En résumé :
- Mardi, Sébastien Lecornu a prononcé sa déclaration de politique générale et a acté la suspension de la réforme des retraites jusqu’à la prochaine élection présidentielle.
- Après cette annonce, Olivier Faure a demandé à ses députés de ne pas voter les motions de censures qui seront soumises au vote jeudi, et à travailler pour faire évoluer le projet de budget, en taxant notamment beaucoup plus les milliardaires. Une consigne qui n’a pas forcément plu en interne.
- Le Premier ministre s’est à nouveau exprimé ce mercredi devant le Sénat où il a été reçu froidement par des sénateurs majoritairement de droite et mécontents de sa décision de suspendre la réforme des retraites.
- Retrouvez nos informations de la journée de mardi ici.
Interviewé par l’Humanité, le chef de file des députés socialistes, Boris Vallaud, a défendu ce mercredi soir le choix de son parti de ne pas censurer le gouvernement Lecornu II, et ce malgré les voix dissonantes en interne. La suspension de la réforme des retraites, simple retardement de l’échéance, n’est pas «la fin de la bataille», mais simplement une «première étape», a-t-il affirmé : «Nous avons fissuré le dogme macroniste et maintenant qu’on a introduit le pied de biche, on pousse. […] Nous n’avons pas changé. Nous sommes toujours pour l’abrogation de la réforme des retraites. Mais si on peut épargner tout de suite sa mise en œuvre à 3,5 millions de retraités, c’est une victoire.» Après avoir fait la désagréable expérience de sauver François Bayrou de la censure sans en être franchement remerciés, le socialiste a eu cette formule auprès du quotidien communiste : «Si on se fait balader, on enverra tout balader.» Et d’ajouter : «Nous ne donnons pas sa chance à M. Lecornu mais à la démocratie parlementaire.» Lire notre article
Ne pas censurer est la consigne, mais dans les rangs socialistes, elle n’est pas facile à tenir. Dans un communiqué publié ce mercredi soir, cinq députés d’outre-mer du groupe socialiste à l’Assemblée nationale ont indiqué qu’ils allaient voter la censure du gouvernement de Sébastien Lecornu jeudi, un vote «sans ambiguïté» contre «un gouvernement qui réaffirme de manière ostensible son désamour à l’égard des territoires d’outre-mer et de leurs populations». Jiovanny William (Martinique), Philippe Naillet (La Réunion) et Elie Califer (Guadeloupe) avaient déjà annoncé leur intention plus tôt dans l’après-midi, ils ont été rejoints par Béatrice Bellay (Martinique) et Christian Baptiste (Guadeloupe). Leur justification tient au fait que dans le budget présenté par le Premier ministre, leurs territoires «sont appelés à payer solidairement et disproportionnellement la note de la mauvaise gestion des finances à l’échelle nationale». Cela porte le nombre de députés socialistes réfractaires à 8, avec le patron de la fédération PS de la Drôme, Paul Christophle et ses collègues du mouvement «l’Avenir socialiste» Pierrick Courbon et Fatiha Keloua-Hachi, qui avaient appelé il y a trois jours à «voter sans délai une motion de censure, avec l’ensemble de la gauche et des écologistes» – même si pour l’instant, seul Paul Christophle s’est formellement engagé à la voter.
Le PS endossera-t-il le costume du trompé du budget 2026 ? Au lendemain de l’annonce de Sébastien Lecornu de mettre sur pause la réforme Borne, personne ne semble y voir clair. Quel sera le véhicule législatif retenu pour la suspendre ? Quid des «économies» mises sur la table pour compenser le coût de la suspension ? A quel âge de départ sera réenclenchée la réforme en 2028 ? Autant d’interrogations dans les pattes du gouvernement, suspendu au bon vouloir des socialistes pour échapper à la censure. Le Premier ministre a livré un début de réponse mercredi après-midi lors de sa première séance de questions au gouvernement au Palais-Bourbon. Au patron du groupe Horizons, Paul Christophe, qui craignait un «compromis» bâti «sur un mensonge», Sébastien Lecornu a précisé que le gouvernement déposerait un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), pour «aller le plus vite possible, avec des délais tenus et un débat de qualité et loyal». Libération fait le point.
Bruno Retailleau n’est pas content. «La droite ne peut pas accepter ce budget» car «aucune des exigences que la droite avait formulée à Sébastien Lecornu n’a été respectée», a taclé l’ancien ministre de l’Intérieur sur son compte Facebook, voyant dans la déclaration de politique générale prononcée du Premier ministre, «toutes les raisons pour lesquelles [il a] choisi de quitter le gouvernement». «Emmanuel Macron veut continuer à tout piloter, tout décider, tout imposer», s’est ému Bruno Retailleau, dénonçant également un «revirement spectaculaire sur les retraites» et la possibilité pour les socialistes d’«imposer leurs choix à loisir». Malgré le ton vindicatif de son message, le ministre sortant n’a semble-t-il pas appelé à la censure, assurant plutôt vouloir lutter «pied à pied pour combattre de tels renoncements et pour défendre nos propositions» dans «le cadre du budget».
La suspension de la réforme des retraites, promise par le Premier ministre français Sébastien Lecornu, aura «des implications budgétaires importantes», a estimé mercredi à Washington le commissaire européen à l’Economie Valdis Dombrovskis, qui attend de la France «des mesures pour respecter ses engagements» budgétaires. «Nous suivons» le débat sur le budget «avec attention, notamment les implications de la suspension de la réforme des retraites car cela aura des conséquences budgétaires importantes», a déclaré Valdis Dombrovskis lors d’un entretien accordé à l’AFP, ajoutant qu’«il est important que des mesures soient prises pour respecter ses engagements» fixés en termes de réduction du déficit public.
«Si j’étais député à l’Assemblée nationale, je voterais pour la censure du gouvernement», a déclaré François-Xavier Bellamy dans les colonnes du Figaro. Presque mot pour mot ce qu’avait affirmé la veille la présidente philippiste de la région Pays-de-la-Loire, Christelle Morançais. Aucun des deux n’est député, mais les voix pour la censure se multiplient au sein de l’ex- «bloc central». Après l’accueil plutôt froid (lire ci-dessous) de Sébastien Lecornu devant le Sénat, le sénateur LR Piednoir a appelé les députés de sa famille politique «les députés à voter selon nos valeurs de droite et à voter la censure dès demain». Et ce malgré la consigne officielle de non-censure édictée par Laurent Wauquiez.
Comme à l’Assemblée mardi, Lecornu a fait tenir en 31 minutes sa déclaration de politique générale. Ou plutôt sa «déclaration de politique pléthorique», a étrillé en réponse le président des sénateurs LR, Mathieu Darnaud. Le Premier ministre passe un sale quart d’heure face aux tontons flingueurs à la tête des groupes censés soutenir son gouvernement. Hervé Marseille (UDI) a un mot pour ses prédécesseurs Michel Barnier et François Bayrou qui, eux, «n’ont pas eu la faculté de renoncer à la réforme des retraites, ce qui leur aurait permis d’être là aujourd’hui». Bim. Avant de résumer l’efficacité des consultations menées par Lecornu pendant un mois : «Dites-moi de quoi vous avez besoin, on vous dira comment vous en passer.» Bam. Puis de comparer le triptyque de Lecornu – «le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez» – au gimmick de Chevallier et Laspalès : «C’est vous qui voyez !» Boum. Puis c’est au tour du taulier d’Horizons, Claude Malhuret, de moquer un budget «plus dur à monter qu’un meuble Ikea», ciblant les concessions faites au PS sur la suspension de la réforme des retraites : «Si nous vous en voulons un peu, nous comprenons vos difficultés, tacle ce proche d’Edouard Philippe. C’est pourquoi le Sénat va vous aider. Pas à faire plaisir aux socialistes, mais à leur résister !»
Les calculs se compliquent. Au moins quatre socialistes devraient braver la ligne décidée par Olivier Faure et voter la censure du gouvernement Lecornu, selon les informations du Figaro confirmées par un cadre du PS à Libération. Echaudés par les coupes budgétaires annoncées par Sébastien Lecornu dans les Outre-Mer, les trois élus ultramarins du groupe PS, Jiovanny William (Martinique), Philippe Naillet (La Réunion) et Elie Califer (Guadeloupe), ont rejoint sur les rangs des dissidents à la consigne le patron de la fédération PS de la Drôme, Paul Christophle, premier à déclarer publiquement qu’il voterait la censure.
Le gouvernement va proposer de «confier la gestion» du système de retraites aux partenaires sociaux, a annoncé ce mercredi devant le Sénat Sébastien Lecornu, qui attend des propositions «d’ici le printemps» sur ce sujet et sur les retraites de la conférence sociale qu’il veut installer. «J’ai confiance dans la démocratie sociale. Le ministre du Travail [Jean-Pierre Farandou] proposera de confier la gestion de notre système de retraites aux partenaires sociaux», a affirmé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant le Sénat, citant en exemple la gestion par les syndicats et le patronat du système de retraites complémentaires Agirc-Arrco.
Devant le Sénat, où après l’Assemblée mardi il présentait son discours de politique générale, Sébastien Lecornu a fait quelques ajustements dans le texte. Pour donner des gages à la droite sénatoriale, le Premier ministre a relativisé sa suspension de la réforme des retraites, pourtant clé pour obtenir la confiance des socialistes. «Suspendre, ce n’est pas renoncer, ce n’est pas reculer non plus», a-t-il assuré. Pas sûr que la gauche apprécie.
Devant le Sénat, le Premier ministre a annoncé ne vouloir aucune fermeture d’hôpitaux pour lutter contre les déserts médicaux. Répétant ses intentions en matière de décentralisation, il a par ailleurs appuyé devant la majorité sénatoriale, acquise à la droite, sa promesse de faire baisser «les moyens des administrations» et de «construire une politique migratoire stable, claire et fidèle» aux valeurs du pays.
«Comment peut-on se faire rouler dans la farine comme cela ?» Dans un message posté sur X, le député LFI Manuel Bompard a interpellé le PS sur sa décision de ne pas censurer Sébastien Lecornu, après que ce dernier a annoncé que la suspension de la réforme des retraites passerait par un amendement au Projet de loi de finances de la Sécurité sociale et non pas par une loi. «Cela veut dire que le Parti Socialiste devra voter la baisse des retraites pendant quatre ans ou la baisse de l’indemnisation des personnes atteintes de maladies chroniques pour que ce décalage puisse voir le jour», s’est agacé le coordinateur national de La France insoumise. «Pour obtenir la pseudo «suspension», il faudra que le PS vote pour les coupes massives dans le budget de la santé, la baisse du remboursement des soins, le gel de pensions de retraites, a ajouté son collègue Paul Vannier sur le même réseau social. Députés socialistes, il est encore temps de vous ressaisir et de censurer !»
Après l’Assemblée nationale, c’est au tour du Sénat de recevoir le Premier ministre Lecornu. La chambre haute avait déjà entendu la déclaration de politique générale par la bouche de Laurent Nunez, ministre de l’Intérieur et numéro 2 du gouvernement, mardi à 15 heures. Cette fois, c’est Sébastien Lecornu qui se déplace, pour un discours qui doit être «différent», selon son entourage.
«Il faut que le gouvernement dépose un amendement au projet de loi de finances pour la Sécurité sociale dès le mois de novembre.» Voilà ce qu’a répondu le Premier ministre au chef de file des députés Horizons Paul Christophe, qui le questionnait sur les modalités de la suspension de la réforme des retraites, à l’occasion de la première séance de questions au gouvernement.
Dans une lettre adressée au Premier ministre et publiée sur ses réseaux sociaux, le président de la commission des finances de l’Assemblée demande une clarification sur le véhicule législatif susceptible d’être utilisé pour entériner la suspension de la réforme des retraites. «Ce serait utile d’avoir une réponse avant jeudi matin, non ?», questionne Eric Coquerel sur X dans son message accompagnant le courrier. «Le 1er janvier 2028, repart-on là où on l’a arrêtée, soit 62 ans et 9 mois ? (Ce qui serait un décalage de la réforme bénéficiant aux générations nées de 1964 à 1968). Ou bien repart-on à 63 ans et 6 mois ? (Ce qui ne serait qu’une pause dans son application uniquement favorable aux générations nées en 64 et 65 mais donc sans effet sur les suivantes)», interroge également le député insoumis de Seine-Saint-Denis.
Par l’intermédiaire de leur nouveau président, élu en septembre, les Jeunes LR appellent à «une rupture nette et franche» avec le bloc central. «Nous refusons de nous macroniser en restant dans un gouvernement qui cède à toutes les lubies socialistes», a assuré Théo Am’Saadi dans un entretien accordé à Paris Match, alors que six personnalités de LR, exclues du parti depuis, ont rejoint l’équipe Lecornu II. «Les Jeunes Républicains veulent que la droite reste à droite et refuse de plier face aux fantaisies de la gauche», a insisté Théo Am’Saadi, selon qui les députés LR «doivent tout faire pour éviter la faillite budgétaire» et tant pis «si cela doit passer par la censure, alors nous devons avoir le courage de censurer».
Sanctions, pouvoirs d’enquête, calendrier parlementaire… Yaël Braun-Pivet, a présidé ce mercredi matin la première réunion d’un groupe de travail lancé à son initiative et visant à réformer les règles régissant le travail des députés. L’objectif de ce groupe, qui doit se réunir environ une fois tous les quinze jours jusqu’à avril, est «une Assemblée plus efficace, plus ouverte et plus responsable», a écrit la présidente de l’Assemblée. L’idée est de dégager «des solutions consensuelles» pour proposer une réforme du règlement de l’Assemblée nationale qui pourrait s’appliquer à partir de la prochaine législature, selon un communiqué de la présidence du Palais Bourbon. Mais aussi de «tirer collectivement les enseignements d’une pratique parlementaire en majorité relative».
Première partie du dense programme qui attend Sébastien Lecornu et sa nouvelle équipe cet après-midi, les QAG doivent commencer à 14 heures dans l’hémicycle.
Quel véhicule doit permettre d’aboutir à la suspension du texte sur les retraites ? Les modalités de la suspension de la réforme proposée par Sébastien Lecornu ne sont «pas tranchées», à savoir si elle passera par un amendement gouvernemental ou un texte ad hoc, a appris l’AFP mercredi auprès de Matignon. Entendue par la commission des Finances de l’Assemblée nationale mardi soir, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a affirmé que cette suspension ferait l’objet d’un «amendement» au projet de budget de la Sécurité sociale, alors que le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou sur France 2 évoquait une loi, sans dire si elle serait spécifique.
Chez Pol
Sera-t-elle la candidate investie par Les Républicains pour les élections municipales à Paris en 2026, alors même qu’elle a rejoint le gouvernement de Sébastien Lecornu contre l’avis de son parti ? Les Républicains ont désavoué Rachida Dati après son retour au ministère de la Culture dans le gouvernement Lecornu II, mais pour l’heure sans exclusion formelle ni retrait de son investiture dans la capitale.
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