En résumé :
- Les députés se sont prononcés ce jeudi 16 janvier à partir de 15 heures sur une motion de censure déposée par La France insoumise, à la suite du discours de politique générale de François Bayrou mardi. Le Premier ministre échappe à une chute rapide, grâce au concours du RN et du PS, qui n’ont pas participé au vote, à l’exception de huit élus du côté des roses.
- Au Parti socialiste, après de longues discussions, décision a été prise jeudi midi de ne pas voter la censure, convaincus par les concessions du gouvernement. Ecologistes et communistes, eux, avaient déjà annoncé qu’ils voteront la censure. Le Nouveau Front populaire pourrait pâtir de ces dissensions.
- Un autre défi se profile déjà pour le gouvernement Bayrou formé mi-décembre. L’Assemblée nationale reprendra le 3 février l’examen du projet de budget 2025 de la Sécurité sociale (PLFSS), texte sur lequel le précédent exécutif de Michel Barnier était tombé début décembre.
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Le dialogue n’est pas rompu, malgré la censure. Parti communiste et les écologistes entendent poursuivre les discussions avec le gouvernement de François Bayrou dans les prochaines semaines, bien qu’ils aient voté jeudi la censure à l’Assemblée nationale. «On va reprendre les discussions avec le gouvernement, sur l’environnement notamment. Quand on n’est pas là, personne ne le défend à notre place», a déclaré à quelques journalistes la cheffe des Écologistes Marine Tondelier. Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a affirmé de son côté dans un communiqué, sa volonté de poursuivre le dialogue «avec le gouvernement dans le cadre du budget de la nation comme celui de la Sécurité sociale» afin d’ «arracher des victoires sociales, écologiques et démocratiques».
Indulgence du RN et division de la gauche. Sans grand suspense, François Bayrou obtient le prolongement de son bail à Matignon, ce jeudi 16 janvier, après le rejet de la motion de censure déposée par La France insoumise, qui n’a recueilli que 131 voix. La majorité étant fixée à 289, il en aura donc manqué 158. Mais le maintien du Premier ministre ne faisait guère de doute : la droite et le Rassemblement national avaient annoncé qu’ils ne voteraient pas le texte, rendant son adoption numériquement impossible. Par Lucie Alexandre.
Colère insoumise. Sans surprise, les insoumis en veulent aux socialistes. Après Manuel Bompard, Jean-Luc Mélenchon et Clémence Guetté, c’est la présidente du groupe insoumis à l’Assemblée qui réagit à la non-participation des socialistes au vote de censure. Malgré les protestations des roses, qui assurent rester dans l’opposition et n’excluent pas de voter une motion à une prochaine occasion, Mathilde Panot ne décolère pas : les partenaires de 2024 ont aussitôt été rebaptisés en «assurance-vie du système» et en «supplétifs de la macronie». «Ils ont choisi de se mettre du côté du problème, c’est-à-dire d’Emmanuel Macron.»
Plusieurs députés PS ont quand même voté la censure. Selon les premières données divulguées par l’Assemblée nationale, plusieurs députés du PS ont fait faux bond à la consigne du groupe votée dans la journée. Il s’agit d’Alain David, député de la Gironde, Fatiha Keloua Hachi (Seine-Saint-Denis), Philippe Naillet (Réunion) et Claudia Rouaux (Ille-et-Vilaine). S’y ajoutent Pierrick Courbon (Loire), Paul Christophle (Drôme), Peio Dufau et Iñaki Echaniz, chacun des Pyrénées-Atlantiques. Ce qui fait, sur 66 députés, un peu plus de 12% de désobéissants. De quoi relativiser les propos de Dieynaba Diop, qui soutenait auprès de l’AFP après le vote : «Nous sommes unanimes aujourd’hui derrière Olivier Faure, qui a défendu très clairement le fait qu’il n’y aurait pas de censure aujourd’hui.»
Insuffisant.
— Fatiha Keloua Hachi (@KelouaF) January 16, 2025
Ce que propose le Gouvernement Bayrou est loin de répondre aux enjeux actuels, même avec les avancées obtenues par les socialistes.
J’ai voté la #CensureBayrou.#DirectAN pic.twitter.com/Zs9ss844BI
La motion de censure est rejetée. Seuls 131 députés ont pris part, votant la motion de censure contre le gouvernement de François Bayrou. Le texte déposé par LFI est donc rejeté.
Le verdict attendu en tout début de soirée. Selon nos informations, le résultat du vote de la censure devrait arriver peu après 18 heures.
Le RN maintient la pression. Le discours de Sébastien Chenu n’était pas vraiment celui d’un groupe qui ne vote pas la censure. «Vous n’avez ni l’envie, ni le courage de rompre avec les logiques macronistes», lance le député RN, reprochant à François Bayrou une «absence totale de cap, de vision, de courage, de solution pour notre pays». Si le groupe d’extrême droite décide de ne pas faire tomber le gouvernement pour le moment, il maintient toutefois sa pression sur l’exécutif. «Seul le respect sincère de nos électeurs vous préservera d’une censure», lance le député du Nord, avant de critiquer à nouveau les propos du ministre du logement François Rebsamen, qui avait reconnu ne pas «respecter le RN» mardi soir sur le plateau de BFMTV. L’occasion pour le député RN de rappeler un épisode similaire sous Barnier, lorsque le ministre de l’économie Antoine Armand avait exclu le parti de Marine Le Pen de «l’arc républician» : «En ostracisant le premier parti de France, vous montez la première marche de l’escalier qui, comme avec les propos de l’éphémère monsieur Armand, a conduit Michel Barnier à la censure»
S’il n’en reste que deux. La députée socialiste Fatiha Keloua Hachi, votera-t-elle la censure malgré la position présentée par son groupe ? Ce matin, avant la publication de la décision, donc, nos amis de Chez Pol nous apprenaient que deux élus PS pourraient bien faire faux bond à la consigne du groupe et joindre leurs voix à celles de leurs partenaires du NFP. Ne voyant «rien» dans les annonces de Bayrou justifiant la clémence, le député de la Réunion Philippe Naillet a annoncé qu’«en l’état, le Premier ministre ne nous laisse pas d’autre choix que de le censurer». Selon nos confrères de l’Opinion et Politico, la présidente de la commission des Affaires culturelles, Fatiha Keloua Hachi, serait décidée à la voter quelle que soit la position du groupe. Les deux sont des élus de territoires assez peu favorables au PS dans le rapport de forces à gauche : la Réunion pour le premier, la Seine-Saint-Denis pour la seconde, deux départements dominés par les insoumis et les communistes. Une géographie électorale à prendre en compte quand on sait que LFI a acté que le PS s’excluait de fait de du NFP avec cette position.
Réjouissance en macronie. Comme un goût de 2017. Voilà longtemps que les élus macronistes avaient trouvé des raisons de se réjouir du positionnement des socialistes. La décision des roses de ne pas voter la censure leur en fournit une sur un plateau. Ainsi de la députée Renaissance des Français de l’étranger Eléonore Caroit, «très heureuse qu’ils aient fait ce choix. Ca montre qu’ils sont dans une démarche de dialogue, ils sont dans une démarche beaucoup plus responsable qu’ils ne l’étaient il y a quelques semaines. Ils ont fait une erreur en censurant le budget».
Une assemblée déserte. Les rangs vous paraissent inhabituellement dépeuplés, surtout pour la première motion de censure du gouvernement Bayrou ? C’est tout simplement parce qu’il n’est pas besoin de faire le plein pour balayer ce genre de texte. En effet, on ne vote pas contre une motion de censure : on la vote, ou on ne la vote pas. Les députés qui ont décidé de ne pas la voter peuvent donc sécher la séance, ainsi qu’on le voit dans les rangs RN, très largement dépeuplés.
Au tour des communistes. «Nos compatriotes s’inquiètent de notre avenir et de celui du pays, pas du vôtre», lance la communiste Elsa Faucillon à François Bayrou. Reprochant au Premier ministre les mêmes choses que la France insoumise et les Ecologistes avant elle, sans fustiger le choix différent des socialistes, elle pointe du doigt le choix du gouvernement de reprendre le projet de budget de Michel Barnier, pourtant censuré en décembre dernier. «Aucune de vos annonces ne pourrait mettre un coup d’arrêt à ce qui provoque le véritable chaos dans ce pays, la pauvreté, pa précité, les licenciements, les bas salaires, la peur pour l’avenir les effets du réchauffement climatique», énumère la députée des Hauts-de-Seine, avant de conclure : «Nous avons décidé de vous censurer et vous n’avez rien fait pour l’empêcher.»
La motion de censure, comment ça marche ? Une fois la motion de censure déposée, le président de l’Assemblée nationale notifie la motion de censure au gouvernement et la rend publique. Au-delà de ces initiatives spontanées, les députés peuvent aussi déposer une motion de censure lorsque le gouvernement engage sa responsabilité devant l’Assemblée, sur un texte (article 49-3 de la Constitution). Le texte est alors adopté sans vote, sauf si une motion de censure déposée dans les 24 heures, est votée. Tous les détails ici
L’écologiste Chatelain fustige le «flou et l’inaction». Après avoir participé aux discussions avec le gouvernement et hésité plusieurs jours, les verts ont finalement décidé de censurer le gouvernement Bayrou. Mais au pupitre, la présidente Cyrielle Chatelain ne se fait pas d’illusion, en l’absence de vote du RN et du PS. «Monsieur, le Premier ministre, puisqu’il paraît évident qu’aujourd’hui vous ne tomberez pas, le travail qui vous attend est colossal», lance-t-elle à François Bayrou. Alors que François Bayrou n’a presque pas abordé la question écologique dans son discours de politique générale, la députée écologiste lui reproche l’absence d’annonce sur le travail, l’égalité femmes-hommes et les pistes d’économie budgétaire. «Derrière les oublis et les maladresses, les hésitations se dessinent, je pense, une stratégie, celle de vous maintenir au pouvoir grâce au flou et à l’inaction», fustige Cyrielle Chatelain au Premier ministre.
Pour Jean-Luc Mélenchon, le PS fracture le NFP. Si Olivier Faure a assuré que les socialistes restaient dans l’opposition, LFI ne l’entend pas de cette oreille. Le fondateur du mouvement Jean-Luc Mélenchon estime ainsi dans plusieurs tweets que «le PS fracture le NFP. Mais il capitule seul», en référence à la décision des écologistes et des communistes de voter la censure. Le triple candidat à la présidentielle va plus loin, estimant que l’absence de protestation des roses à la déclaration de politique générale vaut aussi pour «le PLFSS et le budget en recettes et en dépenses». Ce que Jean-Luc Mélenchon qualifie d’«offre de soutien sans participation».
A la France insoumise, on acte la rupture avec le PS. La députée insoumise Clémence Guetté est une des premières à dégainer après que les socialistes ont annoncé qu’ils ne voteraient pas la censure. Pour la coordinatrice du programme l’Avenir en commun, la décision a une signification : le PS «entre dans une coalition nouvelle de soutien à la macronie et s’exclut de fait du Nouveau Front populaire».
Le Parti socialiste ne votera pas la motion de censure.
— Clémence Guetté (@Clemence_Guette) January 16, 2025
Il entre dans une coalition nouvelle de soutien à la macronie et s'exclue de fait du Nouveau Front populaire.
Aux Français qui croient à l'immense espoir suscité en juin dernier : nous ne vous trahirons pas. Le combat… pic.twitter.com/zt9WWh4XJS
Pendant ce temps-là, dans le reste de la gauche. Alors qu’insoumis et socialistes invectivent les orateurs de l’autre groupe, le député écologiste Benjamin Lucas se désole.
Je vois le sourire de Manuel Valls au banc du gouvernement, Retailleau qui renouvelle son bail à Beauvau, la gauche qui se divise devant le pays. Gâchis.
— Benjamin LUCAS (@Benjam1Lucas) January 16, 2025
Mais cette divergence restera je l’espère ponctuelle. Notre union demeure indispensable. #NFP
Au tour d’Olivier Faure. Le Premier secrétaire du PS, tiraillé entre les exigences de La France insoumise et l’envie de négocier avec le gouvernement de Bayrou pour obtenir des avancées en contrepartie d’une non-censure. Le responsable, qui commence en assurant que ses collèges «sont et restent dans l’opposition», fait ensuite la liste des avancées obtenues et la leçon au Premier ministre. «Nous n’avons pas de négociation honteuse, vous ne devriez pas d’avantage en avoir honte. […] Les négociations n’ont pas transformé le budget en budget de gauche. Mais c’est notre honneur d’avoir évité aux Françaises et aux Français ces mesures qui ont un impact sur leur pouvoir d’achat et d’avoir rétabli un minimum de justice fiscale.»
Répondant aux interpellations des bancs insoumis, il leur rétorque : «Si vous êtes gênés, prenez la parole après moi.» Et de prévenir de nouveau le Premier ministre : «Que personne ne s’y trompe, si nous avons le sentiment que le dialogue est verrouillé, nous déposerons une motion de censure.»
Débat sur la censure, c’est parti. C’est le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard qui monte en premier au perchoir pour y présenter la motion de censure déposée par son groupe. L’élu des Bouches-du-Rhône y rappelle son intention de censurer le gouvernement et égratigne sans les nommer ses partenaires du Nouveau Front populaire : «Les raisons de vous censurer aujourd’hui sont nombreux mais certains dans cet hémicycle, sont prêt à sauver votre gouvernement et à servir de béquille au macronisme.» «Vous avez inventé la négociation où on est perdant à tous les coups», tance-t-il également, cette fois en direction du Premier ministre. François Bayrou lui répond dans la foulée, citant un courrier de décembre signé par les partenaires sociaux, s’inquiétant de «l’instabilité politique» et des «risques qu’elle fait peser sur notre pays». Le Béarnais poursuit, dressant un parallèle avec les postures de Donald Trump, «pas si éloignées des vôtres» : «Vous êtes dans une situation ou vous voulez choisir la guerre intestine au sein de notre pays.» De quoi ulcérer les rangs insoumis, au point de susciter une intervention de Yael Braun-Pivet : «Ce n’est pas un dialogue, seul le Premier ministre a la parole.»
Après leur bureau national, les députés PS ne voteront pas la censure du gouvernement Bayrou. Malgré le constat commun que le compte n’y était pas, une partie des députés, notamment ceux élus en zone urbaine, plaidaient pour censurer et envoyer un signal de «fermeté» au gouvernement, tandis que les autres, venant plutôt des territoires ruraux, plaidaient, eux, pour ne pas voter le texte signé par des insoumis, des communistes et des écologistes au nom, notamment, de la «stabilité». A lire ici
Le PS ne votera pas la censure. Il aura fallu des heures de discussions. Deux jours après la déclaration de politique générale de François Bayrou, alors que le reste de la gauche s’apprête à voter une motion de censure, le Parti socialiste, qui était réuni en bureau national, a décidé de ne pas la voter. Pendant leurs débats, les socialistes, qui étaient tiraillés en interne, ont transmis le courrier que leur a adressé le Premier ministre. Alors qu’ils demandaient des clarifications, estimant que son discours mardi n’avait pas été à la hauteur de leurs négociations, François Bayrou confirme le projet de taxe sur les hauts revenus ainsi que l’abandon du passage d’un à trois jours de carence en cas d’arrêt maladie pour les fonctionnaires. Sur les retraites, point clé des discussions, le Premier ministre acte que «si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord global», un nouveau projet de loi sera présenté, comme le demandaient les socialistes. Une victoire, pour les socialistes, qui ont donc décidé de se différencier du reste de la gauche en ne votant pas la motion de censure, qui n’avait de toute façon aucune chance de passer. Par Charlotte Belaïch et Sacha Nelken.