent à un toilettage de mesures déjà prévues. Un fond d’urgence pour la viticulture sera débloqué dès la semaine prochaine. Le dispositif fiscal en faveur de l’élevage, qui avait déçu les professionnels en décembre, sera «renforcé». Les amendes infligées aux entreprises qui n’auront pas respecté la loi Egalim seront «réutilisées pour soutenir les agriculteurs», et la traçabilité des produits sera davantage contrôlée. Finalement, c’est surtout au niveau européen que le gouvernement souhaite avancer. Notamment sur la question des jachères, qui pourrait se débloquer dès mercredi lors du déplacement de Marc Fesneau à la Commission européenne.
Merci de l'avoir posée
«Taxe lapin» et accès aux soins. «Quand on a rendez-vous chez le médecin et qu’on ne vient pas on paye !» : En annonçant que les patients qui poseront des lapins à leurs praticiens en seront de leur poche «dès cette année», le Premier ministre Gabriel Attal fait sienne une idée en vogue du coté de la droite parlementaire. En novembre, lors de l’examen au Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, la rapporteure LR Catherine Imbert avait par voie d’amendement défendu l’instauration d’une telle «taxe lapin», revendication récurrente des médécins libéraux. De fait, selon l’Académie nationale de médecine et le Conseil national de l’ordre des médecins, chaque semaine, 6 à 10 % des patients n’honoreraient pas leurs rendez-vous médicaux. Mais ce qui est un manque à gagner pour les praticiens est désormais perçu comme un gâchis intolérable pour l’exécutif, qui s’échine depuis cinq ans à «libérer du temps médical» pour pallier la pénurie grandissante de praticiens. Pas sûr néanmoins que la mesure soit pertinente du point de vue de la santé publique. Car si les patients oublient des rendez-vous, c’est aussi souvent parce que le délai pour consulter s’allonge jusqu’à parfois devenir parfois déraisonnable… A vouloir les sanctionner pour un manquement d’abord imputable à l’absence de disponibilité rapide des praticiens, on risque fort de les dissuader tout court de consulter. Par Nathalie Raulin
Une avancée pour la prise en charge des élèves handicapés. En annonçant le financement par l’Etat de l’accompagnement des élèves handicapés sur le temps du midi, Gabriel Attal a devancé les parlementaires. Les sénateurs se sont en effet prononcés, la semaine dernière et avant un passage à l’Assemblée, en faveur d’une proposition de loi des Républicains allant dans ce sens. A l’heure actuelle, le flou règne. Le Conseil d'Etat avait jugé, en novembre 2020, que le financement du travail des AESH (accompagnantes d’élèves en situation de handicap) sur temps périscolaire incombait aux collectivités et non à l’Etat. Certaines avaient alors pris en charge l’accompagnement méridien, d’autres pas. Face au désordre, qui concerne potentiellement 20 à 25 000 élèves, l’Etat avait poursuivi les prises en charge déjà en place. La décision du Premier ministre devrait donc remettre de l’ordre et réinstaurer une égalité de traitement entre les territoires. Par Elsa Maudet
Une loi pour répondre aux «enjeux exceptionnels» à Mayotte. Le gouvernement va porter un projet de loi sur Mayotte pour «faire face aux enjeux exceptionnels» auxquels ce département d’outre-mer est confronté. «Chacune de nos politiques publiques doit tenir compte des spécificités des outre-mer», qui «concentrent tous les défis» entre vie chère, emploi, sécurité ou lutte contre l’immigration illégale, a souligné le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Mayotte est confrontée à une grave crise de l’eau depuis fin août 2023 en raison d’une sécheresse historique, couplée à un manque d’infrastructure et d’investissements.
Pendant ce temps…
Au barrage de Villabé (Essonne), on n'attendait pas grand chose du discours de Gabriel Attal, et on n'est pas déçu. L'assistance s'est dispersée peu à peu. Bref retour au poste quand il est question de souveraineté alimentaire. "Mais il dit rien de neuf", remarque un agriculteur. pic.twitter.com/UARqpbZwTa
— Fabien Leboucq (@LeboucqF) January 30, 2024
Vers la création d’un Service civique écologique. Car «réussir la transition écologique est le défi de notre génération» et que la «jeunesse veut s’engager, participer, aider», le chef du gouvernement dit vouloir lancer «d’ici la fin du quinquennat», un Service civique écologique «qui rassemblera 50 000 jeunes prêts à s’engager concrètement pour le climat». Sans entrer davantage dans le détail.
L’éviction des élèves harceleurs, vraiment ? Le Premier ministre s’est félicité d’une mesure initiée par son prédécesseur à l’Education, Pap Ndiaye, et entrée en vigueur lorsque lui-même était l’occupant de la rue de Grenelle : «Désormais, c’est l’élève harceleur qui doit quitter l’école, plus l’élève victime qui subit une double peine : j’en suis fier !» Problème : c’est faux. Cette assertion est pourtant répétée partout depuis la parution d’un décret, l’été dernier - y compris par des journalistes. Or, la mesure ne concerne que l’école primaire, pas les collèges et lycées, où il était déjà possible de changer un harceleur d’établissement (après passage en conseil de discipline). Et n’a rien d’automatique. Non, le harceleur ne «doit» pas changer d’école : il le peut, désormais. Une mesure certes intéressante, mais également critiquée, car il n’existe pas de conseil de discipline en primaire, donc pas de cadre dans lequel peuvent s’exprimer défense et contradictoire. Et encore faut-il trouver une nouvelle école pour accueillir le harceleur, ce qui n’est pas chose aisée dans tous les territoires. Par Elsa Maudet
Vidéo
Les emballages plastiques dans le viseur. Se félicitant que 50 sites industriels les plus émetteurs en France se soient tous engagés à réduire leurs émissions de près de moitié d’ici 2030, le Premier ministre veut appliquer cette méthode au fléau de la pollution plastique. Il annonce que «50 sites qui mettent le plus d’emballages plastiques sur le marché», vont eux aussi devoir faire des efforts. Quelle sera l’ampleur de cette réduction à la source ? Mystère, Gabriel Attal n’annonce pas d’objectif chiffré. Comme pour les sites industriels émetteurs, il est dommage que ces réductions ne concernent qu’une poignée d’acteurs et pas tous, et qu’elles ne soient pas rendues obligatoires. Avec seulement des engagements, pas de sanctions en vue. Par Margaux Lacroux
«Taper les dealers au porte-monnaie» en gelant leurs avoirs. Rappelant les deux objectifs du gouvernement en matière de sécurité, «la lutte contre les stupéfiants et la lutte contre la délinquance du quotidien», le Premier ministre affirme vouloir «encore monter d’un cran dans [son] combat contre la drogue» avec «un nouveau plan de lutte contre les stupéfiants». Avec une nouvelle mesure aussi floue que vaste pour «taper les dealers au porte-monnaie et leur couper les vivres» : le gel «des avoirs des trafiquants de drogue identifiés».
Un double service après-vente. Gabriel Attal a fait la promotion des mesures qu’il avait lui-même initiées lors de son – court – passage au ministère de l’Education, ainsi que celles annoncées par le président de la République lors de sa conférence de presse du 16 janvier. «Choc des savoirs», avec la décision du redoublement désormais à la main des équipes enseignante et la mise en place de groupes de niveau au collège ; lutte contre les écrans «dans et en-dehors de l’école» ; expérimentation de l’uniforme à l’école, avant une possible généralisation en 2026… Le Premier ministre a passé en revue ce qu’il estime nécessaire pour défendre l’école, «mère des batailles». Les nouveautés sont limitées. A noter, l’annonce du financement par l’Etat de l’accompagnement des enfants en situation de handicap sur leur pause déjeuner. Jusqu’alors, collectivités locales et Etat se renvoyaient la balle sur la prise en charge du salaire des AESH lors de la pause méridienne, au détriment des enfants. Enfin, Gabriel Attal a indiqué «lancer les travaux» en vue d’une généralisation du SNU en 2026. Déjà en septembre, la secrétaire d’Etat chargée du dossier, Prisca Thévenot, depuis devenue porte-parole du gouvernement, évoquait au sujet du service national universel un caractère obligatoire. Par Sylvain Mouillard
Une réforme de l’Aide médicale d’Etat «avant l’été». Elle avait été au cœur de nombreux débats lors de l’examen de la loi immigration. L’aide médicale d’Etat (AME), dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins, va être «réformée» dans les mois à venir. «Je tiendrai l’engagement de ma prédécesseure, a annoncé Gabriel Attal, en référence à Elisabeth Borne. Nous le ferons avant l’été par voie réglementaire, avec une base connue : le rapport Evin – Stefanini.» Par Jean-Baptiste Chabran
Remplacer l’Allocation de solidarité spécifique par le RSA. Gabriel Attal veut faire disparaître l’ASS, jusqu’ici versée aux chômeurs en fin de droits, pour leur assurer un revenu minimum tout en leur permettant de valider des trimestres de retraite. Avec le RSA, qui ne permet pas de valider des trimestres, plus question de préparer sa retraite «sans travailler», s’indigne Gabriel Attal, qui assume vouloir un système social «plus efficace et moins coûteux». Par Laurence Benhamou
Gabriel Attal demande aux ministères d’expérimenter «la semaine en quatre jours». «Comme ministre des Comptes publics, j’avais décidé d’expérimenter dans mon administration, non pas la semaine de quatre jours, mais la semaine en quatre jours, sans réduction du temps de travail à certains endroits.» Souhaitant, là encore, que l’Etat donne l’exemple, le Premier ministre demande à l’«ensemble de ses ministres d’expérimenter cette solution dans leurs administrations centrales». Par Jean-Baptiste Chabran
«Garder le cap» d’un déficit public sous 3 % du PIB. Tout en confirmant des dépenses pour le prochain budget déjà annoncées par le président de la République, comme la baisse de 2 milliards d’euros d’impôts pour les classes moyennes, l’ancien ministre délégué aux comptes publics a confirmé qu’il entendait poursuivre la trajectoire budgétaire sur laquelle le précédent gouvernement s’était engagé dans la loi de programmation des finances publiques, à savoir repasser sous les 3 % de déficit public d’ici à 2027. Le Premier ministre, appelant à faire preuve une «responsabilité exemplaire dans nos finances publiques» n’a pas pour autant repris le montant de 12 milliards d’euros d’économies à réaliser l’an prochain que Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, avait annoncé lors de ses vœux. Il en a dit un peu plus en revanche sur la méthode et le calendrier. Les revues générales de dépenses publiques que sa prédécesseure avait lancées seront «poursuivies et renforcées». Et les premières propositions d’économies seront annoncées au mois de mars, donc bien avant l’élaboration du projet de budget qui commence d’ordinaire au début de l’été, et il souhaite qu’elles «donnent lieu très vite à des échanges avec la représentation nationale». Il ne dit pas s’il nourrit l’espoir de ne pas avoir recours au 49.3, comme lorsqu’il avait lancé les «dialogues de Bercy». Par Anne-Sophie Le Chevallier
Un «deuxième projet de loi industrie verte». Le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé mardi qu’il allait déposer «un deuxième projet de loi industrie verte», qui «proposera notamment de demander» à la Commission nationale du débat public «de concentrer ses travaux uniquement sur les projets d’envergure nationale». «Ce sera six mois de gagnés dans les procédures pour les autres projets : la bureaucratie qui recule, c’est la liberté qui avance», a fait valoir le chef du gouvernement lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale.
Supprimer des «comités Théodule» dans l’administration pour assainir les finances publiques ? C’est un serpent de mer des discours sur la réduction des dépenses de l’Etat, qu’on retrouvait déjà dans la bouche d’Edouard Philippe en 2019, à l’époque où il était Premier ministre. Mais que Gabriel Attal reformule pourtant à sa manière, en promettant «une nouvelle règle générale simple» : «tous les organes, tous les organismes, tous les comités ou autres qui ne se sont pas réunis ces douze derniers mois seront supprimés». Le problème ? Il a été maintes fois démontré que, si dissoudre des organismes qui ne sont plus en activité est une intention aussi louable que logique, ces derniers représentent des budgets assez négligeables. Et que ce genre de proposition révolutionnaire ne permet donc pas de dégager des fonds substantiels à investir ailleurs. Par Lucie Alexandre
Mélenchon dénonce «le discours le plus réactionnaire depuis un siècle». Le leader de La France insoumise a d’ores et déjà qualifié la déclaration de politique générale du Premier ministre de «discours le plus réactionnaire depuis un siècle». «Attal est très mécontent car le peuple refuse d’admettre qu’il vit au paradis. Il punit durement les ingrats : suppression du SMIC, travail gratuit obligatoire pour le RSA, le discours le plus réactionnaire depuis un siècle», a écrit sur X Jean-Luc Mélenchon, alors que le chef du gouvernement est encore en plein milieu de son discours à l’Assemblée.
Attal est très mécontent car le peuple refuse d'admettre qu'il vit au paradis. Il punit durement les ingrats : suppression du SMIC, travail gratuit obligatoire pour le RSA etc... Le discours le plus réactionnaire depuis un siècle.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) January 30, 2024
Des «horaires de bureau classique» pour les agents d’entretien de l’administration. Affirmant que l’Etat doit «montrer l’exemple», Gabriel Attal dit vouloir permettre aux «personnes du ménage, parfois forcées à faire des heures de transports en commun au milieu de la nuit» et «qui travaillent dur et qui se sentent invisibles» de désormais venir travailler «aux mêmes horaires que tout le monde, c’est-à-dire d’horaires de bureau» dans les administrations françaises. Le sort des agents et agentes d’entretien avait fait l’objet d’une proposition de loi de François Ruffin (député LFI), détricotée par le Parlement en mai 2020. Par Jean-Baptiste Chabran
«La bureaucratie qui recule, c’est la liberté qui avance». En promettant d’ «alléger le fardeau des règles et des normes», en supprimant ou simplifiant nombre d’entre elles, Gabriel Attal reprend des engagements déjà anciens du macronisme. Lors de sa première campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait ainsi annoncé ne vouloir ajouter «aucune norme nationale aux normes européennes dans les secteurs agricole, maritime et de la pêche». Puis son Premier ministre Edouard Philippe avait annoncé que, pour toute nouvelle norme, l’Etat devrait en supprimer ou en simplifier deux autres. Promesses manifestement mal tenues, pour que le nouvel occupant de Matignon, plusieurs années plus tard, en fasse son propre combat. «La bureaucratie qui recule, c’est la liberté qui avance», s’est-il même emballé en fin de tirade. Par Dominique Albertinti
«Désmicardiser la France». C’est l’objectif affiché par Gabriel Attal, qui ne peut ignorer que le nombre de salariés bloqués au salaire minimum a nettement augmenté ces dernières années. Seulement, comment compte-t-il s’y prendre ? Là, on navigue encore dans un certain flou. «Je n’exclus aucune mesure» pour que les branches professionnelles dont certains minima sont inférieurs au smic – on en compte actuellement plus d’une trentaine – se mettent en conformité, prévient Gabriel Attal. Une menace guère étayée en sachant que sa prédécesseure, Elisabeth Borne, avait déjà annoncé en octobre dernier qu’une loi serait (potentiellement !) adoptée en juin afin de toucher marginalement aux exonérations dont les entreprises des branches concernées bénéficient au niveau du smic. Le Premier ministre se fait en revanche plus concret s’agissant des effets de seuil liés à ces exonérations, qui sont accusés de décourager les employeurs d’augmenter leurs salariés : «Dès le prochain projet de loi de finances, […] nous commencerons à réformer ce système», annonce-t-il, en promettant de s’appuyer entre autres sur les «partenaires sociaux». Par Frantz Durupt
Les «mères célibataires, «mères courage» façon Attal. Lors d’une longue anaphore patriotique, Gabriel Attal a évoqué «les mères célibataires qui ne lâchent rien». La formule rappelle les «mères courage» louées par Emmanuel Macron lors de la crise des gilets jaunes, tandis que ces familles font face à une précarité de plus en plus étouffante - leur taux de chômage est de 17,2 %, le double de celui des mères vivant en couple. Dernier coup de pouce en date : la valorisation de la prime de Noël, qui fut arrachée par les… socialistes lors de négociations de dernière minute avec le gouvernement dans la loi de finances. Par Johanna Luyssen
Attal promet de garder «sa porte ouverte» aux oppositions mais s’agace des interventions des députés. Visiblement énervé, le Premier ministre a brièvement interrompu son discours pour se plaindre des protestations qui descendent des bancs de l’Assemblée à quasiment chacune de ses phrases. «Je ne suis pas convaincu que ces millions de Français attendent qu’on cherche à [me] couvrir par des cris», a lancé Gabriel Attal, juste après un passage où il appelait les oppositions à «transcender les clivages, les désaccords et les divisions». Avant de plaider : «C’est aussi cela, la méthode que je veux pour mon gouvernement : respecter les Français, respecter les oppositions, respecter notre Parlement». Le chef du gouvernement a aussi promis aux oppositions que «(sa) porte sera toujours ouverte» et qu’il ne «renoncera jamais à dialoguer» avec elles. Par Jean-Baptiste Chabran
L’autosatisfecit écologique. Comme Emmanuel Macron avant lui, le Premier ministre s’est félicité des actions gouvernementales engagées contre le réchauffement climatique, précisant que «jamais [dans l’histoire du pays], les émissions de gaz à effet de serre n’ont baissé aussi rapidement baissé que l’an dernier». S’il est vrai que les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur baisse en France, avec une diminution importante de 4,6 % au cours des trois premiers trimestres de 2023 (par rapport à l’année 2022), il est trompeur de croire que cette baisse est intimement liée aux politiques mises en place par l’exécutif. Selon le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), qui fournit les données officielles de ces émissions, la trajectoire en baisse est surtout liée à des facteurs conjoncturels, crise énergétique et problématique d’inflation en tête, plutôt qu’à une réelle stratégie de sobriété. Par Anaïs Moran
Le chef du gouvernement en défense des agriculteurs. «Il doit y avoir une exception agricole française», affirme Gabriel Attal, qui démarre son discours alors que des colonnes de tracteurs roulent vers Paris. «Face à l’empilement des normes», «l’agriculture doute et attend des réponses et des solutions. Nous serons au rendez-vous sans aucune ambiguïté», martèle-t-il. La crise agricole s’invite ainsi dès le début de sa déclaration, avec l’affirmation d’un traitement de faveur envers un mouvement extrêmement populaire. Par Laurence Benhamou
Attal dans les pas mémoriels de Macron. Souvent présenté comme une sorte de double d’Emmanuel Macron, le nouveau Premier ministre a entamé sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, en écho aux propos formulés par le président de la République, à la fois lors de ses vœux du 31 décembre, et lors de sa conférence de presse du 16 janvier. C’est-à-dire en présentant les trois événements considérés comme majeur pour l’exécutif pour l’année 2024 qui s’esquisse. D’abord les 80 ans du Débarquement, «un moment de libération d’une France de soutien à des Français qui, pour la plupart, n’avaient jamais cessé de croire en elle», selon les mots d’Attal, puis la réouverture de la cathédrale de Notre-Dame, «alors que l’image rétinienne des flammes reste aussi vive dans l’esprit, des Français», et enfin les Jeux Olympiques de Paris, image selon lui d’ «un monde bouleversé, un monde divisé, que nous accueillerons». Par Lucie Alexandre
Gabriel Attal met en regard la crise du Covid et celle du réchauffement climatique. Le Premier ministre se dit «confiant» en l’avenir, affirmant «connaître les Français, leur énergie, leur volonté, leur créativité» et faisant référence à la gestion de la pandémie de Covid par le gouvernement. «L’épidémie de Covid a mis à jour bon nombre de fractures dans notre société. Elle a poussé notre modèle social dans ses retranchements. Mais notre pays a tenu et nous avons protégé nos concitoyens mieux que beaucoup d’autres.» Il a ensuite rapproché cette crise du défi climatique auquel le monde fait face : «Le dérèglement climatique nous frappe plus dur, plus fort, plus souvent. L’exceptionnel devient la norme. Les catastrophes se multiplient, mais notre pays agit avec force, et jamais, dans son histoire, les émissions de gaz à effet de serre n’ont baissé aussi rapidement que l’an dernier.» Par Jean-Baptiste Chabran
Attal et le «rang de la France». «Dans un monde où tout s’accélère et se transforme, je refuse que notre identité puisse se diluer ou se dissoudre», a déclaré le Premier ministre devant l’Assemblée nationale. «La France a son rang à tenir, sa voix à faire entendre, sa singularité à imposer : nous avons une fierté française à maintenir, une fierté européenne à consolider», a poursuivi le chef du gouvernement, répétant son souhait d’«affronter pour avancer».
Pendant ce temps, le Président parle en Suède. «Ce serait de la facilité de tout mettre sur le dos de d’Europe», a répondu Emmanuel Macron à propos du mouvement de colère des agriculteurs. Interrogé au cours d’une conférence de presse avec le Premier ministre suédois, pendant le premier jour de sa visite d’Etat dans le royaume scandinave, le chef de l’Etat a affirmé avoir «beaucoup œuvré au niveau européen» pour améliorer les revenus des agriculteurs depuis son élection. Emmanuel Macron reconnaît cependant les «difficultés» rencontrées par certaines filières. Le Président a dévoilé les trois demandes qu’il allait adresser à Ursula von der Leyen jeudi lors de leur rencontre en marge d’un Conseil européen extraordinaire : «Avoir des mesures claires sur les importations venues d’Ukraine», en particulier les volailles et les céréales ; exiger de la «clarté» sur les négociations commerciales avec le Mercosur, en particulier sur une réciprocité des normes imposées aux agriculteurs et aux industriels ; une «souplesse sur la question des jachères et des prairies». Le Président s’en est également pris aux distributeurs, accusés de «contournement des lois françaises» avec leurs centrales d’achat implantées dans d’autres pays de l’Union européenne. Par Jean-Baptiste Daoulas
L’étrangeté française. Il joue son crédit en stéréo. Tandis que Gabriel Attal discourt devant l’Assemblée nationale, son texte est également prononcé, mot pour mot, au Sénat par… Bruno Le Maire. Le site officiel du gouvernement explicite : «La règle veut qu’au moment où le Premier ministre expose sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, celle-ci soit lue en même temps à la tribune du Sénat par un autre membre du Gouvernement.» C’est donc le ministre de l’Economie qui s’y colle devant la Chambre haute, quitte à ce que ça soit parfois un peu bizarre. Comme quand il a lu «Je suis né en 1989», ce qui est vrai pour Gabriel Attal mais évidemment inexact pour Bruno Le Maire (qui est né 20 ans plus tôt, en 1969), ainsi que le relève la sénatrice écologiste Mélanie Vogel sur Twitter.
Weird French stuff:
— Mélanie Vogel (@Melanie_Vogel_) January 30, 2024
Today in France, the Prime Minister is giving his speech, a sort of State of the Nation speech, in the National Assembly.
In the Senate, we have the finance Minister reading EXACTLY the same speech in parallel:
Bruno Le Maire just said “I was born in 1989”. pic.twitter.com/dO3e2OigKm
La gauche a déjà déposé sa motion de censure. Avant le discours du Premier ministre, la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a annoncé le dépôt d’une motion de censure par les groupes LFI, PS, PC et Ecologiste. La date de son examen par l’Assemblée n’est pas encore fixée. Aux termes de la Constitution, si la motion était adoptée par une majorité absolue de députés, le Premier ministre devrait remettre la démission du gouvernement. Un grand nombre de motions de censure ont déjà été présentées par telle ou telle opposition depuis le début du quinquennat, notamment en réaction à l’usage du 49.3 par le gouvernement. Mais aucune n’a été adoptée, même s’il ne s’en est fallu que de 9 voix pour celle du 20 mars 2023. C’est notamment en raison des réticences de la plupart des députés Les Républicains à joindre leurs voix à la gauche ou au Rassemblement national pour renverser le gouvernement. Par Dominique Albertini
Gabriel Attal entame son discours devant l’Assemblée nationale. Le Premier ministre a commencé à s’exprimer devant les députés en faisant directement référence à son jeune âge, 34 ans, et en s’inscrivant dans l’histoire française. «Je suis né en 1989, l’année du bicentenaire de la Révolution. Une année où l’on a cru que la démocratie libérale et le progrès universel triompheraient par eux-mêmes. Ma génération a vu l’inverse se produire parce que notre génération, partout dans le monde, voit son monde chamboulé plus fortement encore que tout autre avant elle.»
Les attentes de l’allié centriste. Après une séquence immigration qui a ébranlé le MoDem en décembre, qu’attendent les troupes de François Bayrou de la déclaration de politique générale de Gabriel Attal ? «On voudrait qu’il développe une vision politique claire de ce qui caractérise le camp présidentiel, à savoir le dépassement, la modération, et une sorte de discours de la méthode, puisque Emmanuel Macron a déjà présenté sa feuille de route» expliquait lundi à Libération le député MoDem du Finistère Erwan Balanant. À titre personnel, le vice-président de la commission des lois admire «le style Attal», fait selon lui, «de courage, d’audace, de prise de risques». De quoi teaser la prise de parole du nouveau Premier ministre, apparemment aussi nouvelle star de la macronie.
En Indre-et-Loire, Gabriel Attal tente d’apaiser à tout bout de champ. En déplacement sur une exploitation maraîchère près de Tours dimanche 28 janvier, le Premier ministre, froidement accueilli, a reconnu ne pas avoir répondu à tous les griefs des agriculteurs en rappelant tout de même les mesures annoncées vendredi. Notre reportage.
Le teasing de Matignon.
J'adresserai à la représentation nationale, à 15h, la feuille de route et les priorités du Gouvernement.
— Gabriel Attal (@GabrielAttal) January 30, 2024
Pendant que son Premier ministre va au charbon, Emmanuel Macron voyage. Grand écart au sommet de l’Etat. A Gabriel Attal, les barrages de tracteurs et la fosse aux lions de l’Assemblée nationale, à Emmanuel et Brigitte Macron les toasts partagés avec le roi Carl XVI Gustaf et la reine Silvia. Tout juste revenu d’une tournée en Inde, le président de la République entame ce mardi 30 janvier une visite d’Etat de deux jours en Suède, avant d’enchaîner sur un Conseil européen extraordinaire jeudi. Au moment où le Premier ministre prononcera son discours de politique générale, à 15 heures, Emmanuel Macron sera en pleine discussion avec des experts français et suédois de la défense. Après avoir validé la version définitive du discours de son chef de gouvernement avant qu’il ne soit dévoilé au Parlement.
Le sondage de «Libé» sur l’image d’Attal et Macron. Une relative bienveillance vis-à-vis du nouveau Premier ministre, un jugement sévère sur le chef de l’Etat, et la conviction que le quinquennat a basculé à droite : ce sont les principaux points qui se dégagent d’une enquête d’opinion réalisée pour Libération par Viavoice, du 19 au 22 janvier, auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 personnes. C’est d’abord en matière de pouvoir d’achat, de santé et d’éducation que les sondés souhaitent des annonces de Gabriel Attal, dont ils sont 43 % à juger qu’il peut «apporter des solutions utiles aux Français». A lire ici.
La gauche déposera une motion de censure. La gauche a poussé, insisté, mais sans succès. Faute de majorité absolue, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal ne se soumettra pas, cet après-midi, à un vote de confiance après sa déclaration de politique générale. Alors, pour marquer le coup, les groupes insoumis, communistes, écologistes et socialistes ont décidé de déposer une motion de censure contre le nouveau locataire de Matignon. «Elle permettra d’avoir, puisque nous n’avons pas de vote de confiance, un vote de défiance», a argué la présidente des groupes LFI Mathilde Panot ce mardi matin en conférence de presse. Selon elle, le vote qui devrait se tenir dans les prochains jours «permettra de clarifier dans le pays qui est dans l’opposition et qui est dans la majorité et le soutien à ce gouvernement» puisque «ceux qui ne voteront pas la motion de censure seront ceux qui, de facto, dans la majorité». Par Sacha Nelken
Gabriel Attal, la com d’Etat permanente. Qu’est-ce que «l’Attalisme» ? Au gré de son parcours, le Premier ministre a développé une doctrine opportuniste, reposant sur le parler cash et l’action rapide. Depuis 2017, Attal a grimpé les étages en refusant les étiquettes. «Quand on dit qu’on veut lutter contre le changement climatique, je ne sais pas si c’est dire qu’on est socialiste, républicain, de droite ou de gauche», louvoyait-il déjà en 2018. Transfuge du PS, tendance Strauss-Kahn, chouchou de l’électorat de droite, à tu et à toi avec le communiste Fabien Roussel, apprécié de la plus que droitière Nadine Morano, l’homme a un côté caméléon, à l’aise avec tout le monde. Une désidéologisation de la politique poussée à l’extrême. Notre analyse.
Agriculture, travail, éducation… Ce dont pourrait parler le Premier ministre. La «méthode Attal», censée être basée sur «l’action» et les «résultats», avec beaucoup de déplacements sur le terrain, est déjà mise à l’épreuve par les agriculteurs. Le chef du gouvernement profitera de son propos devant les députés pour dérouler ses objectifs à plus ou moins court terme. Selon son entourage, le discours s’articulera autour de quelques chapitres : «l’autorité et le régalien», «le travail et l’emploi», les «services publics» au premier rang desquels l’éducation et la santé, et enfin «l’agriculture et l’écologie».