Y aura-t-il de l’électricité à Noël ? La question inquiète de plus en plus à l’approche de l’hiver, alors que la France est confrontée à une grave crise énergétique. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, le prix du gaz puis de l’électricité se sont envolés. Dans l’Hexagone, cette inflation est accentuée par une baisse de la production électrique nucléaire, au plus bas en raison de l’arrêt de nombre de nos réacteurs. La moitié des 56 réacteurs sont actuellement en travaux pour des opérations de maintenance.
Au moment où les factures flambent dans tous les secteurs, l’exécutif tente donc de rassurer. Ce mercredi, la Première ministre Elisabeth Borne, accompagnée des ministres de l’Economie Bruno Le Maire et de la Transition énergétique Agnès Pannier, a tenu une conférence de presse pour évoquer les scénarios d’approvisionnement en électricité des prochaines semaines. Le gouvernement a également présenter l’avenir du bouclier tarifaire qui protège les Français des hausses de tarif jusqu’au 31 décembre. Alors que le budget de l’Etat pour 2023 est en préparation, l’exécutif a déjà promis que la hausse des prix du gaz et de l’électricité resterait «contenue» après l’expiration du bouclier.
Des précisions sur le futur chèque énergie. «Il sera versé en début d’année 2023», répond Agnès Pannier-Runnacher. Qui en bénéficiera ? «40 % des ménages les plus modestes», précise la ministre, à hauteur de 200 euros pour les deux premiers déciles, et 100 euros sur les suivants. Elisabeth Borne illustre : «C’est par exemple une femme au SMIC avec 2 enfants, un ménage au revenu net de 3 000 euros avec 2 enfants.»
Le Maire serre la ceinture. «Il n’est pas question de remettre en place un quoi qu’il en coûte, ça serait alimenter l’inflation», prévient Le Maire. «Il faut bien que des entreprises puissent augmenter leurs prix. Et si l’Etat compense toutes ces augmentations, les prix n’en finiront plus de monter. Mais nous pensons que l’inflation refluera en France et en Europe dans le courant 2023. Le quoiqu’il en coûte ne ferait que jeter de l’essence sur l’incendie», s’enflamme l’ex-candidat à la primaire pour la présidentielle chez les Républicains. Plus tempérée, Borne appelle surtout à «calmer l’incendie sur les prix de l’énergie sur le marché européen».
Le télétravail, fausse bonne idée ? Interrogée sur l’opportunité d’envoyer les salariés à la maison plutôt que de chauffer des grandes tours de bureau, Agnès Pannier-Runacher pointe plutôt un «risque de surconsommation quand il faut réchauffer les bureaux s’ils ne sont pas occupés durant plusieurs jours». La ministre de la Transition écologique rappelle que le plan sobriété du gouvernement «est une démarche qui se fait entreprise par entreprise, secteur par secteur, Il n’y a pas de vérité unique.»
Idées
Pas de nouveau plan contre les passoires thermiques. Alors que près de 5 millions de logements en France sont considérés comme très énergivore, Elisabeth Borne rappelle que «c’est un enjeu important» pour le gouvernement. Mais selon elle, l’amélioration de la situation ne passe pas par «une question de financement. Les financements, ils existent, ils sont opérationnels.» La Première ministre plaide en revanche pour davantage d’accompagnement des ménages qui pourraient solliciter les aides à la rénovation.
On n’oublie pas le déficit. Enfilant à nouveau son costume de père la rigueur, Bruno Le Maire souligne qu’il est «très important de tenir les 5 % de déficit en 2023 pour tenir l’objectif de président de la République de revenir sous les 3 % en 2027». L’argent magique, c’est fini.
«Ça devient vite assez technique ces sujets». Elisabeth Borne donne dans l’euphémisme après une longue réponse de Bruno Le Maire sur le chiffrage des mesures. Pour une fois, on ne va pas la contredire.
Bientôt des aides pour les autres types de chauffage. Questionnée au sujet des Français qui se chauffent au fioul ou au bois, Elisabeth Borne assure que les aides décidées à l’Assemblée en juillet, dans le cadre du projet de loi sur le pouvoir d’achat, «seront versées au mois de novembre». Par ailleurs, concernant les aides aux communes elles aussi durement touchées par la flambée des prix, «des discussions auront lieu en 2023».
Les plus modestes épargnés. «Nous ne demanderons jamais d’efforts aux Français en situation de précarité énergétique, nous devons au contraire les accompagner pour sortir de cette situation», souligne Agnès Pannier-Runacher. «Nous appellerons à la mobilisation de tous ceux qui le peuvent. Chaque geste compte. La mobilisation collective en faveur de la sobriété nous concerne tous en tant que citoyens», rappelle la ministre de la Transition écologique. Même pour les utilisateurs de jets privés ?
Des efforts pour tous. En troisième lame, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher assure que «l’État fera sa part. Comment demander des efforts à nos concitoyens, si nous ne sommes pas nous-même exemplaires ?» Pour les autres ? «Les maîtres mots sont : concertation, partage de bonnes pratiques et responsabilités.» Et comme on n’est pas chez les Amish, la ministre tient à préciser qu’il «ne s’agit pas d’imposer un nouveau protocole avec des mesures coercitives […] Ce n’est pas l’Etat qui impose telles ou telles mesures. […] Le plan de sobriété, ce n’est pas la réduction de la production».
Une crise ? Quelle crise ?
Toutes les chaînes d'informations en boucle sur la procession royale à Londres, mais aucune pour retransmettre la conférence de presse sur la situation énergétique du gouvernement. 😐 pic.twitter.com/RTJSsSKzL6
— Guillaume Jacquot (@algdelest) September 14, 2022
Bruno Le Maire présente la douloureuse. Lui aussi présent à la conférence de presse, le puissant ministre de l’Economie chiffre le montant de ces aides exceptionnelles. «La prolongation du bouclier tarifaire coûtera 16 milliards d’euros l’an prochain : 11 pour le gaz, 5 pour l’électricité. Le chèque exceptionnel coûtera lui 1,8 milliard d’euros. Il est déjà budgété», précise-t-il. «En 2022, la France va dépenser en 2,2 % de son PIB pour protéger nos compatriotes et ses entreprises».
Le bouclier tarifaire prolongé l’an prochain. «Nous allons limiter les hausses de prix du gaz et de l’électricité à 15 % en 2023», annonce Elisabeth Borne. «Ces augmentations seront de 25 euros au lieu d’environ 200 euros» sans le maintien du bouclier tarifaire, insiste la Première ministre. Mais reconnaissant que «cette augmentation n’est pas anodine», la cheffe du gouvernement promet un «accompagnement spécifique pour les 12 millions de foyers les plus modestes». Il s’agira d’un «chèque énergie exceptionnel versé d’ici la fin de l’année, de 100 à 200 euros selon le revenu.»
Eteindre la flambée au niveau du continent. «L’autre question qui nous préoccupe tous‚ c’est celle des prix du gaz et de l’électricité», souligne la Première ministre. «Notre objectif est de stopper l’explosion du cours des prix à l’échelle européenne. Pour faire baisser les prix, nous allons agir au niveau européen et au niveau national». Elisabeth Borne indique avoir discuté ce mardi avec la présidente de la Commission européenne Van der Leyen, et avoir convenu avec elle «de revoir les règles de plafonnement du prix sur le marché de l’électricité. Nous souhaitons travailler ensemble sur la mise en place d’un plafond de prix sur le marché européen du gaz d’ici la fin de l’année.»
«Pas de coupure». «Dans les scénarios les plus probables, si chacun prend ses responsabilités, et fait preuve de la sobriété nécessaire, il n’y aura pas de coupure» de courant cet hiver, veut croire Elisabeth Borne. Mais elle rappelle que «seules la sobriété et la solidarité européenne nous permettons d’éviter des coupures et des rationnements dans les cas de figure les plus pessimistes». Ainsi, «ces scénarios nous incitent à poursuivre notre stratégie : une sobriété choisie», dit la Première ministre, reprenant le chemin récemment pointé par Emmanuel Macron. «Ce ne sont pas les Français en situation de précarité énergétique qui doivent faire le plus d’efforts», a-t-elle toutefois précisé.
Borne veut passer l’hiver au chaud. «L’arrêt des livraisons de gaz russe et les maintenances sur le nucléaire français provoquent une situation énergétique exceptionnelle». Désormais, «le premier défi de mon gouvernement est de nous assurer qu’il y aura assez d’électricité et de gaz pour les Français cet hiver», souligne-t-elle.
Les employés du secteur énergétique font monter la pression. «Si les employeurs ne donnent pas satisfaction, l’hiver sera très complexe». Les salariés des métiers de l’énergie se sont mobilisés ce mardi en faveur d’une augmentation des salaires. Pour Libération, Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT, revient sur la situation sociale dégradée dans cette branche et les revendications de son syndicat. Notre interview.
Un trou de 750 millions d’euros pour l’électricité des transports de région parisienne. La «hausse absolument colossale des prix de l’énergie va déferler sur les transports du quotidien». La présidente (LR) d’Ile-de-France, Valérie Pécresse, va devoir trouver 750 millions d’euros pour faire face à l’augmentation des coûts d’exploitation des transports publics franciliens. Elle chiffre ce mercredi à «950 millions d’euros» les hausses de coûts pour l’exploitation du réseau francilien liés à la crise de l’énergie, sur près de 11 milliards d’euros actuellement. Pour y remédier, l’ex-candidate de droite à la présidentielle souhaite mettre à contribution l’Etat, les départements, la RATP, la SNCF et «le moins possible» les voyageurs. Le prix du Navigo pourrait notamment augmenter.
L’Europe va diversifier ses approvisionnements d’énergies. Dans son discours de l’Union ce mercredi matin, Ursula von der Leyen a notamment annoncé la création d’une banque publique dédiée à l’hydrogène, capable d’investir 3 milliards d’euros «pour construire le futur marché» de cette énergie en plein essor. Elle s’est par ailleurs engagée à constituer «des réserves stratégiques» pour éviter les ruptures d’approvisionnement dans les matières premières «critiques» pour son industrie, notamment les terres rares et le lithium dont l’offre mondiale est contrôlée par la Chine.
La France doit déjà économiser son gaz en cas d’un hiver très froid. La France a bien rempli ses stocks de gaz et doit être «capable de faire face» à un hiver moyen mais doit commencer à économiser «dès maintenant» pour faire face à un éventuel hiver très rigoureux, pointe ce mercredi en début d’après-midi le gestionnaire de réseau de gaz GRTGaz. «Dans un hiver moyen, le système gazier français est capable de faire face à la demande, tout en soutenant le système électrique et en contribuant activement à la solidarité européenne. Des situations de tension pourraient toutefois se développer en cours d’hiver. Pour les prévenir, une sobriété en gaz et en électricité est indispensable dès maintenant afin de limiter les risques de réductions imposées de la consommation qui concerneraient seulement les grands consommateurs», souligne GRTgaz dans un communiqué.
Par ailleurs, les exportations de gaz de la France vers l’Allemagne, annoncées par Emmanuel Macron dans le cadre de la solidarité européenne, vont commencer dès «mi-octobre», selon GRTGaz. En contrepartie, de l’électricité devrait nous être envoyée par Berlin.
Checknews
L’UE prévoit une «réforme complète et en profondeur» de son marché de l’électricité. Dans son discours annuel sur l’état de l’Union devant les eurodéputés à Strasbourg, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a annoncé ce mercredi matin plusieurs mesures importantes pour faire face à la crise énergétique qui frappe le continent. L’Union européenne va engager «une réforme complète et en profondeur» de son marché de l’électricité, où les prix se sont envolés dans le sillage des cours du gaz.