En résumé :
- Deux jours après avoir promulgué la loi de réforme des retraites validée par le Conseil constitutionnel, Emmanuel Macron a pris la parole à 20 heures. Pas d’interview ou de conférence de presse, le Président a prononcé un discours sans interruption ni question.
- Le chef de l’Etat dit avoir entendu la «colère» qui s’exprime dans les rues depuis des semaines. Pas question pour autant de retirer sa réforme de retraites, le chef de l’Etat a préféré fixer trois chantiers : travail, sécurité et «mieux vivre».
- Des appels des opposants à la réforme des retraites circulent sur les réseaux sociaux pour entonner des concerts de casseroles devant les mairies ou les préfectures ce lundi à 20 heures. À Marseille et à Dijon, les préfectures ont prononcé des arrêtés d’interdiction de rassemblement.
L’intersyndicale promet un 1er-Mai «unitaire et populaire». Dans un communiqué publié quelques minutes après l’allocution du président de la République, l’intersyndicale a rappelé qu’elle ne participera pas aux réunions avec l’exécutif ni à celle prévue demain avec Emmanuel Macron. «En s’entêtant, l’exécutif ne prend pas conscience de la responsabilité qu’il porte en s’enfermant dans le déni et il est le seul responsable d’une situation explosive sur l’ensemble du pays», affirme le communiqué. «Depuis 3 mois, le rejet de la réforme des retraites est toujours aussi massif. Après avoir promulgué la loi dès vendredi, le Président de la République confirme dans son allocution, son mépris à la fois envers les organisations syndicales et envers les jeunes et l’ensemble de la population», écrivent les organisations syndicales. Et promettent un 1er-Mai «unitaire et populaire», via une journée de mobilisation massive «contre la réforme des retraites partout sur le territoire, dans le calme et la détermination» pour demander son abrogation.
Communiqué intersyndical :
— Union syndicale Solidaires (@UnionSolidaires) April 17, 2023
Un 1er Mai unitaire et populaire pour le retrait !https://t.co/50ZV8sLWgP pic.twitter.com/bkSxySHNnA
Les élus macronistes aux anges et aux louanges. Qu’Emmanuel Macron n’ait fait qu’évoquer (pour l’enjamber aussitôt) la réforme des retraites ne pose pas de problèmes aux élus Renaissance : le président du parti présidentiel, Stéphane Séjourné, perçoit dans l’allocution de son chef une «réponse aux inquiétudes exprimées par nos concitoyens ces derniers mois». Même engouement chez l’ex-LR rallié à la majorité Eric Woerth, qui s’est empressé de saluer «des objectifs essentiels, clairs et atteignables», et chez la patronne des députés macronistes Aurore Bergé, louant «une ambition claire pour la France et les Français». Les Français, pour beaucoup d’entre eux, restent quand même un peu concentrés sur l’enjeu du moment : le report, imposé par 49.3, de l’âge de départ à la retraite. Mais peut-être aura-t-on, une fois de plus, mal compris.
«Cette allocution aurait pu être faite par ChatGPT», ironise Sophie Binet. «La question qu’on se pose c’est sur quelle planète vit Emmanuel Macron», s’est interrogée sur LCI la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, en comparant le président au chat conversationnel par intelligence artificielle Chat GPT, tant celui-ci est apparu «désincarné» et sourd aux «millions de manifestants et manifestantes, de salariés grévistes et à toutes les organisations syndicales». «Il n’y aura pas de retour à la normale s’il n’y a pas de retrait de la réforme des retraites [car] cette réforme est violente et injustifiée», a-t-elle tranché, rappelant la date de mobilisation intersyndicale du 1er-Mai.
🔴🗣️ #Macron20h : "Sur quelle planète vit Emmanuel Macron ? Cette allocution aurait pu être faite par Chat GPT !"
— LCI (@LCI) April 17, 2023
▶ Sophie Binet (@BinetSophie), secrétaire générale de la CGT, est l'invitée de @ruthelkrief & @Ju_Arnaud pic.twitter.com/n3SSwRT3tN
La droite et l’extrême droite sceptiques. Le patron des Républicains, Eric Ciotti, a raillé «un catalogue de vœux pieux», sans «remise en cause» de la part d’Emmanuel Macron, quand Marine le Pen s’est attaquée à sa «pratique déconnectée, solitaire et obtuse du pouvoir», ajoutant qu’il «aurait pu retisser le lien avec les Français» s’il avait choisi d’annoncer le «retrait de la réforme des retraites ou [un] référendum».
Olivier Faure contre «le président pyromane». En référence aux «100 jours» pour agir brandis par Emmanuel Macron, le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a dépeint sur Twitter un «président pyromane» qui «promet 100 jours pour éteindre le feu qu’il alimente quotidiennement». Olivier Faure s’est fendu au passage d’un jeu de mot singulier, en évoquant un président parlant aux Français «depuis le palais de l’enlisé».
Depuis le palais de l’enlisé le président pyromane promet 100 jours pour éteindre le feu qu’il alimente quotidiennement. #Macron20h #allocutionprésidentielle
— Olivier Faure (@faureolivier) April 17, 2023
Après le tintamarre, une manif spontanée dans Paris. Après une grosse demi-heure de tintamarre, la rue devant la mairie du Xe arrondissement de Paris se vide. Les oreilles sifflent. Le rassemblement se coupe en deux : une partie des manifestants, casseroles sous le bras, rentrent chez eux. Les autres forment un cortège en criant «manif sauvage». Pierre*, la vingtaine, reste en retrait et regarde une voiture brûler au loin avec son groupe d’amis : «On vient de faire 24 heures de garde à vue, on n’a pas envie d’y retourner. J’ai encore des marques de matraques plein le dos.» Pour autant, il tenait à être là ce soir. Pour la symbolique, et puis «parce que les manifs c’est comme le vélo : quand tu tombes, il faut remonter direct». Par Julien Lecot.
La planification écologique dévoilée «d’ici à l’été». Macron dévoilera les contours de la planification écologique «d’ici à l’été», soit plus d’un an après avoir lancé ce chantier lors de son discours d’entre-deux tours à Marseille. Cette mission avait été confiée à la Première ministre, Elisabeth Borne, et sa mise en œuvre avait échu à l’ingénieur Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique. Les annonces attendues dans quelques semaines concerneront «le bâtiment, l’économie circulaire, les transports, l’énergie». Un projet de loi «industrie verte» est notamment en cours d’élaboration. Il s’agit de poser «un cadre», a dit le Président, «grâce auquel nous serons mieux parés pour face à la sécheresse». Et ce après le plan eau dévoilé fin mars, premier gros chantier de planification écologique.
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Toujours du monde dans la rue à Paris. Qui dit rassemblement soudain dit voies non fermées a la circulation et automobilistes bloqués. Alors, au milieu du bazar, des policiers de la BRAV jouent les agents de circulation, conscients que la rue devant la mairie du Xe ne va pas se débloquer de sitôt - des manifestants continuent d’affluer. Une marche arrière par ci, un demi-tour par là, les manœuvres sont complexes et un taxi manque de rentrer dans une fourgonnette rouge. L’acrobatie la plus spectaculaire reste celle de faire reculer simultanément trois bus d’une vingtaine de mètres de long. On a un peu l’impression d’être au cirque et de regarder des dresseurs faire le spectacle avec des éléphants.
Devant la mairie du XIIIe, trompettes, pétards, casseroles, panneaux de signalisation, tout est bon pour faire du bruit. «On veut se faire entendre d’un président qui n’écoute plus personne», explique Jean-Michel avant d’entonner un énième «On est là» avec les autres manifestants. Ils sont maintenant plus de mille sur le parvis de la mairie. Par Julien Lecot et Lilian Lemaire.
«Rien de concret» dans l’allocution juge Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a réagi ce soir de manière circonspecte et désabusée à l’allocution d’Emmanuel Macron. «Il y a une espèce de vide dans le discours du Président, rien de concret pour les travailleurs». Interrogé sur l’invitation réitérée de recevoir l’intersyndicale à l’Elysée après la promulgation de la réforme des retraites, le leader du syndicat réformiste n’a pas changé de position : «Il nous dit que la porte est grande ouverte pour parler de tous les sujets dont on aurait du parler avant la réforme des retraites ? Elle a été fermée à triple tours pendant des mois. La CFDT ira discuter un jour ou l’autre mais on ne répond pas quand on nous siffle», a cinglé Laurent Berger. Ce dernier a dit ne pas attendre «du verbe mais des propostions de justice sur les salaires, les conditions de travail, la pénibilité». Pour Laurent Berger, il s’agit d’un «énième discours de la méthode» qui «ne nous a rien appris et ne met pas fin au ressentiment des gens». Quant à l’apaisement qu’a appelé de ses voeux le chef de l’Etat, «il fallait le faire sur la réforme des retraites et il n’en dit pas un mot». Emmanuel Macron a toujours «une forme de déconnexion avec le monde du travail», a conclu Laurent Berger.
Macron file la métaphore Notre-Dame. Le Président de la République compare le chantier de Notre-Dame de Paris à ceux qui attendent la Nation. «Il y a quatre ans, presque jour pour jour», a commencé Emmanuel Macron, rappelant l’incendie de la cathédrale. «Je vous disais dès le lendemain que nous rebâtirions en cinq ans. Que n’avais-je alors entendu ? Tous les commentateurs nous ont dit «impossible». Pourquoi ce cap intenable ? Eh bien, nous allons le faire parce qu’une décision a été prise, mais surtout parce qu’il y a eu la volonté de chaque jour et la mobilisation de tous», a-t-il déclaré, avant d’affirmer souhaiter «moins de bureaux, moins de bureaucratie, plus de liberté d’action […] à l’échelle de nos vies.»
«Les casseroles sonnent plus juste» que Macron, tacle Mélenchon. Saluant les mobilisations populaires des casserolades, Jean-Luc Mélenchon a taxé Emmanuel Macron d’être «complètement hors de la réalité», porteur d’un discours «irréel». Un «Président bunkérisé [qui] n’a rien à offrir au pays» a renchéri la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot, qui elle aussi «préfère volontiers le bruit des casseroles à ses mots creux.»
Irréel #Macron20h. Complètement hors de la réalité, assume le vol de deux ans de liberté. Les casseroles sonnent plus juste.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) April 17, 2023
Il n'y a plus qu'Emmanuel Macron pour croire en Emmanuel Macron.
— Mathilde Panot (@MathildePanot) April 17, 2023
Le Président bunkérisé n'a rien à offrir au pays. On préfère volontiers le bruit des casseroles à ses mots creux.
Le 1er mai, on lui rappelle qu'on ne gouverne pas contre le peuple.#Macron20h
Macron donne rendez-vous dans «cent jours», au 14 juillet. «Nous avons devant nous 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France», a clamé lundi Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée, donnant rendez-vous «le 14 juillet prochain» pour «faire un premier bilan». Elisabeth Borne, confortée au passage à son poste, détaillera sa feuille de route «dès la semaine prochaine», a-t-il affirmé, ajoutant : «C’est notre devoir et je vous fais confiance, je nous fais confiance pour y arriver».
Des annonces dès le mois de mai en matière de sécurité. Avant d’ouvrir le chapitre dédié à l’«ordre républicain et démocratique», Emmanuel Macron a rappelé qu’il «n’y a pas de liberté sans loi ni sans sanction envers ceux qui transgressent le droit des autres». Il a ensuite rappelé que plus de 10 000 magistrats et agents continueront d’être recrutés. Il a également évoqué la création de 200 brigades de gendarmerie dans «nos campagnes», avant de souligner le renforcement du contrôle de l’immigration. «Rénover l’ordre républicain et démocratique signifie que nous devons lutter contre le sentiment persistant que voter n’est plus décider. Je proposerai des grandes pistes pour que le fonctionnement de nos institutions gagne en efficacité et en participation citoyenne», a également précisé le chef de l’Etat. Des annonces auront également lieu en début mai contre la délinquance et les fraudes sociales et fiscales, a assuré Emmanuel Macron.
La soirée télé de Fabien Roussel.
Entre « Je te promets » et « The Crash », finalement, le programme TV de ce soir est un bon résumé de l’interview d’Emmanuel Macron... pic.twitter.com/Z2RuydDNtE
— Fabien Roussel (@Fabien_Roussel) April 17, 2023
Macron assure vouloir «tenir nos engagements pour le climat». Il serait temps. En abordant le travail, un des trois grands chantiers à venir, Emmanuel Macron a déclaré : «notre nouvelle économie plus verte, respectueuse de nos terres et de nos paysages n’est pas un rêve mais une réalité qui nous permet de créer des emplois et de tenir nos engagements pour le climat». Pour l’heure, la France ne respecte pas ses engagements climatiques et doit doubler ses efforts de baisse des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Devant la mairie du XIIIe, «Macron démission» en réponse à l’allocution. Alors que le président discourt, plusieurs centaines d’opposants à la réforme des retraites sont agglutinés face à la mairie du XIIIe arrondissement de Paris. Les Rosies dansent au rythme assourdissant des casseroles. «C’est incroyable d’arriver à amener tout un peuple à autant de détestation», enrage Françoise, elle n’a jamais vu ça. Autour d’elle, au milieu des fumigènes, les manifestants scandent : «Macron démission». Par Lilian Lemaire.
Macron propose un «nouveau pacte de la vie au travail» négocié avec le patronat et les syndicats. Emmanuel Macron a listé une série de sujets qu’il souhaiterait aborder avec les partenaires sociaux, en enjambant la réforme des retraites : «améliorer les revenus salariés» et «les conditions de travail», «faire progresser les carrières», trouver des «solutions face à l’usure professionnelle» et pour l’«emploi de séniors», aider aux reconversions et «accompagner tous les allocataires du revenu de solidarité active vers le travail».
A Paris, le tintamarre pendant l’allocution devant la mairie du Xe arrondissement. 20 heures pétantes, la bronca. Comme si l’équipe de France venait de marquer un but en finale de la Coupe du monde, le parvis de la mairie du Xe arrondissement de la capitale du exulte. Les quelques centaines de personnes rassemblées battent des casseroles, poêles ou couvercle en métal, en gueulant «Macron ta gueule». Des fumigènes sont craqués. Le bruit s’entend de loin et attire les curieux. Quelques rares personnes frappent aussi des poêles depuis leurs fenêtres. Par Julien Lecot.
Devant la mairie du Xe arrondissement de Paris, concert de casseroles, fumigènes et des "Macron ta gueule" repris en chœur. @libe #Macron20h pic.twitter.com/KvV0cQU2zU
— Julien Lecot (@JulienLecot) April 17, 2023
Macron a entendu «une colère». Le chef de l’Etat n’est pas sourd. Il l’assure, il a bien entendu «une colère» depuis quelques semaines dans le pays. «J’ai entendu une opposition à la réforme», dit-il, mais aussi «une volonté de retrouver du sens au travail, d’avoir des carrières qui permettent de progresser dans la vie». Selon lui, il n’y a pas que la réforme des retraites qui suscite l’ire, mais aussi «l’augmentation des prix» qui «pèse sur nos vies quotidiennes». «Cette colère c’est aussi le sentiment de ceux qui ont le sentiment de faire leur part mais de ne pas être récompensé pour leurs efforts», estime-t-il encore. «C’est cette colère qui s’est exprimée dans les manifestations», croit savoir Emmanuel Macron, pour qui «personne et surtout pas moi ne peut rester sourd face à cette revendication».
Pour Macron, la réforme des retraites «était nécessaire». Il assume. Le président de la République a démarré son allocution en expliquant que la réforme de retraite votée, elle s’appliquerait à partir de l’automne. «Ces changements étaient nécessaires pour garantir la retraite de chacun et produire plus de richesses pour notre nation», estime le chef de l’Etat. Avant de se livrer à un exercice de pédagogique au ton professoral un brin appuyé : «car en effet, le nombre de retraités augmentant, notre espérance de vie s’allongeant, la réponse ne pouvait pas être de baisser les pensions ou, comme je l’ai entendu, de ne rien faire, car c’était laisser les déficits augmenter pour les générations futures.»