En résumé :
- Les 7 députés et 7 sénateurs de la commission mixte paritaire (CMP) ont trouvé un accord sur le projet de loi immigration, une semaine après le vote d’une motion de rejet à l’Assemblée nationale sur ce texte porté depuis des mois par Gérald Darmanin.
- Au fil des interminables tractations entre la majorité et le parti Les Républicains, la version du texte a été de plus en plus droitisée, entre engagement signé de Borne à débattre de l’aide médicale d’Etat en 2024, durcissement du droit du sol et déchéance de nationalité.
- Dans la soirée, le Sénat a d’abord largement adopté le texte en début de soirée avant d’être imité par l’Assemblée nationale vers 23h30. Les députés ont validé le projet de loi par 349 voix pour, 186 voix contre.
- Plusieurs membres du gouvernement représentant «l’aile gauche» se sont rassemblés ce mardi soir, certains ayant mis en jeu leur démission en cas d’adoption du texte. Aurélien Rousseau (Santé), Clément Beaune (Transports) ou Rima Abdul-Malak (Culture) font partie de ces ministres en rupture de ban.
«La majorité a fait bloc, la manœuvre du RN a échoué», estime Elisabeth Borne. Après l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi immigration, la Première ministre estime avoir déjoué le RN, qui a pourtant voté son texte comme un seul homme. « C’est un texte nécessaire, utile, attendu par les Français. Un texte efficace et conforme aux valeurs républicaines. La majorité a fait bloc. La manœuvre du RN a échoué. Ce soir, seul l’intérêt général a gagné », a écrit sur le réseau social X la Première ministre.
L’Assemblée nationale a adopté largement le #PJLimmigation.
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) December 19, 2023
C’est un texte nécessaire, utile, attendu par les Français. Un texte efficace et conforme aux valeurs républicaines.
La majorité a fait bloc. La manœuvre du RN a échoué. Ce soir, seul l’intérêt général a gagné.
Eric Ciotti revendique une «victoire histoire pour la droite». Le président des Républicains, Eric Ciotti, a salué «une victoire historique pour la droite» après l’adoption définitive par le Parlement du projet de loi sur l’immigration avec le soutien des 62 députés LR et la majorité de centre-droit au Sénat. «Quand on ne fait pas de en-même-temps, c’est utile pour les Français !», a réagi le député des Alpes-Maritimes sur X (ex-Twitter), s’appropriant le texte qu’il présente comme une «loi des Républicains pour lutter contre l’immigration de masse».
La loi des Républicains pour lutter contre l’immigration de masse vient d’être très largement adoptée à l’Assemblée nationale.
— Eric Ciotti (@ECiotti) December 19, 2023
Cette victoire est historique pour la droite.
Quand on ne fait pas de "en même temps", c’est utile pour les Français !
Ces députés de la majorité qui ont voté contre. Même si les défections n’ont pas été massives dans les rangs de la majorité, des dizaines de députés n’ont pas respecté la consigne de l’exécutif. Sur les 170 membres du groupe Renaissance, 20 ont voté contre et 17 se sont abstenus. Parmi eux, le président de la Commission des lois et de la Commission mixte paritaire, Sacha Houlié, a voté contre, tout comme un macroniste de la première heure, Gilles Le Gendre et Nadia Hai, qui a fait parler d’elle ces derniers jours en reprochant à un député RN de rejeter un texte que la majorité lui offrait «sur un plateau d’argent». Du côté du Modem, 5 députés ont voté contre et 15 se sont abstenus sur les 51 membres, notamment Jean-Paul Mattei, président du groupe centriste, et Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères. Dernière composante de la majorité, Horizons a été plus docile avec uniquement 2 votes contres sur les 30 députés que compte le parti d’Edouard Philippe. Des divisions qui n’ont pas suffi à faire tanguer le gouvernement sur le vote du projet de loi.
Mathilde Panot annonce saisir le Conseil constitutionnel. Puisque le Rassemblement national n’a pas voté contre, Mathilde Panot estime, contrairement à Gérald Darmanin, que ce texte a été adopté « avec les voix du RN mais pire que ça avec les idées du RN». « Le combat continue plus que jamais [...] et nous continuerons à nous battre pied à pied pour que ce texte soit retiré», a-t-elle ajouté prévenant que son groupe allait saisir le Conseil constitutionnel. Et de conclure : « Ce texte et ce vote sont un point de bascule dans l’histoire de notre pays, [...] ce qui s’est passé ce soir est une honte pour notre histoire commune. »
Les députés de la Nupes brandissent des pancartes en réaction au vote. Ils ont fait fi de l’avertissement de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui leur a rappelé juste avant le scrutin que le règlement de l’institution interdisait pareille démonstration. Les députés de la Nupes ont brandi des pancartes sur lesquelles étaient inscrits les trois mots de la devise nationale, «Liberté», «Egalité», «Fraternité», après l’adoption du projet de loi immigration qu’ils ont combattu.
Après le vote, Darmanin fait ses comptes. Quelques instants après le vote du projet de loi immigration, Gérald Darmanin s’est félicité de l’adoption «sans 49.3» d’un « texte fort [...] sans les voix du Rassemblement national», reprenant l’élément de langage qui tournait depuis plusieurs heures dans les rangs du gouvernement. Le but : déminer les attaques des parlementaires de gauche qui avaient listé les mesures se retrouvant dans le texte de loi et le programme du Rassemblement national. « J’ai une sensibilité sociale extrêmement forte», a-t-il également osé, avant d’affirmer « respecter les convictions» de Sacha Houlié, président Renaissance de la Commission des lois, qui a voté contre le projet de loi.
Le texte adopté même sans les voix du RN. Si l’on ôte les voix des 88 députés du Rassemblement national, le projet de loi immigration tel qu’issu de la commission mixte paritaire réunit tout de même 261 voix. Soit près de 80 voix d’écart avec celles des opposants. En revanche, si le RN avait choisi de voter contre, le texte ne serait pas passé. Quoi qu’il en soit, cet écart ne devrait pas déclencher de nouvel examen du texte. Emmanuel Macron avait évoqué cette possibilité plus tôt dans la soirée si le projet de loi immigration était adopté grâce aux voix du RN.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale a adopté largement le texte issu de la commission mixte paritaire, par 349 voix pour, 186 voix contre.
Les députés Modem «libres de leur vote». Signe de l’embarras régnant au sein des troupes du Modem, le président du groupe Jean-Paul Mattei a indiqué qu’il laisserait les députés «libres de leur vote». «Ce texte n’est pas parfait», a reconnu le député des Pyrénées-Atlantiques, saluant les mesures de fermeté mais assurant que «l’identité de la France, c’est l’image d’une terre d’accueil». L’élu Modem a aussi appelé le camp présidentiel à «ne pas accepter une majorité qui ne respecterait pas nos valeurs», allusion aux voix du RN qui pourraient être celles qui feront basculer le vote en faveur du projet de loi.
A la tribune, Olivier Marleix (LR) applaudit le texte. «La CMP s’est accordée sur un autre texte, pour l’essentiel celui des Républicains», a salué le président du groupe LR, rappelant qu’il était opposé, lui et ses troupes, au projet de loi initial du gouvernement. «Ce texte marque un véritable tournant», a-t-il lancé, saluant la version du Sénat acceptée quasi en intégralité au Sénat. «Pour la première fois depuis longtemps, la France se donne les moyens de reprendre le contrôle de sa politique migratoire», ponctuant un discours très droitier.
«Le texte est le fascisme en marche», selon Elisa Martin (LFI). Dans une prise de parole ferme, la députée La France insoumise Elisa Martin a fustigé une «séparation des pouvoirs piétinée» et la commission mixte paritaire «dominée par la droite extrême». «Ce soir vous avez un choix : la Collaboration, ou la République», a-t-elle lancé aux parlementaires de la majorité. Et de conclure, sous les applaudissements des bancs de la gauche : «Le texte est le fascisme en marche.»
Le RN ressort sa «victoire idéologique». Député Rassemblement national et membre de la CMP, Yoann Gillet a de nouveau salué une «victoire idéologique» et une «reconnaissance de nos solutions», lors de la discussion générale. L’élu du Gard a réaffirmé que son camp voulait, comme la droite, une réforme de la Constitution : «Le grand acte deux, celui qui pourra réduire inexorablement les problèmes de l’immigration, passera par un référendum.»
Les députés Renaissance défendent le texte du gouvernement par la voix de Sylvain Maillard. C’est le patron du groupe Renaissance à l’Assemblée, Sylvain Maillard, qui a été appelé à défendre un projet de loi qui divise - un peu - la majorité. Le député de Paris a dit «regretter que le texte final comporte un trop grand nombre de dispositions susceptibles d’être censurées par le juge constitutionnel», avant de se dédouaner - «elles ne sont pas de notre fait». Il a ensuite fait appel aux sondages favorables au texte de loi, oubliant que d’autres études d’opinion indiquaient plus tôt dans l’année un rejet massif du projet de loi sur les retraites, un texte pourtant passé à l’aide du 49.3 par le gouvernement. Et de conclure : «En accord avec la responsabilité de qui s’impose à tout parti qui se dit gouvernement, nous voterons ce projet de loi.»
A la tribune, Elsa Faucillon étrille une loi estampillée Rassemblement national. «C’est l’histoire d’un Président qui s’est fait élire contre l’extrême droite et qui nous propose de voter son programme», a résumé lors de sa prise de parole la députée communiste Elsa Faucillon. L’élue des Hauts-de-Seine a reproché au gouvernement d’avoir «gravé dans la loi» la «préférence nationale». «Certains articles reprennent les mêmes formules, défendues depuis des décennies par le RN», a déploré l’élue, ajoutant : «La contrefaçon raciste n’est jamais préférée à l’originale.»
Début des explications de vote. Benjamin Lucas (Génération. s) a été le premier orateur de la Nupes a expliqué le vote de son groupe. «Un texte qui traite des étrangers, voté avec l’extrême droite, par l’extrême droite et pour l’extrême droite, jamais je n’aurais cru que ce soit possible dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale», a-t-il asséné, en accusant Gérald Darmanin d’avoir «trahi la République». «Pour la première fois de l’histoire de la Ve République, vous avez touché au droit du sol, c’est un crime indélébile sur notre devise républicaine», a-t-il ajouté. Avant de conclure : «Collègues, réveillons-nous.»
La motion de rejet ne passe pas. Elle n’avait peu de chances de passer au vu du soutien à la nouvelle version du texte de loi par le Rassemblement national et du parti Les Républicains. La motion de rejet déposée par Mathilde Panot a été rejetée par 383 voix contre et 155 pour. Pour expliquer leur vote, Cyrielle Chatelain (Les Ecologistes) et Elsa Faucillon (PCF) ont exhorté la majorité présidentielle à refuser la «préférence nationale» que contient ce texte. «Jean-Marie Le Pen respire encore et il jubile», a ajouté de son côté Andrée Taurynia (LFI). LR et le RN ont de leur côté tiré la couverture du texte à eux. Le projet de loi «consacre plusieurs victoires idéologiques du Rassemblement national, même s’il est imparfait», a analysé Edwige Diaz (RN). «Nous rejetons votre motion parce que la France a besoin de mesures fermes que courageusement nous avons inscrit dans ce texte, qui porte la marque des Républicains», a clamé Annie Genevard, députée LR du Doubs, pour indiquer la position de son groupe. Les députés vont désormais se prononcer sur le projet de loi immigration.
A la tribune, Mathilde Panot parle d’un texte qui «défigurerait la France». La présidente du groupe Insoumis à l’Assemblée a dénoncé dans sa prise de parole, lors du vote de la motion de rejet préalable, «une loi directement inspirée du programme de Jean-Marie Le Pen». «Certains votes font figure de point de bascule», a-t-elle répété, estimant que «ce qui est en jeu, c’est la République et c’est la France». Aux élus LR, dont les exigences acceptées par le gouvernement sont partagées par l’extrême droite, Panot a demandé : «Où est l’héritage du général de Gaulle ?» «La France ne se reconnaît pas dans la préférence nationale», a poursuivi l’élue du Val-de-Marne, ajoutant : «Rejeter ce texte, c’est honorer notre histoire collective.» En réponse, Darmanin lui a répliqué qu’il avait «refusé les voix du Rassemblement national», une allusion au vote de la motion de rejet du 11 décembre, où la gauche, le RN et une partie des LR ont voté ensemble pour rejeter le texte. Par Victor Boiteau, à l’Assemblée nationale.
Gérald Darmanin allume la Nupes et le RN avant le vote de l’Assemblée. Accueilli par un tumulte certain, le ministre de l’Intérieur a pris la parole devant l’Assemblée nationale avant le vote du texte issu de la CMP. A l’écouter, ce serait presque un texte de gauche : «On régularise et il n’y aura plus d’enfants dans les centres de rétention», a-t-il lancé à l’adresse des députés de la Nupes, qu’il accuse d’«avoir fui le débat». Plus largement, Gérald Darmanin s’est complu à éreinter les différentes oppositions, estimant que le RN était «comme l’extrême droite des années 30 et 40, toujours là pour la capitulation, jamais pour la victoire et pour le travail». «Il n’y a pas d’opposition constructive en France, il n’y a que des opposants qui se détestent entre eux», a-t-il estimé. «Ce texte sera voté sans les voix du Rassemblement national», a-t-il martelé en fin d’intervention. Après avoir passé deux fois plus de temps à taper sur la gauche que l’extrême droite.
Borne dénonce une «grossière manœuvre» du RN et appelle à voter le texte. «Nous faisons face à une grossière manœuvre du RN. Ne tombons pas dans leur piège. Ils plantent le drapeau sur notre texte alors qu’ils ne l’ont pas voté au Sénat et qu’ils disent depuis plusieurs semaines ne pas pouvoir voter un texte de régularisation par le travail», a affirmé Elisabeth Borne, selon plusieurs participants à la réunion organisée à la hâte par la Première ministre devant les députés Renaissance. Avant d’ajouter : «Nous apprécierons les résultats du vote sans prendre en compte les voix du RN. Cela suppose que nous votions le texte.»
Les débats reprennent dans l’hémicycle, délibération reportée autour de 23 h 30. A l’origine attendu à 21 h 30, le vote de l’Assemblée nationale sur le projet de loi remanié ne devrait pas intervenir avant 23 h 30, alors que les discussions à propos du texte ne font que de reprendre.