En résumé :
- Après avoir annoncé qu’il engagera la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée le 8 septembre, François Bayrou poursuite sa campagne en faveur de son budget et ses 44 milliards d’euros d’efforts. Au JT de TF1 mercredi soir, il n’a cependant fait aucune concession aux oppositions.
- Le Premier ministre s’est contenté d’assurer être prêt à «ouvrir toutes les négociations nécessaires» à la «condition préalable» que les députés lui votent la confiance sur son diagnostic de la dette. Il a aussi invité les oppositions à venir le rencontrer à partir de lundi.
- François Bayrou prononcera ce jeudi à 14 h 30 un discours aux «Rencontres des entrepreneurs» du Medef, à Roland-Garros. Suivra un débat entre Tondelier, Bompard, Roussel, Attal, Retailleau et Bardella.
«La situation est suffisamment grave pour ne pas perdre de temps avec un Premier ministre qui sait déjà qu’il ne sera plus là le 8 septembre au soir», écrivent Les Ecologistes sur leurs réseaux sociaux, reprochant à François Bayrou de ne pas vouloir «changer le logiciel économique qui nous envoie dans le mur et creuse les inégalités sociales depuis huit ans» et de ne pas comprendre que «le défi environnemental est le défi de notre siècle». «Le seul rendez-vous auquel nous participerons est celui qu’il a donné aux parlementaires le 8 septembre, où nous lui refuserons la confiance», martèlent-ils.
Le coordinateur général de LFI s’est fait siffler par le public des universités d’été du Medef, au point que son président, Patrick Martin, s’est senti obligé d’intervenir. Rappelant que lui-même avait été soutenu par le médiateur du débat lorsqu’il subissait des quolibets au cours de ses prises de parole à la Fête de l’Humanité, il a enjoint les spectateurs à la modération : «Nos invités nous font l’honneur d’intervenir, je vous demande de les respecter.»
Lors de la discussion entre les différents chefs de partis, à l’exception du patron du PS, Olivier Faure, aux universités d’été du Medef, la cheffe des Ecologistes s’est amusée à se réapproprier la métaphore fétiche de François Bayrou ces jours-ci, qui consiste à comparer la France à un bateau, la dette à un trou dans la coque, et le contexte international à une tempête. «Tout le monde est inquiet, mais si quand le bateau part à la dérive la solution c’est de laisser les mêmes aux commandes, ça ne fonctionne pas», déclare Marine Tondelier, qui défend toujours l’idée que la gauche puisse tenter à son tour de former un gouvernement, après être arrivée en tête des élections législatives anticipées en juillet 2024. Plus tard, lors d’un débat sur l’environnement, la verte a elle aussi été applaudie par la salle, en défendant les technologies renouvelables. «Je m’adresse à des gens qui comprennent mieux l’écologie que ceux qui nous gouvernent», lance-t-elle en attaquant le moratoire sur l’éolien et le solaire voté à l’Assemblée par le RN avec le soutien de la droite, pendant que Bruno Retailleau persiste dans son argumentaire de défense du nucléaire.
La prise de parole du président des Républicains a été accueillie par des tonnerres d’applaudissements, lors du débat qui l’a opposé aux autres chefs des principaux partis, Marine Tondelier pour les Écologistes, Fabien Roussel pour le Parti communiste, Manuel Bompard pour La France Insoumise, Gabriel Attal pour Renaissance, et Jordan Bardella pour le Rassemblement national. «On ne peut plus vivre dans un modèle social étatiste», s’est indigné Bruno Retailleau, qui y voit la cause principale du creusement de la dette publique, au cœur des discussions. «Il faudra dire la vérité aux Français, et sortir des boniments que la gauche nous raconte depuis des années», a-t-il lancé, toujours sous les manifestations d’enthousiasme de la salle.
Patrick Martin a du être déçu. Avant d’accueillir le Premier ministre pour son grand oral devant les chefs d’entreprise à Roland-Garros, le président du Medef a validé sa décision de requérir le vote de confiance du Parlement le 8 septembre, au risque (quasi certain) d’être renversé. «Il fallait purger le débat», estime-t-il, «et ce serait advenu de toute manière dans quelques semaines», au moment de l’examen du budget. «Ce qui nous importe, c’est que vous nous rassuriez dans la suite des événements», souligne Patrick Martin avant de laisser la parole à François Bayrou. Qui n’adopte pas tout à fait une tonalité rassurante, mais continue de dramatiser l’enjeu de la dette, autour duquel il veut responsabiliser les députés en sollicitant leur confiance. «Nous vivons un moment critique de notre histoire nationale», martèle le palois, avant de développer de très nombreuses métaphores historiques, triviales, personnelles, ou sportives pour dire à peu près la même chose. Dont une version maritime déjà filée la veille au 20 heures de TF1 : «la question n’est pas de savoir qui gouverne le bateau, et qui on jette à l’eau, mais si le bateau va pouvoir affronter la haute mer, et nous sommes tous dans le même bateau».
Marine Tondelier «ne voit pas bien l’intérêt» de se rendre à l’invitation lancée aux chefs des partis politiques par François Bayrou pour tenter d’arracher un vote de confiance le 8 septembre, invitation déjà refusée par LFI. «On se prononcera dans la journée parce qu’il faut que je rappelle les présidents de groupe. Pour l’instant, je dois vous avouer qu’on ne voit pas bien l’intérêt», a déclaré jeudi la patronne des Ecologistes sur France Info.
La France insoumise ne se rendra pas à l’invitation lancée aux chefs des partis politiques par le Premier ministre pour tenter d’arracher un vote de confiance le 8 septembre sur le budget, a annoncé ce jeudi midi le coordinateur national de LFI Manuel Bompard. «La France insoumise a déjà déposé 8 motions de censure contre le gouvernement cette année. En toute cohérence, les parlementaires insoumis voteront donc contre la confiance pour faire enfin tomber ce gouvernement», a-t-il écrit dans un message sur le réseau social X. «Nous n’avons donc nullement l’intention de participer à l’opération de sauvetage que le Premier ministre tente désormais d’initier. Nous n’irons donc pas à Matignon la semaine prochaine», a-t-il ajouté.
Assurant partager la gravité de la situation sur le niveau de la dette, mis en avant par François Bayrou pour justifier le vote de confiance, le Parti socialiste - qui entend faire chuter le gouvernement - doit présenter son contre-budget samedi, basé sur la recherche de recettes supplémentaires, avec un effort demandé aux plus aisés. Le PS, hostile à de nouvelles élections, va ouvrir son université d’été ce jeudi après-midi à Blois et entend démontrer qu’il peut incarner une «alternative». «Nous sommes la solution», assure jeudi sur X le premier secrétaire Olivier Faure, qui s’exprimera vendredi devant ses troupes.
Interview
La proposition de Bayrou de «recevoir les responsables de partis politiques et de groupes parlementaires» à partir de lundi ne suscite guère d’enthousiasme pour le moment. D’autant que le chef de gouvernement n’a pas arrangé ses relations avec les leaders de l’opposition en affirmant mercredi soir qu’ils étaient en «vacances» cet été alors que ceux-ci soulignent que le Premier ministre n’a jamais cherché à les joindre. A gauche, les leaders n’ont pas encore précisé s’ils rencontreraient le Premier ministre. Si Jordan Bardella se rendra bien avec Marine Le Pen à Matignon la semaine prochaine, le RN considère que la page Bayrou «est tournée», selon son vice-président Sébastien Chenu ce jeudi matin.
Le décret présidentiel convoquant le Parlement en session extraordinaire pour le vote de confiance le 8 septembre à l’Assemblée nationale a été publié au Journal Officiel ce jeudi matin, avec un ordre du jour en un seul point : «une déclaration de politique générale», en application de l’article 49-1 de la Constitution.
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Eric Lombard a assuré ce jeudi en fin de matinée devant le Medef que «l’ISF est complètement écarté» dans le budget 2026, sans exclure qu’il y ait des «discussions» sur le partage de l’effort «dans les limites de ce qui est raisonnable». Le président du Medef Patrick Martin avait repoussé l’idée d’un retour de l’Impôt de solidarité sur la fortune, ou d’un impôt similaire, mercredi lors de son discours devant la Rencontre des Entrepreneurs de France. Se voulant plus rassurant que la dramatisation des derniers jours, le ministre de l’Economie s’est par ailleurs dit «convaincu qu’on aura dans les délais un budget pour 2026», et «ne pas croire à la crise financière» malgré les incertitudes politiques dans lesquelles se trouve la France actuellement.
La probable chute du gouvernement plonge à nouveau les chefs d’entreprise dans l’incertitude. Lors de leur rencontre annuelle, ils ont partagé leurs craintes d’un ralentissement des investissements dans un contexte international agité.
En agitant les frayeurs budgétaires et en alimentant l’instabilité politique, François Bayrou joue un jeu dangereux : les patrons détestent plus que tout l’incertitude, rappellent les économistes interrogés par Libération.