«Je préfère ne pas en parler, ça va trop m’énerver.» A peine le temps de dire bonjour que déjà, un homme, interpellé au hasard devant l’Intermarché de Parempuyre (Gironde), file à toute vitesse avec son chariot à l’autre bout du parking. Les 10 200 habitants de cette petite commune girondine, à 15 kilomètres au nord de Bordeaux, ont du mal à digérer l’explosion de 25 % de la taxe foncière sur l’année 2024 (1). Devant la pharmacie, le fleuriste ou la station essence, ils sont, au mieux, blasés, au pire, très remontés contre la municipalité. Un sentiment d’injustice d’autant plus fort que Parempuyre figure dans le top 15 des plus fortes augmentations en France.
Un cabas de courses sur l’épaule, Laurence, une sexagénaire qui travaille dans le social, se rappelle avoir chiffonné la feuille d’imposition lorsqu’elle l’a découverte dans sa boîte aux lettres. Pour une maison d’environ 100 mètres carrés, elle devra verser 1 600 euros. C’est 300 euros de plus qu’en 2023. «Ça fait jaser en ville. J’habite ici depuis dix ans et pour la première fois, j’ai envisagé de déménager sur le coup de la colère. Quand je serai à la retraite, mon pouvoir d’achat va fortement diminuer. Je ne sais pas si on sera encore capable d’assumer», confie Laurence qui s’interroge sur «la bonne gestion» de la commune. «C’est pas comme si on débordait d’infrastructures, le tramway ne vient même pas jusque chez nous. La qualité des services, elle, n’a pas augmenté dans les mêmes proportions», peste Stéphanie, 49 ans, salariée dans une mutuelle. «J’ai pris 200 euros en plus pour un appartement de 88 mètres carrés qui tremble quand les bus passent devant chez moi à cause de l’état de la route.»
«Si on avait su, peut-être qu’on aurait choisi une autre commune»
Croisé devant la pharmacie, Romain, 35 ans, a aussi le sentiment de s’être fait flouer : «Je suis venu m’installer ici il y a deux ans et clairement, la valeur de la taxe foncière a pesé dans la balance. Si on avait su qu’elle allait prendre 25 %, peut-être qu’on aurait choisi une autre commune.» En vingt ans, Parempuyre n’avait augmenté qu’une seule fois cet impôt, c’était en 2021. Le commercial assure que beaucoup de ses clients – certains vont devoir payer jusqu’à 800 euros en plus – lorgnent désormais sur une commune voisine, Ludon-Médoc. «Elle a l’avantage d’être à seulement 4 kilomètres, sans être dans la métropole bordelaise. Les prix y sont donc moins élevés, argue-t-il. Avec l’inflation en plus, c’est la folie ! On a l’impression qu’on nous grignote chaque jour un peu plus notre pouvoir d’achat. Cette taxe, c’est la double peine.»
Cible des critiques, la maire, Béatrice de François, laisse échapper une pointe d’agacement. Dans son bureau, qu’elle occupe depuis 2008, elle concède avoir voté «à contrecœur» cette augmentation, mais dénonce «beaucoup de mauvaise foi». La taxe est calculée sur la base de la valeur locative des logements au 1er janvier 1970, rappelle-t-elle, une époque où le marché immobilier était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui : «Parempuyre était essentiellement rurale et les loyers y étaient très bas. De fait, cela impose de relever les taux pour obtenir des recettes fiscales moyennes qui ne sont pas déconnectées du marché.»
Un million d’euros de rentrées fiscales
La maire socialiste rappelle que la commune a par ailleurs perdu près d’un million d’euros de dotations de l’Etat depuis 2017 alors que sa population a augmenté de 24 % depuis 2015. Elle rejoint la longue liste d’élus locaux qui dénoncent les efforts demandés aux collectivités par le gouvernement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. «Non seulement nous avons perdu la dotation de solidarité rurale en franchissant la barre des 10 000 habitants, mais nous devons aussi gérer les hausses des prix de l’énergie, l’augmentation du coût de la main-d’œuvre et des matériaux et la suppression de la taxe d’habitation», énumère l’élue. Selon les chiffres de la ville, la hausse de la taxe foncière devrait rapporter au moins un million d’euros de rentrée fiscale supplémentaire. Sans cet ajustement, assure la municipalité, les élus auraient été contraints de revoir à la baisse les différents services offerts à la population, parmi lesquels les goûters bio pour les scolaires ou le système de minibus qui accompagne les enfants à leurs activités quand les parents travaillent.
Du côté de l’opposition, l’élu Jean-Marc Farthouat ne veut pas oublier la responsabilité de la mairie qui a, selon lui, «surestimé ses capacités d’investissement» et «manqué d’anticipation». «La rénovation des terrains synthétiques ou la réhabilitation du centre technique par exemple ont été largement sous-évaluées. Je regrette aussi que la maire ait joué sa dernière élection en se gargarisant de ne pas augmenter les impôts. Résultat, les gens se sentent trahis», avance le conseiller municipal. «J’ai pris mes responsabilités et j’assume», rétorque Béatrice de François, pour qui les finances sont «saines» : «L’Etat se désengageant progressivement, nous avons dû répondre à une situation exceptionnelle». Militant pour une meilleure répartition de cet impôt, notamment en incluant les locataires, la Girondine prévoit de se rendre au prochain congrès des maires, du 19 au 21 novembre à Paris, pour plaider sa cause.
(1) 21,86 % sans la part locative revalorisée par l’Etat.