En résumé :
- Jean-Marie Le Pen est mort ce mardi 7 janvier aux alentours de 12 heures, à l’âge de 96 ans. Le fondateur du Rassemblement national et finaliste de la présidentielle 2002 était hospitalisé depuis plusieurs semaines dans un établissement de Garches, dans les Hauts-de-Seine.
- «Au-delà des polémiques» et «des affrontements nécessaires sur le fond», le Premier ministre François Bayrou a jugé que Jean-Marie Le Pen «aura été une figure de la vie politique française». Selon l’Elysée, le créateur du FN a joué un «rôle dans la vie publique» qui «relève désormais du jugement de l’Histoire».
- Dans l’avion de retour d’un déplacement à Mayotte, la patronne de l’extrême droite, Marine Le Pen, n’a pas encore réagi. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a salué quelqu’un qui «a toujours servi la France». Le chef des insoumis Jean-Luc Mélenchon a de son côté estimé que si le «combat» contre Jean-Marie Le Pen était désormais «fini», celui «contre la haine, le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme […] continue».
- Des rassemblements ont été organisés dans plusieurs villes de France ce mardi soir, comme Paris, Marseille ou Toulouse, après «la mort de ce symbole de l’extrême droite».
Pour «Libé», le combat continue. «Non». Jean-Marie Le Pen est mort et c’est ce mot qui naturellement s’impose : ce «non» qui résume la longue confrontation entre Libération et celui qui incarna des décennies durant le visage de l’extrême droite française. La mort du fondateur du Front national ne signe pas la fin du mouvement ripoliné en Rassemblement national par sa fille Marine Le Pen. Bien au contraire, jamais l’extrême droite n’a semblé aussi proche du pouvoir. Contre ses valeurs xénophobes et mortifères, Libé a veillé, veille et veillera.
L'édito de Paul Quinio
Une messe en famille samedi avant un enterrement à la Trinité ? En 2018, Jean-Marie Le Pen avait fait part de son souhait d’être enterré au cimetière de La Trinité-sur-Mer (Morbihan) dans la tombe familiale. Le souhait du natif de cette bourgade bretonne devrait devenir réalité. Selon le Parisien, les obsèques du fondateur du Front national se tiendront ce samedi dans la commune bretonne. D’abord pour une messe dans l’intimité familiale, avant une autre cérémonie plus large dans une église parisienne.
«Bonne année, bonne santé, Jean Marie est décédé !» Deux heures environ après le début de «l’apéro géant» pour la mort du fondateur du FN sur la place de la République, le haut lieu de la gauche parisienne commence doucement à se vider. Mais les courageux s’ambiancent pour se réchauffer. Plusieurs petits groupes lancent des chorégraphies qui ne passeraient pas le premier tour de Danse avec les Stars, sur l’air de «Bonne année, bonne santé, Jean Marie est décédé !» Devant un fast food, un imposant camion klaxonne et le chauffeur salue de la main. Des hourras suivent. Ce soir, «la jeunesse emmerde la Front national». Une partie en tout cas. Par notre reporter Ludovic Séré
Au Rassemblement national, une mort qui efface tout. Si Marine Le Pen, encore dans l’avion de retour de Mayotte, ne s’est pas exprimée ce mardi, ses lieutenants ont préféré oublier les aspects les plus embarrassants du fondateur du FN. La mort de celui qui dirigea pendant trente-neuf ans le Front national (FN), devenu Rassemblement national (RN) en 2018 après son exclusion, était aussi attendue que redoutée par ses légataires. Bénéficiaires de la sédimentation des thèmes lepénistes dans le débat politique tout autant que comptables de ses innombrables discours racistes, antisémites et homophobes, les cadres du parti d’extrême droite gargouillaient en général d’embarras au moment d’évoquer l’encombrant précurseur. Mais un concert assez uniforme d’absoutes s’est élevé dans les rangs du parti d’extrême droite. Notre analyse à lire ici.
«Sa mort risque de continuer le travail de dédiabolisation.» Bim bam boom boom boom bam bang, certains manifestants ont visiblement fait le plein de feux d’artifice, alors que des fusées multicolores pètent au-dessus de la statue de la République, sur la place parisienne. Natacha lève la tête. Elle regrette de ne pas avoir sa caméra sur elle. Cette prof de cinéma de 52 ans a appris «la bonne nouvelle» alors qu’elle donnait cours ce midi, à Amiens. Elle devait rentrer chez elle ce soir mais elle a fait un crochet par «Répu». «C’est réjouissant de voir de voir tous ces jeunes.» Engagé, elle assume l’étiquette d’extrême gauche, Natacha observe un «besoin de se retrouver» face à «l’extrême droite qui prospère». Mais l’horizon est sombre. «Il est mort, enfin. Mais sa mort risque de continuer le travail de dédiabolisation.» Les réactions laudatives, ou tout du moins gênées aux entournures, d’une partie de la classe politique ne disent pas autre chose. Par notre reporter Ludovic Séré
Feux d'artifice, fumigènes, champagne, confettis... scène de liesse sur la Place de la République à Paris après la mort de Jean-Marie Le Pen. pic.twitter.com/ceshRFqsxK
— Luc Auffret (@LucAuffret) January 7, 2025
«Aucune bienveillance à accorder au passé d’un homme qui a torturé en Algérie», enfonce Olivier Faure. Ce mardi soir, c’est au tour du premier secrétaire du Parti socialiste de réagir à la mort du fondateur du FN. Si le député de Seine-et-Marne estime sur X qu’«il est légitime de respecter le deuil de la famille de Jean Marie Le Pen», il affirme qu’«il n’y a aucune bienveillance à accorder au passé d’un homme qui a torturé en Algérie et qui pensait que les chambres à gaz étaient un détail de l’histoire». «Même la mort n’autorise pas la banalisation d’actes ou de propos qui défiaient la loi et contredisaient les valeurs de la République», poursuit Olivier Faure, en promettant qu’«aujourd’hui et demain, [la gauche fera] face aux idées de l’extrême droite».
Les idées de Le Pen «n’ont rien d’ordinaire». Matthias, 27 ans, et Mélodie, 26 ans, sont un peu en retrait du millier de personnes environ qui se trouvent désormais sur la place de la République. Tandis qu’au pied de la statue de la République, s’improvise une convergence des luttes entre militants contre la LGBTphobie et des drapeaux palestiniens, les deux vingtenaires se laissent aller à un espoir vain, bière à la main : «Que le fascisme meurt avec Jean-Marie Le Pen». «Il a créé un parti de haine, répandu des idées nauséabondes, il est une incarnation de ces valeurs», développe Mélodie. Issue d’une famille immigrée, celle qui dit travailler dans le social préfère changer son nom «à cause du climat actuel». Son ami Matthias, prof en région parisienne, rappelle que Jean-Marie Le Pen et ses idées «n’ont rien d’ordinaire, donc son héritage n’est pas ordinaire non plus». Et de s’en prendre aux personnalités qui ont pu lui rendre hommage aujourd’hui : «Les gens doivent se souvenir que Jordan Bardella soutient l’héritage de Le Pen». Par notre reporter Ludovic Séré
L’ex-voto de Marion Maréchal. «Pars tranquille, je n’abandonnerai pas la mission», a salué mardi la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, dans un long message ce mardi soir. «Tu as suscité, tout au long de ta vie, des centaines de milliers de vocations. Tu as permis, longtemps seul contre tous, que des millions de Français soient de nouveau fiers d’eux-mêmes et de leur pays», a poursuivi l’eurodéputée d’extrême droite. Celui qui était le plus jeune député lors de son élection en 1956 à l’Assemblée nationale - il était le dernier député de la IVe République encore en vie - doit, selon ses volontés, être inhumé à La Trinité-sur-Mer (Morbihan), où reposent ses parents.
«Pour moi, c’était le vieux monsieur raciste à la télé». Tandis que les rangs se garnissent quelque peu dans le froid parisien de la place de la République, Matthieu, 22 ans, hurle avec une bouteille de Champomy à la main. «C’est déjà ça», rigole-t-il sous son bonnet bariolé. Pour lui, Jean-Marie Le Pen, c’était «le vieux monsieur raciste à la télé». «C’est un symbole. On sait bien que le fascisme n’est pas fini, le combat continue, mais l’époque est tellement difficile que cela fait du bien de se rassembler pour une bonne nouvelle.» Par notre reporter Ludovic Séré
François Bayrou vivement critiqué. Qualifiant de «polémiques» les condamnations et les propos racistes de l’ancien président du Front national dans son message après la mort du fondateur du RN, le Premier ministre Bayrou a provoqué la colère d’une partie de la classe politique. Ces mots sont bien trop légers pour la gauche au vu des multiples condamnations pour «contestation de crimes contre l’humanité» et des nombreux propos racistes de Jean-Marie le Pen. Notre article à lire ici.
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«Ce sale raciste est mort». A l’heure du rendez-vous, 19 heures place de la République à Paris, quelques centaines de personnes ont répondu à l’appel du collectif les Inverti.e.s et du NPA pour un apéro géant, après la mort de Jean-Marie Le Pen. «Ce sale raciste est mort», peut on lire sur une pancarte faite à la hâte dans la journée. Le classique «pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos», tourne en boucle. Par notre reporter Ludovic Séré
Un apéro géant place de la République à Paris après la mort «d’un symbole de l’extrême droite». Le collectif les Inverti.e.s, qui avait «réhomosexualisé» la passerelle Debilly à Paris, appelle celles et ceux «qui étaient dans la rue en juin et juillet 2024, comme en mai 2002, toute la gauche et qui combattent ces idées nauséabondes» à les rejoindre à 19 heures pour un «apéro géant» place de la République à Paris après la mort «d’un symbole de l’extrême droite». «Nous avons trop souvent l’habitude de pleurer nos morts, écrit le collectif sur Instagram. Ceux du sida, quand Jean-Marie Le Pen leur crachait dessus ; du racisme quand Jean-Marie Le Pen était tortionnaire en Algérie ; de l’antisémitisme, quand Jean-Marie Le Pen en parlait comme d’un ‘‘détail de l’histoire’’ ; celles des avortements clandestins quand Jean-Marie Le Pen s’opposait au droit à l’IVG ; et celles et ceux des migrant·es, qui continuent de périr des frontières dans l’indifférence générale.» Des rassemblements similaires sont prévus à Marseille, Bordeaux, Lille ou Toulouse. Par notre reporter Ludovic Séré
⚫️ Maréchal, le voilà. Jean-Marie Le Pen est mort à 96 ans. C'est la une de Libé ce mercredi.
— Libération (@liberation.fr) 7 janvier 2025 à 18:20
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«Le combat n’a pas été vain» : SOS Racisme réagit à la mort de Jean-Marie Le Pen. «En ce jour, nous voulons rendre hommage aux générations militantes qui ont donné de leur temps, de leur jeunesse et de leur énergie pour combattre le FN et ses idées», a écrit ce mardi 7 janvier l’organisation de lutte contre le racisme, qui s’est constituée en 1984 contre la montée en puissance de l’extrême droite, sous l’impulsion de Jean-Marie Le Pen. «Ce combat n’a pas été vain, poursuit l’association dans son communiqué. Toutes les études l’attestent : les préjugés racistes antisémites et xénophobes ont reculé dans la société. Pourtant, l’action dans la durée de Le Pen aura contribué à ce que le FN, devenu RN, s’inscrive dans la vie politique française et gagne en crédibilité. […] Que ce jour soit aussi l’occasion de rappeler que le cœur du programme du FN – la préférence nationale – reste celui du RN tandis que les profils des candidats du RN ont rappelé à quel point la prétendue rupture était un leurre.»
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Lors des résultats du premier tour de l’élection présidentielle 2012.
Jean-Marie Le Pen, un grand Guignol. Les Guignols de l’info ont dit au revoir à Jean-Marie La Pen à leur façon, en partageant une vieille vidéo de la marionnette du fondateur du FN, interviewée par PPD, manière de dénoncer ses obsessions antisémites.
Jean-Marie Le Pen nous a quittés. pic.twitter.com/lTFWm6CNsE
— Les Guignols (@LesGuignols) January 7, 2025
«Vous n’êtes que des SS au petit pied» : en 1979, la réponse de Simone Veil à Jean-Marie Le Pen. En juin 1979, alors candidate aux élections européennes, Simone Veil doit tenir un meeting rue Lepic à Paris. Elle y est accueillie par un commando du Front national, et son leader, Jean-Marie Le Pen, en personne, venus perturber la réunion. Menaçants, les militants présents – tous des hommes – tentent de l’interrompre en hurlant des slogans. Depuis la tribune, Simone Veil ne se laisse pas intimider. «Vous ne me faites pas peur. Pas peur du tout, leur répond la survivante des camps nazis. J’ai survécu à bien pire que vous. Vous n’êtes que des SS au petit pied.» La vidéo de cet incident, capturée par une caméra de TF1, est impressionnante. L’attaque menée par les «commandos d’extrême droite» dégénère ensuite en bagarre générale. «Les militants du Front national se sont déchaînés en poussant des hurlements, lançant des œufs pourris, des bombes lacrymogènes», commentait alors le journaliste à l’origine du reportage. Le vrai visage du FN et de son fondateur.
Le président de SOS Racisme partage une photo d’Ibrahim Ali, tué par un colleur d’affiches du FN en 1995. Loin de rendre hommage à Jean-Marie Le Pen, le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, a préféré poster sur X une photo d’Ibrahim Ali, jeune homme de 17 ans, tué le 21 février 1995 à Marseille «par des colleurs d’affiches du FN». «Hommage à toutes les victimes du racisme que Jean-Marie Le Pen s’ingénia à diffuser dans notre société», ajoute l’enseignant.
Jean-Marie Le Pen est mort à l'âge de 96 ans. Sa photo s'affiche ad nauseam. Je préfère afficher celle d'Ibrahim Ali qui, à 17 ans, fut tué par des colleurs d'affiches du FN. Hommage à toutes les victimes du racisme que Jean-Marie Le Pen s'ingénia à diffuser dans notre société. pic.twitter.com/cA3h7gnthc
— Dominique Sopo (@d_sopo) January 7, 2025
Mort de Jean-Marie Le Pen : les unes de «Libé». De son premier succès majeur, en 1984, à son crépuscule politique, l’ancien président du Front national a souvent fait la une de Libération. Retour sur quarante ans de premières pages dans un diaporama.
Une borgne journée sur les réseaux sociaux. «Est-ce que Jean-Marie Le Pen est mort ?» Habitué à poster un «Non» par jour, le fameux compte X homonyme a enfin pu dire «Oui», ce mardi 7 janvier 2025. La publication, aimée par 142 000 personnes, a été suivie d’un bon nombre de démonstrations de joie virtuelle et d’une surenchère de mèmes sur les réseaux sociaux. L’émoji champagne aura été davantage brandi que pour se souhaiter la bonne année et plusieurs internautes ont carrément annoncé l’annulation du Dry January pour s’offrir quelques bulles en l’honneur de la mort du fondateur du FN. Afrodite Amour, compétitrice de la troisième saison de Drag Race France, a rappelé qu’on pouvait embaucher des drag-queens pour toutes les occasions, enterrements inclus, et d’autres ont avoué être enfin contents de voir Le Pen dans l’urne… Sur Instagram, le collectif les Invertis a même appelé à un apéro géant sur la place de la République à Paris, à partir de 19 heures.
OUI.
— Est-ce que Jean-Marie Le Pen est mort ? 🇵🇸 (@JMLP_DEAD) January 7, 2025