En résumé :
- Elisabeth Borne a dévoilé ce mercredi 26 avril à midi depuis l’Elysée la feuille de route des «100 jours d’apaisement» et «d’action» décrétés par Emmanuel Macron jusqu’au 14 juillet.
- Le président de la République a confié cette mission à sa Première ministre, sur un siège éjectable depuis le passage en force à l’Assemblée nationale de la réforme des retraites, pour tenter de sortir de la crise politique et sociale.
- Depuis la promulgation de la réforme, Emmanuel Macron s’est lancé dans une série de déplacements – Alsace, Hérault, Loir-et-Cher – pour vanter son action et exposer ses nouvelles priorités. Ils ont été rythmés par des manifestations d’opposants et leurs concerts de casseroles, comme pour la majorité des échappées ministérielles.
Rien de nouveau ou presque.
Pluie de critiques à gauche. Pour le chef des députés socialiste Boris Vallaud, «la crise en France n’a pas un problème + d’agenda +, elle a un problème politique». L’eurodéputée Manon Aubry a dénoncé une conférence de presse «surréaliste», de la Première ministre qui «semble vivre dans la 4e dimension», évoquant une «stratégie de l’autruche face à la crise de régime». La cheffe des députés écologiste /hjs Cyrielle Chatelain a vu dans cette conférence de presse, «un exercice de style creux et inutile. La prochaine fois, pour nous présenter le calendrier de travail parlementaire un courrier suffira», a-t-elle écrit.
Quand un gouvernement ne peut plus gouverner, même pour des décisions stupides, faute de majorité, c'est qu'il doit s'en aller lui et ses réformes. https://t.co/g98FRK2bJK
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) April 26, 2023
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Analyse Libé. Au sujet des transports et de leur décarbonation, le chantier est toujours en cours mais reste flou concernant le ferroviaire. La Première ministre a rappelé qu’une enveloppe de 100 milliards allait être consacrée au réseau ferré et à la construction de RER métropolitains d’ici 2040. L’annonce date du 24 février. Mais la répartition exacte de cette modeste somme, et la partie qui sera vraiment investie par l’Etat, n’est toujours pas précisée. Quelle partie de l’argent ira à l’entretien du réseau, à son expansion, à la nécessaire adaptation des rails à la fournaise qui nous attend ? Mystère. Elisabeth Borne donne rendez-vous après les négociations des plans de contrats Etat-Région, qui débuteront début mai, pour des précisions. Le sujet explosif des projets routiers contestés n’a lui pas été abordé. Parmi eux, l’autoroute Castres-Toulouse qui a donné lieu à une grande manifestation le week-end dernier. Le gouvernement est en train de passer en revue les projets sur la table pour examiner leur compatibilité avec la lutte contre l’artificialisation des sols ou encore la réduction des émissions de CO2, et devrait se prononcer «d’ici le début de l’été», a promis le ministre des Transports Clément Beaune il y a quelques jours.
Service minimum aussi sur la rénovation des bâtiments. La Première ministre a aussi fait mention de la rénovation énergétique des bâtiments, sans annonce supplémentaire. Elle n’a pas précisé ses intentions quant à la rénovation des écoles, mesure sortie du chapeau par Emmanuel Macron dans une interview accordée au Parisien le 24 avril. Les documents fournis par l’exécutif expliquent qu’il s’agit de «rénover toutes les écoles en 10 ans» et que cette mesure passerait par «l’investissement des collectivités grâce au tiers financement».
Borne sur la corde raide de «l’arc républicain». Questionnée sur sa capacité à gouverner, la Première ministre a enfoncé une porte ouverte : «Ce n’est pas un scoop, nous avons une majorité relative à l’Assemblée nationale, c’est le cas depuis un an». Elle a ensuite affirmé «continuer à rechercher des alliances au sein de l’arc républicain», sans préciser quelles formations politiques étaient concernées, alors que LFI et la Nupes ont été lourdement critiqués par la macronie ces dernières semaines.
Une feuille de route accidentée : où sont les moyens pour la planification écologique, où est passée la grande conférence salariale ? Sans souffle ni moyens d’agir seule, la Première ministre #Borne osera-t-elle demander la confiance du Parlement ? #100jours
— Olivier Faure (@faureolivier) April 26, 2023
La méthode Borne, avancer «projet par projet». La Première ministre Elisabeth Borne s’est dite «confiante» mercredi dans sa capacité à trouver des majorités «projet par projet» pour chaque nouveau texte législatif qui sera présenté. «Je suis confiante sur notre capacité à trouver un chemin», a-t-elle dit à l’issue du Conseil des ministres. «Ma volonté c’est effectivement sur chacun des textes de chercher une majorité», a-t-elle martelé. Interrogée sur sa volonté affichée de ne plus recourir au 49.3 hors textes financiers, elle a seulement évoqué son «objectif» de trouver des accords au cas par cas à l’Assemblée : «on ne peut pas tout à la fois nous reprocher l’utilisation du 49.3 et en même temps nous reprocher d’avoir l’objectif de trouver des majorités texte par texte.» «La méthode que je fixe pour l’avenir c’est : pas de 49-3 en dehors des textes financiers», avait-elle assuré fin mars à l’AFP.
Un plan d’urgence sur les logements universitaires. A entendre la Première ministre, la jeunesse serait une boussole gouvernementale. «Nous devons prendre toutes nos décisions en pensant à notre jeunesse», ose-t-elle en conclusion de sa prise de parole. Un plan d’action pour la jeunesse sera présenté «dans les prochaines semaines». «Il s’agira d’actions concrètes», parmi lesquelles «un plan d’urgence sur les logements universitaires dégradés».
Un projet de loi de programmation énergie climat à l’automne. Il faudra attendre le courant du «mois de juin» pour la présentation de la «vision d’ensemble» de la politique énergétique et environnementale du gouvernement, avant un projet de loi «Energie Climat» qui sera présenté «à l’automne», projette Elisabeth Borne. Un projet qu’elle promet de bâtir en «concertation» en tenant compte des «conséquences directes sur la vie de nos territoires et collectivités».
Communiqué de presse version ChatGPT. #Borne #100jours dans le vent ?
— Arthur Delaporte (@ArthurDelaporte) April 26, 2023
Que dire d'autre ? pic.twitter.com/PYJiFicr2p
Analyse Libé. Priorités sujets consensuels. Transition énergétique, logement, hôpital, formation… Pour sortir de la crise provoquée par le passage en force de la reforme des retraites, l’exécutif, en quête d’apaisement, mise des sur des sujets consensuels et concrets et met de côté les thèmes les plus clivants. «Ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays», a, par exemple, affirmé Borne à propos du projet de loi immigration qui n’a pas été planifié. Avec cette stratégie, le gouvernement tente de s’assurer le maximum de victoires au Parlement. Car, il est plus simple de s’opposer et de rejeter une réforme des retraites qu’un texte, même sans trop d’ambition, sur l’écologie. Pendant l’examen du projet de loi sur les énergies renouvelables, la majorité n’avait cessé de dénoncer «l’idéologie» des écologistes qui avaient refusé de soutenir le texte. Mais qui s’étaient abstenus plutôt qu’opposer. «On ne peut pas voter contre un texte qui parle d’écologie», soufflait alors un député EE-LV.
Analyse Libé. France Travail bientôt les fonts baptismaux ? Le nouveau service public censé remplacer Pôle emploi à partir de l’année prochaine doit faire l’objet d’un projet de loi dès le début du mois de juin. Son expérimentation dans dix-huit départements a pourtant démarré il y a moins d’un mois. Et c’est peu dire que ses contours sont encore flous à ce stade, notamment s’agissant du sort réservé aux allocataires du RSA. On sait surtout que l’objectif est que ceux-ci soient automatiquement suivis par un conseiller Pôle emploi, ce qui est censé répondre au défi du manque d’accompagnement dont ils souffrent. On sait aussi qu’un nouveau système de sanction plus automatique, avec une suspension temporaire de l’allocation, est envisagé, mais pour punir quoi ? C’est là qu’on pénètre dans le brouillard entourant les «15 à 20 heures d’activité» hebdomadaires qui pourraient leur être demandées, car on ne sait toujours pas, et Elisabeth Borne ne l’a pas précisé, s’il est exclu que ces activités consistent en une forme de travail qui serait de fait sous-rémunéré.
Analyse Libé. Elisabeth Borne assure que la transition écologique passe par la «planification écologique». Un point commun avec Jean-Luc Mélenchon. Pas sur les propositions mais sur les mots. L’insoumis évoque la planification écologique depuis des années. Le gouvernement proposera en juin un plan «d’action pour protéger» la biodiversité.
La gauche pas convaincue. Sans surprise, à gauche, l’intervention de la Première ministre ne convainc pas. «Avec ce qu’elle annonce aujourd’hui (recyclage de mesurettes, renoncements et indifférence aux réponses nécessaires), Elisabeth Borne n’échappera pas elle non plus à la débâcle», a promis le député PS Jérôme Guedj. «Rien de concret sur les salaires et le pouvoir d’achat», affirme de son côté le communiste Ian Brossat. Le député insoumis Damien Maudet moque de son côté les annonces en matière de santé face à l’ampleur du problème : «6 000 assistants médicaux. Ce n’est malheureusement pas une blague.»
Service minimum sur l’écologie. «Les effets du dérèglement climatique inquiètent nos compatriotes», a pointé la Première ministre, qui souhaite une «accélération dans tous les secteurs et à tous les niveaux» de la baisse des émissions de gaz à effet de serre, qui devra atteindre -55 % d’ici 2030 (objectif européen que la France va devoir appliquer). Concernant la sécheresse, qui s’annonce redoutable cette année, elle a cité le plan eau annoncé fin mars et promet que les mesures qu’il contient «porteront leurs fruits dès cet été». Parmi les chantiers en cours, elle a cité la proposition de loi sur la prévention des incendies, qui après un vote au Sénat au début du mois d’avril, sera discutée à l’Assemblée nationale à partir du 15 mai. Elle a notamment mentionné le renforcement de l’obligation légale de débroussailler pour éviter la propagation des feux de forêt, une mesure de prévention encore peu appliquée. L’objectif affiché est de faire adopter cette loi, en procédure accélérée, avant l’été pour limiter le retour des incendies monstres cette année, après une saison des feux intense en 2022, dans un contexte où la végétation est particulièrement sèche et donc inflammable.
Analyse Libé. Le pouvoir d’achat pourrait bien baisser cette année, comme anticipé par exemple par les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Alors que le gouvernement promet dans sa feuille de route de prendre «de nouvelles mesures de soutien sur les revenus, en particulier en faveur des classes moyennes et des travailleurs», il se contente pour les plus petits salaires de redire ce qui est déjà contenu dans la loi, à savoir les règles d’indexation du smic. Ce dernier est en effet revalorisé automatiquement en cours d’année, quand l’inflation progresse au-delà d’un certain niveau, en fonction d’une formule complexe. C’est le cas le 1er mai, avec une hausse de 2,19 % du salaire minimum, à laquelle la Première ministre a citée. Pour le reste des salaires, Elisabeth Borne compte sur les partenaires sociaux et les renégociations des grilles salariales dans les branches… Seule nouveauté encore floue et qui dépend bien, elle, du gouvernement «des baisses d’impôt pour les classes moyennes d’ici à la fin du quinquennat». Une annonce contradictoire avec l’objectif d’accélération du désendettement qu’Elisabeth Borne a réitéré pendant sa conférence de presse.
Des rachats de logements neufs. Alors que la crise du logement bat son plein, touchant particulièrement les femmes et les enfants, la Première ministre entend «faciliter l’accès au logement de tous les Français, notamment dans les zones où l’offre est insuffisante.» Ce coup de pouce passera notamment par une mobilisation de «la Caisse des dépôts pour racheter des logements neufs qui peinent à trouver des acquéreurs et débloquer ainsi les programmes en attente». Les banques seront aussi «sollicitées» pour faciliter l’accès aux crédits des ménages.
La justice au menu du Parlement en juin. Face à un système judiciaire «souvent trop complexe et lent d’après nombre de Français». Elisabeth Borne souhaite «simplifier, moderniser et accélérer les délais de justice». Pour ce faire, la cheffe du gouvernement a annoncé le recrutement de «10 000 personnels supplémentaires, notamment des magistrats et des greffiers», sans pour autant préciser à quelle échéance et avec quels moyens. Elle a également affirmé que les magistrats auront la «possibilité de s’appuyer sur des équipes plus étoffées, pour accélérer la résolution des affaires». Un projet de loi sur le sujet sera présenté au Parlement «dès juin», d’après Elisabeth Borne.
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Les remplacements de courte durée dans l’enseignement «effectués au sein même de l’établissement». S’enorgueillissant du nouveau pacte enseignant controversé présenté il y a quelques jours par le président de la République, conditionnant une partie de l’augmentation salariale des professeurs à de nouvelles missions, Elisabeth Borne insiste : «Nous allons changer concrètement les choses. A partir de la rentrée prochaine, les remplacements de courte durée seront effectués au sein même de l’établissement.» Le gouvernement va également «généraliser les sessions de soutien et d’approfondissement en français et en mathématiques» en primaire.