En résumé :
- Ce vendredi 10 octobre à 22 heures, Emmanuel Macron a décidé de renommer Sébastien Lecornu à Matignon, quatre jours après sa démission en raison de l’explosion du «socle commun» macronie-LR. Le Président lui a donné «carte blanche», pour constituer son gouvernement ainsi que sur le fond des négociations avec les oppositions.
- Le désormais ex-Premier ministre démissionnaire a déclaré dans la foulée avoir accepté «par devoir» cette mission. Il entend nommer dans son gouvernement «Lecornu II» des ministres qui «devront incarner le renouvellement» et «s’engager à se déconnecter des ambitions présidentielles pour 2027».
- A la sortie de la réunion à l’Elysée ce vendredi après-midi, la gauche déplorait qu’Emmanuel Macron penche vers un Premier ministre du bloc central. Après la nouvelle nomination de Lecornu, le PS a assuré qu’il n’y a pas à cette heure de «deal» pour un accord de non-censure. Le PCF, lui, semble pencher vers la censure, tout comme les écologistes.
- La France insoumise, qui demande la démission d’Emmanuel Macron, a clairement redit sa volonté de censurer en raison du «nouveau bras d’honneur aux Français». Idem pour le Rassemblement national, qui dénonce un «attelage sans aucun avenir».
- Suivez notre nouveau direct samedi 11 octobre pour les réactions à la nomination de Sébastien Lecornu
Après s’être fendue d’un simple «Incroyable» sur X, la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier s’est dite «abasourdie» sur LCI par cette décision «illégitime» : «Je ne sais pas comment c’est possible. J’ai l’impression d’être dans une boucle spatio-temporelle. Je ne comprends pas ce qui est en train de se passer dans ce pays.» Elle tente ce résumé : «Le président de la République, Emmanuel Macron, a décidé de ne pas rendre le pouvoir, de s’y accrocher alors qu’il a perdu les élections et de continuer dans une voie alors que tout le monde sait qu’elle conduit à l’échec.» Interrogée sur la réaction que va avoir son parti face à un gouvernement Lecornu II, elle affirme ne voir «aucun argument pour ne pas le censurer». D’ici là, elle ira se «coucher en colère et triste pour la France»
Pas de réaction forte d’Horizons, du Modem ou de Renaissance. Et encore moins de la part de LR… Ça laisse songeur sur la solidité du «socle commun». Dans les oppositions, la position du PS n’est pas encore tranchée. Alors pour tenter d’imaginer le «trou de souris» que Lecornu et Macron imaginent à l’Assemblée nationale, vous pouvez vous essayer à notre simulateur de majorité ici.
Dénonçant sur X «l’inacceptable entêtement du Président», le Parti communiste martèle : «Sans rupture ce sera donc la censure : retour aux urnes !» Son porte-parole, le sénateur Ian Brossat, enfonce le clou : «Se foutre de la gueule du monde, c’est une chose. Le faire aussi méthodiquement et aussi ostensiblement, c’est inédit. Le déni démocratique et le mépris sont à leur comble.» «Passons-les par les urnes», résume le président du PCF, Fabien Roussel.
Pour le RN, la situation est sans appel : le parti «censurera bien sûr immédiatement cet attelage sans aucun avenir», affirme son président, Jordan Bardella, qui dénonce «une mauvaise plaisanterie, une honte démocratique et une humiliation pour les Français». Marine Le Pen abonde sur X : «La manœuvre est aujourd’hui transparente : l’abandon du 49.3 n’avait pour seul objet que de permettre de passer le budget par ordonnances. Les manœuvres continuent, la censure, par conséquent, s’impose et la dissolution est plus que jamais incontournable.»
Si l’horaire de la nouvelle nomination de Sébastien Lecornu, à 22 heures un vendredi soir, vous laisse vous aussi songeur, rappelez-vous le moment de l’annonce de la composition du gouvernement Bayrou : le 23 décembre, veille du réveillon de Noël - et jour de deuil national à Mayotte après le cyclone Chido. Voici comment ne pas aider les Français à s’intéresser à la vie politique en une leçon.
Témoignages
Du côte de «l’Après», le parti fondé par les purgés de La France insoumise, c’est également la consternation. Pour la députée de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain, «la censure est au bout de la grossièreté présidentielle». Alexis Corbière, lui, évoque sur X un épisode «grotesque et inquiétant» : «Inacceptable qu’un homme seul puisse ainsi accaparer le pouvoir.» Danielle Simonnet quant à elle dézingue : «Macron, quel foutage de gueule !»
«La France et son peuple sont humiliés», a déploré le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard sur X, dans la foulée du communiqué de l’Elysée annonçant la reconduction de Lecornu à son poste. «Un nouveau bras d’honneur aux Français d’un irresponsable ivre de son pouvoir», a-t-il ajouté, tout en précisant que son parti déposera une «nouvelle motion de destitution du président de la République» et censurerait le prochain gouvernement. «Macron ne peut faire autre chose que du Macron», raille lui aussi le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, sur X. «À chaque tour du manège le pompon reste au même endroit.»
Incroyable.
— Marine Tondelier (@marinetondelier) October 10, 2025
Nos confrères du Parisien ont brièvement annoncé ce vendredi soir un accord de non-censure qui aurait été avec le Parti socialiste pour la reconduction de Sébastien Lecornu à Matignon. Mais ledit Parti socialiste vient malgré tout de démentir : «Il n’y a absolument aucun deal avec le PS, il n’y a aucune assurance, ni garantie», affirme le secrétaire général du PS et eurodéputé Pierre Jouvet. Pour le PS, la suspension de la réforme des retraites semble nécessaire pour parvenir à un tel compromis. «Sur la suspension de la réforme des retraites, nous ne désarmerons pas. Nous voulons être sûrs que nous ne sommes pas face à une mascarade qui conduirait à beaucoup de déceptions», martelait mercredi encore le premier secrétaire, Olivier Faure.
Le Président «donne carte blanche au Premier ministre» Sébastien Lecornu, a assuré vendredi soir l’entourage du président. Cela concerne «les négociations» sur le fond avec les partis politiques comme «les propositions de nominations», a précisé à l’AFP un proche du chef de l’Etat.
Et le voilà qui rempile pour un gouvernement «Lecornu II», alors que lui-même avait annoncé lors d’une interview donnée mercredi soir que «sa mission était terminée». Dans la foulée de l’annonce par l’Elysée, le Premier ministre, qui n’est désormais plus démissionnaire, écrit dans un message sur X que le nouveau gouvernement «devra incarner le renouvellement», avec des ministres qui devront «s’engager à se déconnecter des ambitions présidentielles pour 2027». «Tous les dossiers évoqués» pendant les consultations avec les oppositions seront «ouverts au débat parlementaire», ajoute-t-il, tout en ajoutant vouloir «mettre un terme à cette crise politique qui exaspère les Français et à cette instabilité mauvaise pour l’image de la France et ses intérêts».
A 22 heures ce vendredi soir, l’Elysée annonce que le Premier ministre sortant, dont le - premier - gouvernement a tenu à peine quatorze heures avant sa démission lundi, est renommé à Matignon. «Le président de la République a nommé M. Sébastien Lecornu Premier ministre, et l’a chargé de former un gouvernement», a dit l’Elysée dans un communiqué tenant en une seule et unique ligne, sans aucune autre précision après de longues tractations.
La cheffe des Ecologistes s’est, elle aussi, montrée très acide envers le chef de l’Etat et le spectacle affligeant de ces derniers jours : «On assiste à une comédie musicale dont le décor est en train de tomber, et le chef d’orchestre dit : ‘’Non non, continuez à jouer !’’», a-t-elle lancé sur BFM. Marine Tondelier a aussi raconté les coulisses de la réunion de l’après-midi à l’Elysée. Evoquant d’abord un «escape game sans règle», faute de plan de table, pour savoir où s’asseoir autour d’Emmanuel Macron, elle a aussi constaté que «Gabriel Attal arrivait là sans savoir ce qui allait se passer, alors que c’est le chef du parti présidentiel». L’écologiste a ensuite déploré plusieurs moments «lunaires», montrant notamment que «le socle» macroniste-LR «n’a plus rien de commun».
Nomination du Premier ministre: Marine Tondelier raconte les coulisses de la réunion à l’Élysée avec les chefs de parti, à l'exception de LFI et du RN, et Emmanuel Macron pic.twitter.com/8tkNduoipc
— BFMTV (@BFMTV) October 10, 2025
Emmanuel Macron est-il le pire président de la Ve République : «Après la séance de ce soir et la semaine qu’on a vécue, il a gagné le concours haut la main», a cinglé sur BFMTV celui qui était pourtant l’un des soutiens de la première heure du Président. Avant d’ajouter : «Il n’est pas fou, il est narcissique».
La fracturation du «socle commun» pourrait se poursuivre. La formation Horizons de l’ex-Premier ministre n’apprécie pas qu’Emmanuel Macron envisage de déclarer une partie des effets de la réforme des retraites, et pourrait ne pas participer au nouveau gouvernement. Le porte-parole du parti, Arnaud Péricard, affirme ce vendredi soir au Figaro qu’il y a «un large consensus au bureau politique autour d’un soutien sans participation. Nous attendons de voir qui sera Premier ministre». Horizons était membre de la coalition centriste depuis sa création en 2021. Cependant, si les députés d’Edouard Philippe s’abstenaient de voter la censure, cela ne menacerait pas la nouvelle équipe gouvernementale.
Analyse
Emmanuel Macron joue une nouvelle fois à l’horloger. Alors que BFMTV claironnait que le chef de l’Etat devait s’exprimer «avant 20 heures» ce vendredi, minuteur à l’appui en haut à droite de l’écran, la France reste encore et toujours dépourvue de Premier ministre. Alors sur le plateau de la chaîne d’info, on se met à pinailler : en effet, l’Elysée avait annoncé mercredi soir une décision du Président «dans les 48 heures». Or, le communiqué de la présidence avait été envoyé à «21 h 51» très précisément, relève-t-on sur BFM. De quoi, si on respecte les horaires - ce qui n’est clairement PAS l’apanage de Macron -, nous assurer encore un peu plus d’une heure d’attente fébrile. Ou de vide à combler sur les chaînes d’info en continu.
D’après son entourage, à l’issue de la réunion avec les représentants des partis politiques à l’Elysée dans l’après-midi, le président de la République estime ce vendredi soir qu’il y a «un chemin possible» pour «tisser des compromis et éviter la dissolution». «C’est sur cette base que désormais il prendra ses responsabilités en nommant un Premier ministre», a ajouté un membre de l’entourage d’Emmanuel Macron, sans toutefois donner plus de précisions sur les délais de cette nomination, ni sur le profil du futur chef de gouvernement. Concernant les retraites, le chef de l’Etat considère la possibilité de décaler d’un an certains des effets de la réforme.
Lors de la réunion organisée autour d’Emmanuel Macron à l’Elysée, le patron des LR l’a une nouvelle fois répété : selon lui, «la gauche n’a aucune légitimité à gouverner». Selon ses propos rapportés par son entourage et cités par BFMTV ou Le Parisien, le ministre démissionnaire de l’Intérieur a également asséné que «Matignon ne pouvait plus être une annexe de l’Élysée», expliquant que le socle commun «tel que construit par Michel Barnier», était mort dimanche soir lors de la formation de l’éphémère gouvernement Lecornu. «S’il doit y avoir un avenir en commun, ce sera sur le fond, par une plateforme programmatique», a-t-il affirmé, d’après les informations de LCI. Reste à savoir si les députés de son parti sont sur la même ligne que lui.
Pause musicale. Alors que Marine Tondelier venait de conclure sa prise de parole devant les journalistes à sa sortie de la réunion à l’Elysée, le chef de Renaissance Gabriel Attal est passé dans son dos sans s’arrêter. L’image de l’ancien Premier ministre quittant la cour du palais sans être accompagné a suscité l’amusement de l’écologiste qui a ironiquement fait référence à un titre de Jean-Jacques Goldman : «il marche seul !»