En résumé :
- Après le renversement de François Bayrou par l’Assemblée nationale lundi, Emmanuel Macron a nommé son successeur au poste de Premier ministre dès mardi soir : Sébastien Lecornu, ministre des Armées et fidèle parmi les fidèles.
- Venu de la droite et présent au gouvernement depuis huit ans, Sébastien Lecornu a pris ses fonctions à Matignon après une courte cérémonie de passation de pouvoirs avec François Bayrou, ce mercredi à la mi-journée, au milieu des actions de la mobilisation Bloquons tout.
- Première tâche confiée par le Président : «consulter» les forces politiques en vue de trouver des «accords» pour préserver la «stabilité institutionnelle» du pays, alors qu’il ne dispose d’aucune majorité à l’Assemblée nationale.
- Présenté comme un habile négociateur mais vu comme la poursuite d’une politique macroniste pur jus, Sébastien Lecornu a reçu un accueil glacial des oppositions. Le PS ferme la porte à une participation au gouvernement et LFI projette déjà de déposer une motion de censure.
Dans un communiqué mercredi soir, le PS salue la mobilisation Bloquons tout contre les «politiques injustes des gouvernements Macron». Les socialistes disent vouloir «offrir un débouché politique» à ce mouvement et appellent le gouvernement à «changer de cap». «S’il ne le fait pas, nous lui opposerons la censure», promet le parti.
De l’humour bien placé. Un article du site internet parodique le Gorafi titre, les pieds dans le plat : «Le président qui se disait ni de gauche ni de droite nomme un septième Premier ministre de droite.» A ce stade, le second degré frôle le premier degré : «Le nouveau Premier ministre de droite n’est cependant pas le même que les autres précédents Premiers ministres de droite même s’ils ont souvent appuyé une politique de droite avec des ministres de droite avec une vision sur les droits humains de droite», écrit encore le Gorafi.
Président (Renew) de la commission environnement du Parlement européen et initiateur d’une «plateforme progressiste», Pascal Canfin appelle son camp à lâcher du lest sur la taxation des hauts revenus pour trouver un accord de non-censure avec les socialistes. Son interview à lire dans «Libé» juste ici.
La CPME et l’U2P, deuxième et troisième organisations patronales représentatives, se sont déclarées satisfaites de la nomination rapide de Sébastien Lecornu. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a souligné «les qualités d’écoute et le pragmatisme» de Lecornu : «Son parcours lui sera utile pour réunir une majorité et faire voter le budget dont notre pays a besoin.» De son côté, l’Union des entreprises de proximité (U2P) s’est également félicitée et appelé à la formation d’un gouvernement «dans les meilleurs délais possibles».
A peine a-t-il enfilé son costume de Premier ministre que Sébastien Lecornu subit déjà les critiques des manifestants. Continuation du macronisme, absence d’appel à la gauche en dépit des résultats aux législatives, proximité avec Marine Le Pen… Dans les rues parisiennes ce mercredi, le nom du nouveau chef du gouvernement hérisse les sympathisants du mouvement Bloquons tout. Notre reportage.
Entre Matignon et les blocages, la France présente un double visage ce mercredi. La méthode Lecornu qui promet «une rupture» parviendra-t-elle à les réunir après l’échec de Bayrou ? La réussite du nouveau Premier ministre dépendra de la réponse à cette question. L’édito de Paul Quinio.
Une première sortie placée sous le signe de la colère populaire. Le nouveau Premier ministre devrait se rendre ce mercredi soir à la cellule interministérielle de crise, qui se trouve au ministère de l’Intérieur du sortant Bruno Retailleau, selon BFMTV. La France connaît un 10 septembre sous tension ce mercredi, avec des centaines de blocages ou de tentatives, contrées par la répression policière, et des dizaines de milliers de manifestants défilant contre l’austérité budgétaire et les inégalités.
Reportage
Le nouveau Premier ministre, qui a été chargé par Emmanuel Macron de mener des consultations avec les autres formations politiques avant de former son équipe, n’est contraint par aucun délai constitutionnel pour arrêter ses choix. C’est surtout le calendrier politique qui l’incite à ne pas traîner, en particulier en vue de l’élaboration épineuse du budget 2026. Nos explications à retrouver ici.
Moins de deux heures après la passation de pouvoir entre François Bayrou et Sébastien Lecornu, le nouveau chef de gouvernement débute ses consultations. Lors de son discours, il a notamment promis des «ruptures» dans la façon de travailler avec les oppositions. Premier rendez-vous avec Marc Fesneau, président du groupe Modem à l’Assemblée nationale, très proche de Bayrou. Suivront ensuite des entretiens avec Gabriel Attal pour Renaissance, Bruno Retailleau pour Les Républicains puis Edouard Philippe pour Horizons en fin d’après-midi.
Lors d’une (rare) conférence de presse tenue depuis le Parlement européen, le président du Rassemblement national a réagi à la passation de pouvoir entre François Bayrou et Sébastien Lecornu. «Soit il y a rupture, soit il y aura censure», prévient Jordan Bardella en marge d’une session plénière. «Nous avons toujours été fidèle à nos principes, celui de ne pas censurer a priori et d’écouter le discours de politique général», poursuit-il, tout en affirmant n’avoir «aucune illusion». Il indique que son parti est «à disposition» de Sébastien Lecornu «pour faire connaître [ses] lignes rouges». Et se veut très clair : «Si le nouveau Premier ministre poursuit la politique d’Emmanuel Macron, alors il tombera de la même manière que sont tombés monsieur Barnier et monsieur Bayrou».
Si le travail législatif est sur pause en l’absence de gouvernement et de session parlementaire, la chambre basse n’est pas à l’arrêt non plus, avec plusieurs dossiers de taille au menu.
Chez Pol
En 2012, Sébastien Lecornu était un fidèle de Bruno Le Maire, alors que les deux étaient encore à l’UMP. Sur le réseau social X, l’actuel Premier ministre relayait tous les articles de presse le mentionnant. Le 28 juillet 2012, Bruno Le Maire se rend dans l’Eure, où Lecornu sera nommé président du conseil départemental trois ans plus tard.
@Bruno_LeMaire Rencontre avec les militants UMP de l'Eure ! pic.twitter.com/ltzhYjPb
— Sébastien Lecornu (@SebLecornu) July 28, 2012
Tout comme les Britanniques, les Espagnols ont leur petit avis cinglant sur la situation politique française. «Crise de la Ve République», titre le quotidien El País dans un de ces éditos, accompagné d’une photo d’Emmanuel Macron dans le noir. «Les raisons de l’échec de Bayrou resteront présentes à l’esprit de son successeur», Sébastien Lecornu, estime le quotidien. «La fragmentation qui a rendu la Ve République, fondée il y a près de soixante ans précisément pour mettre fin aux changements constants de chefs de gouvernement, instable et difficile à gouverner, persistera», poursuit-il, assurant que «la culture de coalition n’apparaîtra pas par magie». Et de pointer du doigt le nombre record de Premiers ministres sous le second mandat d’Emmanuel Macron (cinq !), «ce qui donne une idée de l’instabilité accélérée à laquelle le président lui-même a contribué […] avec l’intention vaine de faciliter un gouvernement centriste». Car, dixit El País, le chef d’Etat français oublie trop souvent «le poids parlementaire de la gauche au moment de répartir le pouvoir».
De premières réactions commencent à tomber à la suite du discours de Sébastien Lecornu.
Le discours de passation de pouvoir de Sébastien Lecornu aura été l’un des plus courts de la Ve République.
— Laurent Jacobelli (@ljacobelli) September 10, 2025
Faut-il y voir un présage de son séjour à Matignon ?
Pour illustrer sa volonté de se mettre au travail rapidement, le nouveau Premier ministre a conclu son discours en disant vouloir recevoir «les forces politiques et les forces syndicales» à Matignon «dans les tout prochains jours». Sans préciser si tous les partis seront conviés, LFI et RN compris. A ce stade, l’ancien membre du parti Les Républicains a déjà prévu de recevoir dès ce mercredi après-midi les patrons de la macronie et de la droite, et a passé un coup de fil au PS. Avec moins de huit minutes à eux deux, cette passation de pouvoir entre Sébastien Lecornu et François Bayrou a été particulièrement courte.
Tout aussi concis, mais plus dynamique, Sébastien Lecornu a d’abord remercié son prédécesseur centriste, affirmant «ne pas refuser» son aide. Le Premier ministre s’est ensuite refusé à se lancer «dans un grand discours», «puisque l’instabilité et la crise politique et parlementaire que nous connaissons commandent à l’humilité et à la sobriété». Il a toutefois pris le temps de déplorer «le décalage préoccupant entre la vie politique et la vie réelle des Français». Pour améliorer la situation, le chef du gouvernement a esquissé quelques pistes : «il va falloir changer, être sûrement plus créatif, parfois plus technique, plus sérieux dans la manière de travailler avec nos oppositions». Il a dit avoir le souhait de «ruptures, et pas que sur la forme, et pas que dans la méthode. Des ruptures aussi sur le fond». De quoi sonner le glas de la politique de l’offre menée par la macronie depuis huit ans ? «J’aurai l’occasion de m’exprimer prochainement devant les Françaises et les Français», a assuré Sébastien Lecornu.
Après 50 minutes de conciliabule en privé, François Bayrou s’est exprimé en premier, comme le veut la tradition. Le désormais ex-Premier ministre s’est engagé à «faire tout ce qu’il pourra pour aider» le nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu. Disant «ne pas croire une seconde que notre pays va rester éternellement dans les divisions, les injures, la violence», il lui a aussi enjoint «d’inventer le monde nouveau, mais à partir de la réalité». Une fois n’est pas coutume, le discours du Palois a été relativement succinct.
Avant même de prendre officiellement ses fonctions, le nouveau Premier ministre a décroché son téléphone ce mercredi dans la matinée pour joindre Olivier Faure, le patron du PS. Selon les infos de Libération, Sébastien Lecornu lui a signifié son intention de rencontrer tous les groupes politiques prochainement. Il a déjà prévu de recevoir les chefs de Renaissance, Gabriel Attal, et de LR, Bruno Retailleau, cet après-midi à Matignon. En revanche, le téléphone du coordinateur national de LFI, Manuel Bompard, est pour l’instant resté silencieux. «Je pense qu’il a compris que ça ne servait à rien de nous appeler car on n’est pas sensibles aux petits fours et aux dorures de Matignon», a réagi l’insoumis auprès de Libé.
Sur les coups de midi, le nouveau Premier ministre est arrivé à l’hôtel de Matignon, rue de Varenne. François Bayrou l’a accueilli sur le perron, sous un petit crachin parisien. Les deux se sont aussitôt retirés dans le bureau du Premier ministre, pour une discussion qui pourrait durer jusqu’à plusieurs dizaines de minutes. Ils ressortiront ensuite dans la cour pour prononcer leurs discours, d’adieu et de prise de poste. Les membres du gouvernement sortant seront aux premières loges, hormis Bruno Retailleau qui est resté à Beauvau, excusé pour cause de mobilisation Bloquons tout.